Chapitre 46 - Laël

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J’enfile une veste polaire dont je remonte la fermeture jusqu’au cou, un bonnet en laine et des gants car je m’apprête à affronter le froid glacial qui m’attend dehors. Arrivé dans un parc à grandes enjambées, je continue ma course au milieu des arbres dénués de tout apparat, ma foulée est plutôt rapide, une fumée blanche s’échappe de mes lèvres à chaque expiration mais ma respiration est plutôt stable. Avoir une bonne condition physique m’a fortement aidé suite aux problèmes de santé que j’ai connu lorsque j’étais plus jeune et c’est aussi ce qui m’a permis de réussir assez facilement les examens d’entrée dans la police. Le corps humain est plus fort qu’on ne le pense et je ne m’imaginais pas pouvoir vivre normalement en n’ayant plus qu’un seul rein. D'ailleurs, je remercie le ciel chaque jour de m’avoir accordé la vie.

Je renifle fortement, je crois que le froid a refroidi mes sinus, je m’arrête alors au niveau des installations sportives en bois. Je retire mes gants que je range dans la poche de ma veste puis lève les bras pour m’accrocher à la barre de traction en métal installée entre deux rondins verticaux en bois. Je me hisse et en enchaîne un nombre incalculable. Je n’arrive plus à me concentrer pour compter car mes pensées dérivent. Mon souffle devient haletant mais je ne m’arrête pas. J’ai besoin de repousser mes limites. J’ai besoin de me sentir vivant. La vérité c’est que la dernière personne à m’avoir fait sentir vivant ces derniers temps, c’est Neva.

Mais je ne suis pas idiot. J’ai remarqué qu’elle me fuit depuis notre baiser. Je lui ai proposé qu’on se voit, dehors, chez moi, peu importe où, tant que je la vois mais elle était toujours occupée ou indisponible. Je ne sais pas ce que j’ai fait de mal et pourtant, je lui ai précisé que je lui laisserai du temps et c’est la stricte vérité. Je ne suis pas pressé. On peut se voir sans se toucher ni s’embrasser si elle préfère, exercice plus difficile pour moi que des tractions, car ce serait tellement tentant après avoir goûté à ses lèvres mais je sais me tenir. Et je la respecte.

Mais Neva est une femme qui a été blessée et ses blessures la font se refermer sur elle-même. J’aimerais tellement l’aider. Je voudrais être celui qui guérit ses plaies, celui qui l’aimera assez pour lui prouver que l’amour ne fait pas toujours mal, celui qui l’aide à surmonter ses peurs…

Peu importe l’issue de cette histoire, j’ai juste envie d’être là pour elle. Mais le fait qu’elle me rejette me fait profondément mal. Je ressens comme une brûlure vive au niveau du cœur et aucune activité physique n’arrive à l’atténuer.

Je me laisse retomber au sol et frotte mes mains l’une contre l’autre avant de me positionner pour faire des pompes. Les paumes contre le sol bétonné, je m’exécute et commence à sentir des gouttes de sueur perler sur mon front. J’expire fortement l’air de mes poumons lorsque je sens mon portable vibrer dans la poche de ma veste. Une fois. Puis une seconde. Une troisième. Et encore plusieurs fois continuellement. Qu’est-ce qu’il se passe ? Je n’ai jamais été le genre de personnes à avoir énormément d’amis d’ailleurs j’étais plutôt solitaire quand j’étais ado contrairement à Aaron qui était très populaire. Je me relève et j’attrape mon téléphone. Putain.

Mes pulsations cardiaques s’accélèrent et je constate que j’ai au moins une vingtaine de messages. Elisa, des collègues, Neva…

Je clique spontanément sur le dernier qui vient de Neva.

Laël, c’est quoi cette vidéo ? Agathe vient de me la montrer et je dois t’avouer que je ne comprends pas… C’est vraiment toi qui frappe Aaron le soir du nouvel an ? Pourquoi ? Depuis quand es-tu une personne violente et agressive ? Ça ne te ressemble pas…

Je demeure bouche bée et ma gorge se serre lorsque je clique sur le message d’Elisa.

Cette vidéo tourne sur tous les réseaux avec le #violencespoliciaires ! Qu’est-ce que vous avez encore foutu ?

Quand le coeur balance...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant