Chapitre 53 - Laël

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Dans le passé, j'étais certain d'avoir souffert suite à ma relation chaotique avec Emma... Mais aujourd'hui, je me rends compte que ce n'était rien comparé à ce que je ressens depuis la dernière soirée avec Neva. Cette douleur. Elle irradie dans ma poitrine, dans mon cœur, dans ma tête. Elle pulse jusque dans mes veines. J'ai l'impression qu'on m'arrache le cœur à chaque fois qu'elle s'éloigne de moi. J'essaye de faire de mon mieux. Putain. Tout ce que je souhaite c'est qu'elle se sente bien. Mieux. C'est ce que je désire lui apporter. Mais pas comme ça. Pas juste pour une nuit. Je ne veux pas qu'elle devienne un coup d'un soir et je ne veux pas juste être une passade. J'ai la sensation de tout faire de travers. À chaque fois. On s'attire puis on s'éloigne, comme des aimants... destinés à ne jamais rester accrochés définitivement.

Neva m'a avoué qu'elle avait peur de tomber amoureuse de moi... et moi j'ai peur qu'elle me brise le cœur. Lorsqu'elle a quitté l'appartement, j'ai tenté de l'appeler, deux ou trois fois, je ne sais plus exactement mais en vain. Pourquoi tout est si compliqué ? J'aurais certainement dû la rattraper et lui avouer ce que je ressens pour elle... mais je dois me protéger. Mes sentiments pour Neva sont trop forts, trop soudains, trop intenses et ça me dépasse. Mon téléphone entre les mains, je relis pour la millième fois le dernier message que je me suis décidé à lui envoyer et ça me serre la gorge à chaque fois.

Neva, je ne te retiendrai pas cette fois-ci... pardonne-moi mais tu as certainement raison. C'est mieux qu'on s'en tienne à des relations professionnelles.

Je n'attendais aucune réponse de sa part, pourtant, j'avais l'espoir qu'elle me réponde quand même quelque chose. Même un simple « ok » m'aurait apaisé. Mais je dois la laisser partir, je dois la laisser s'éloigner si c'est ce qu'elle désire.

Notre dernier baiser tourne en boucle dans ma tête comme s'il ne s'était jamais arrêté. J'avais tellement envie d'elle... ses lèvres et ses mains contre ma peau m'ont rendu fou... mais je n'en veux pas si elle n'est pas sûre de ses sentiments. Il faut que j'arrête de penser à la chaleur de sa bouche contre la mienne, à la douceur de sa peau et à son corps contre le mien parce que mon souffle se coupe et je sens que mon boxer va exploser. C'est pas le moment putain.

- Tiens, voilà ton café, noir, sans sucre comme tu m'as demandé ! m'interrompt Caleb en prenant place sur la chaise en face de moi.

- Merci... dis-je en récupérant le gobelet qui me brûle les doigts.

- T'as vraiment une sale gueule aujourd'hui ! T'as mal dormi ? s'exclame-t-il en arquant un sourcil.

Je plisse les yeux en laissant échapper un léger rire.

- Enfin, ça fait plusieurs jours que t'as une sale gueule, j'osais pas te le dire mais les amis sont là pour ça non ? C'est quoi le problème ? Si c'est le travail, je te comprends, j'ai tellement la flemme aujourd'hui... j'ai hâte de rentrer chez moi mais j'ai encore une heure à tirer.

- Il n'y a aucun problème, avoir une sale gueule est un délit ?

- Non mais je m'inquiétais pour toi c'est tout dit-il en passant une main dans ses cheveux crépus.

- Merci de t'inquiéter mais ça va.

- T'as vu la nouvelle brigadière-chef qui a été mutée ici ? Elle te lance des regards depuis des jours et tu captes rien... tu devrais lui parler chuchote Caleb en avançant son buste sur la table.

- J'en ai totalement rien à foutre, Caleb.

- Pourquoi ? T'as prévu de battre le record d'abstinence ou quoi ? Depuis Emma, c'est le calme plat...

- Tu sais très bien que je déteste les coups d'un soir...

- Mais je te parle pas forcément de coups d'un soir... sur un malentendu ça peut aboutir à une belle relation. Fais pas le timide et va lui parler.

- Non.

Caleb souffle puis s'enfonce dans son siège en croisant ses bras.

- C'est bon, j'ai compris, c'est à cause de l'avocate... celle pour qui t'as escaladé un immeuble... Cette fille t'as retourné le cerveau ou quoi ?

- Elle ne m'a pas retourné le cerveau...

- T'étais pas aussi insistant avec Emma !

- C'est parce qu'elle n'est pas Emma... avec elle c'est différent.

- D'ailleurs, elle s'appelle comment déjà ?

- Neva, pourquoi ?

- Neva comment ? me demande Caleb en buvant une gorgée de son café.

- Neva Durane, mais pourquoi tu me demandes ça ?

- Je comprends mieux, elle est mignonne. Désolé, j'ai maté ses fesses, j'ai pas pu m'en empêcher.

Ma mâchoire se crispe et je pose brutalement mes coudes sur la table en passant fébrilement une main sur mon visage.

- Putain, qu'est-ce que tu racontes, Caleb ?

Il se frotte la nuque puis avance de nouveau son buste vers moi.

- Elle était au commissariat avant que tu prennes ton service, y'a peut-être deux heures, j'ai pris sa plainte. C'était pour une histoire de vandalisme sur sa voiture. Quelqu'un a défoncé son pare-chocs ce week-end et elle a découvert les dégâts ce matin. Y'a vraiment des personnes malhonnêtes...

- Attends, elle t'a rien dit d'autre ?

- Non, elle était juste pressée parce qu'elle devait encore contacter son assurance pour les réparations de la voiture. Y'a juste un truc qui m'a interpellé...

- Quel truc ?

- Elle avait une blessure au niveau du front... une bosse avec un bleu assez foncé. Je l'ai questionnée à ce sujet et elle m'a simplement dit qu'elle s'était cognée.

Je déglutis et mes pulsations cardiaques s'accélèrent.

- C'est tout ce qu'elle t'a dit ?

- Oui répond Caleb en haussant les épaules.

- Si elle revient ici, tu m'appelles directement.

- Mon gars, laisse cette fille respirer. Tu l'étouffes, c'est pour ça qu'elle s'éloigne.

Je soupire, me lève puis me penche vers Caleb en pressant son épaule.

- Fais juste ce que je te dis, s'il te plait.

Caleb opine de la tête et je quitte la salle de pause pour m'enfermer dans mon bureau. Je ne veux pas me faire des films mais je trouve cette histoire étrange. Je m'installe à mon bureau et mes doigts pianotent sur le clavier d'ordinateur. Je trouve enfin ce que je veux lorsque je consulte le procès-verbal qui a été établi suite à la plainte de Neva. Je découvre les photos de sa voiture endommagée... le choc semble avoir été violent, le pare-chocs est décroché, un feu arrière est brisé... Pourtant sa voiture est garée dans un parking souterrain quand elle est chez elle... Je n'arrive pas à comprendre. J'ai l'impression qu'il aurait fallu rouler à une vitesse très élevée pour endommager la voiture de la sorte... et dans un parking, c'est compliqué...

Et cette blessure à son front ? Elle s'est cognée ? Où ? Quand ? Quand elle était chez moi, elle n'avait rien... Je ne peux pas m'empêcher de vouloir la protéger...

Merde. Je donne un violent coup de poing à mon clavier d'ordinateur.

J'attrape ma tête entre mes mains en expirant fortement.

Elle m'aurait quand même contacté s'il s'était passé quelque chose de grave ?









Quand le coeur balance...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant