Je sors du tribunal en affichant un sourire satisfait après une énième victoire. Je gagne presque toujours car je suis un des meilleurs dans mon domaine. C’est le résultat d’un travail acharné et non de pots-de-vin comme certains confrères peuvent jalousement insinuer.
J’ai tout de même senti le regard charmé de la juge sur moi. Je suppose que je l’attire mais je peux la comprendre, il y a peu de femmes à qui je ne plais pas. Parfois, il faut avouer qu’avoir un physique avantageux peut aider mais j’ai quand même toujours eu cette capacité d’être assez convaincant pour gagner la majorité de mes procès.
L’air frais chatouille mes narines et réoxygène enfin mes poumons après des heures de plaidoirie qui ont asséchées mes cordes vocales. Je sens soudainement mon portable frénétiquement vibrer dans la poche de ma veste. Nouveau message d’Alaric.
Ton frère est un abruti incompétent, il m’a fait convoquer au commissariat et sous-entend que j'ai frappé Dalia. Je comprends maintenant pourquoi vous ne vous êtes jamais entendu, c’est un raté !
Quoi ?
Je suis désolé, je sais que c’est ton frère, j’espère que tu ne le prends pas mal, j’ai réagi à chaud mais tu me connais, je n’aurais jamais pu toucher un cheveu de Dalia.
C’est quoi cette histoire ?
Je ne connais pas parfaitement Alaric et même si je ne l’ai pas vu depuis des années, je sais que ce n’est pas un homme violent. Il a parfois le sang chaud mais je ne l’imagine pas faire du mal à une femme. Je ne sais pas pourquoi sa copine a fini à l'hôpital cette nuit-là mais il doit bien y avoir une explication. Laël ne peut pas s’empêcher d'être à côté de la plaque, pourquoi ne pas convoquer tous les détraqués qui traînent dans les rues et qui auraient potentiellement pu faire du mal à la copine d’Alaric ? Non, au lieu de ça, il suspecte un homme qui a réussi par lui-même et dont cette histoire pourrait détruire sa carrière et sa vie. Je croyais que c'était moi le sans cœur mais Laël n'est pas mieux. À moins que ce soit son complexe d’infériorité et sa jalousie qui parle.
J'allume une cigarette, la porte à ma bouche puis écris ma réponse.
Ne t'inquiète pas pour mon frère, il aboie mais il ne mord pas. S'il y a un problème, je te défendrai et tu connais mon talent pour plaider.
Quand je relève la tête, j'aperçois une grande blonde crispée s'avancer rapidement vers moi.
Lara ?
– Pourquoi tu ne réponds plus aux messages ? hurle-t-elle.
– Bonjour Lara répondé-je en levant les yeux au ciel.
– Tu m'as bloquée ? Ne me dis pas que tu m'as bloquée ? s'offusque-t-elle.
– Je ne t'ai pas bloquée Lara, on n'est plus ensemble et d'ailleurs on ne l'a jamais officiellement été, j'ai toujours été honnête avec toi dis-je calmement en inhalant la fumée de ma cigarette.
Peut-être que je devrais la bloquer ?
– Tu penses vraiment que tu peux quitter une femme comme moi? Je sais que tu m'aimes Aaron, arrête de te mentir à toi-même.
Qu'est-ce qu'elle raconte ? Elle pense être dans ma tête ?
– Je ne t'aime pas Lara, toi et moi c'était pour s'amuser, c'était simple, sans prise de tête.
Elle s'approche de moi en posant son index au milieu de mon torse.
– Si tu n'aimes pas une femme comme moi, tu n’aimeras jamais aucune autre femme Aaron, c'est impossible de ne pas m'aimer. J'ai des millions de followers qui m'aiment et toi tu ne m'aimes pas ?
Elle est sérieuse de comparer l'amour à des followers sur les réseaux sociaux ?
Je jette ma cigarette au sol et tourne la tête pour esquiver le regard mi-suppliant mi-agressif de Lara quand soudain je reconnais une femme de l'autre côté de la rue.
Nevasca? Qu'est-ce qu'elle fait ici? Si elle a besoin d'une défense efficace, je peux lui proposer mes services et même plus. C'est la troisième fois. On doit boire un verre. Elle m'en doit un, j'ai gagné.
Je l'observe se diriger rapidement vers sa voiture. Lara est toujours devant moi dans l’attente d’une réaction de ma part.
– Aaron ! Regarde-moi ! Tu rêves ou quoi?
Je contourne Lara sans un regard et la laisse plantée là tandis que je cours à ma voiture. J'entends derrière moi sa voix s’égosiller :
– Aaron ! Aaron ! Je ne vais pas en rester là ! Crois-moi !
Ses paroles rentrent d'une oreille puis ressortent d'une autre, je n'y prête pas plus d’attention que ça lorsque je démarre ma voiture en trombe pour faire une énorme connerie.
Je vais la suivre. Je vais suivre Neva. Merde. Je deviens un détraqué ?
J'ai regardé assez de films d'action pour laisser au moins une voiture entre elle et moi. Qu'est-ce que je fous ?
La circulation est dense et tous les feux rouges ont décidés de me ralentir mais je ne la perds pas de vue.
J'ai envie de savoir ce qu'elle fait ? Où vit-elle ? Est-elle en couple ? Même si ce n'est pas un problème pour moi, je lui ferai vite oublier son copain.
Mais pourquoi les gens roulent si lentement ?
J'y crois pas. Je suis en train de suivre une femme. Je deviens fou ou quoi ? Mais c'est la troisième fois que je la croise et je ne crois toujours pas au hasard.
Vingt minutes plus tard, sa voiture s'engouffre dans un parking souterrain. Je me gare sur le trottoir face à son immeuble, ma voiture partiellement cachée par un arbre. Heureusement pour moi, la mairie a pour objectif d'en planter 10 000 d'ici 2030, ça me permettra de me cacher derrière eux quand l'envie me prendra de suivre quelqu'un. J'en rigole tout seul.
La lumière d'un appartement du troisième étage s'allume. J'ai une vue directe sur le séjour. J'aurais dû acheter une boisson et du pop-corn, c'est mieux que le cinéma. Je déraille. Je devrais rentrer chez moi.
Neva apparaît devant la porte de son balcon. Enfin. Elle porte une robe noire qui s’arrête aux genoux et qui dessine magnifiquement ses courbes. J'aime beaucoup. Même trop. Elle coiffe ses longs cheveux en chignon puis passe sa main sur sa nuque. Elle semble tendue. J'aurais pu la masser. Elle ouvre la porte et sort sur son balcon. Merci Neva pour la meilleure vue. Je l'observe inspirer et expirer lourdement.
On dirait qu’elle a eu une journée difficile. Je devrais aller lui proposer un verre pour tout oublier avec moi ?
Je continue de l'admirer comme si j'étais un adolescent qui n'avait jamais connu de femmes. Je ne comprends même pas pourquoi je fais ça, je ne suis pourtant pas un sentimental mais cette fille attise ma curiosité.
Neva s’appuie contre la rambarde et fixe soudain dans ma direction. Merde. Elle a l’air de plisser les yeux et penche sa tête à droite puis à gauche pour distinguer qui se cache derrière cet arbre.
Putain. Je démarre en quatrième vitesse tel un chevronné en faisant crisser mes pneus sur la chaussée. Je crois avoir prévenu tout le quartier de mon départ s'ils ne savaient pas que j'étais caché derrière un arbre comme un ravagé.
J'espère juste que Neva ne m'a pas reconnu. Déjà qu'elle me repousse, je ne risque pas de remonter dans son estime.
Mais quelle idée aussi ? Note à moi-même : ne plus jamais suivre une femme jusqu’à chez elle.
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Quand le coeur balance...
RomanceNeva a connu le pire mais n'a jamais abandonné son rêve : devenir avocate. Déterminée, elle se destine à lutter contre les violences faites aux femmes. Son dessein mettra sur son chemin, Dalia, une femme blessée, que Neva tentera de convaincre par t...