Chapitre 42 - Neva

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J’ai sauté dans le vide. Sans parachute. Sans savoir ce qu’il m’attend. Juste pour essayer. Juste pour oser. Frôler l’inconnu. Frissonner. Au moins une fois. Même si j’avais la gorge nouée avant de prononcer ces mots. Non, en fait, je ne suis pas sortie de ma zone de confort, j’ai bondi, j’ai plongé hors de tout ce que je connais et qui me rassure. Embrasse-moi Laël… Je me sens audacieuse et fière d’avoir exprimé ce dont j’avais envie. Agathe m’a conseillé de faire quelque chose d’inattendu aujourd’hui, quelque chose d’irréfléchi et de me concentrer sur mes ressentis.

Quand Laël s’approche et qu’il pose ses mains sur moi, ma respiration s’accélère et mon cœur tambourine dans ma poitrine. Ses lèvres sur les miennes ont un goût de miel, c’est doux et sauvage et j’en redemande encore. Je ne veux pas réfléchir, je veux juste ressentir. Oh… Je n’imaginais pas que Laël allait être aussi passionné et que j’allais terminer ma journée assise sur le bureau d’un lieutenant, mes fesses posées sur quelques procès-verbaux ou comptes rendus dont certains ont virevoltés au sol dans notre élan. Mes cuisses s’entrouvrent spontanément pour sentir Laël encore plus proche de moi et mes mains hésitantes s’aventurent dans ses cheveux et sous son t-shirt. C’est plutôt agréable de sentir la chaleur de sa peau sous mes doigts, son souffle court contre mon visage et son regard ardent envers moi. Je sens son désir grandir contre moi et entre quelques baisers enflammés, il murmure ces mots « je ne te ferai jamais souffrir, Neva, jamais. »

Comme s’il avait lu dans mes pensées et connaissait mes peurs, il se veut toujours rassurant et prévenant. Mes joues s’enflamment, je frissonne et mon corps entier est brûlant lorsque Laël pose ses lèvres dans mon cou. Des sensations que j’avais oubliées depuis bien longtemps percutent mon être et un mélange d’anxiété et d’envie traversent mon esprit. Est-ce que ce n’est pas trop tôt ? Laël semble être quelqu’un de bien mais est-ce que je suis prête à m’engager de nouveau dans une relation ? Il m’a dit qu’il ne me fera jamais souffrir mais j’ai peur que ce soit moi qui le fasse souffrir… à cause de mes doutes. Et je n’ai pas envie de lui faire du mal…

– Laël, attends…

Ses lèvres frôlent encore mon cou puis son visage revient face au mien. Il m’embrasse tendrement sur la joue puis sur la bouche et ses mains s’arrêtent sur mes hanches. Ses yeux brillants ne quittent plus les miens.

– Neva, tu préfères qu’on arrête ? demande-t-il d’une voix haletante.

J’ouvre ma bouche pour lui répondre mais je n’ai pas le temps de prononcer quoi que ce soit car quelqu’un toque à la porte. C’est vrai que la porte n’était pas fermée à clé… n’importe qui aurait pu entrer. Mes propres pensées me font rougir de plus belle et je bondis du bureau ce qui éloigne Laël de moi au passage. Je mordille mes lèvres et essaye de remettre mes cheveux en ordre en les coiffant avec mes doigts puis mes mains se posent sur ma jupe courte plissée que je tire car elle était à moitié relevée ce qui fait sourire Laël qui ne peut s’empêcher de me dévorer du regard. Je prends une grande inspiration et j'acquiesce d'un signe de tête pour confirmer que je suis prête.

– Entrez ! crie Laël.

La porte s’ouvre et un de ses collègues passe sa tête dans l'entrebâillement. Il nous fixe un instant avant de détourner son regard vers le sol où il constate plusieurs feuilles éparpillés. Je pince mes lèvres pour ne pas rire et lance un regard gêné à Laël qui me sourit en retour.

– Lieutenant, je ne voulais pas vous déranger mais je devais vous dire quelque chose…

– Oui, qu’est-ce qu’il se passe ?

Son collègue détourne ses yeux vers moi et je sens mes joues s’empourprer encore plus, je tripote les manches de mon pull et ne pense qu’à fuir cette situation embarrassante.

– Tu peux parler devant elle ajoute Laël.

– Je voulais juste vous prévenir que votre frère est en cellule de dégrisement.

Quoi ?

Je fronce les sourcils et observe Laël qui se frotte nerveusement la mâchoire.

– Merci de m’avoir prévenu. J’arrive.

Son collègue referme la porte et Laël s’avance vers moi mais je l’évite en me précipitant vers le bureau pour attraper mon manteau et mon sac.

– Je vais y aller, Laël. Je… on se tient au courant de l’avancée de l’enquête de toute façon.

L’avancée de l’enquête… n’importe quoi, Neva.

Laël tend sa main vers moi pour me toucher mais je l’esquive pour m’éloigner vers la porte.

– Neva… je t’écris, ok ?

J’opine de la tête puis sors rapidement de la pièce.

Aaron est en cellule de dégrisement ? Ça signifie qu’il était en état d’ivresse sur la voie publique ? Mais pourquoi ? Un avocat qui commet des délits, ça en devient risible. Je ne sais même pas pourquoi je m’intéresse à sa situation mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il doit se sentir mal dans sa vie pour en arriver à ce point.

Et quelque part, j’ai une douleur au cœur inexplicable. J’ai toujours été sensible à la souffrance des autres. C’est peut-être ça mon problème.

J’arrive à ma voiture et j’y entre en me frottant les mains l’une contre l’autre, je mets le contact puis j’allume le chauffage. J’attrape mon portable et j’ai plusieurs notifications dont deux messages de Laël.

Neva, on n’a pas besoin d’expliquer ce qu’il se passe entre nous, si tu as besoin de prendre ton temps, sache que je t’attendrai.

PS : je n’oublierai jamais le goût sucré de tes lèvres.

Mon coeur sursaute dans ma poitrine et un sourire se dessine sur mes lèvres. Mes doigts cliquent sur les autres notifications qui proviennent cette fois-ci d’Instagram . Ce sont des commentaires.

Mes lèvres lisent silencieusement chaque mot qui heurte profondément mon cœur. « Tu dis que tu veux défendre les femmes mais voler leur mec, ça te dérange pas ? » « Lutter contre les violences faites aux femmes mais coucher avec leur mec, c’est compatible ? »

Je clique sur les profils et ils suivent tous étrangement une seule personne.

Ne me dis pas que… Lara ?

Mes pulsations cardiaques s’accélèrent, ma gorge se noue et mes yeux s’embuent de larmes. Je veux taper une réponse, dire que c’est faux et me justifier parce que si je ne le fais pas, on va croire à ces inepties ? Mais je ne sais pas quoi dire… je comprends son énervement car si je suis honnête, les rapports avec Aaron ont souvent été flous même pour moi mais je n’aurais jamais franchi la ligne. Je respecte son couple.

Mais pourquoi écrire ce genre de commentaire sur le Instagram de l’association ?

Pourquoi vouloir me dénigrer ? Qu'elle vienne me parler directement au lieu de s'en prendre à mon travail...

C’est écoeurant…

Je sélectionne un à un les commentaires et les supprime en prenant soin de signaler et bloquer chaque profil.

Je n’ai pas l’envie ni l’énergie de me lancer dans ce genre de combat. Ce n’est pas le mien. Mon combat restera toujours d’ouvrir les yeux aux femmes ou du moins à celles qui ont envie de les ouvrir.

Quand le coeur balance...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant