Chapitre 34

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Evil –


* * *


Il faisait sombre et cotonneux. Tout était assourdit, comme si on m'avait bouché les oreilles avec de la mousse. J'entendais des voix, mais de très loin, donnant l'impression que la conversation se passait dans une autre pièce. Un poids me pesait sur la poitrine, et mes jambes me paraissaient rigide, faute d'un autre mot. Quelque chose me bloquait une main. Il y eu une sensation diffuse de chaleur puis, puis rien. Le trou noir.


* * *


Je ne sais pas où je me trouve. Mais je suis sûr d'une chose, je ne suis jamais venu ici. Dans cette forêt. Il n'y a que des arbres autour de moi. Et un sentier. Rien d'autres. Pas de vent, pas de bruits d'animaux, choses omniprésente dans un endroit naturel comme celui ci. J'avance sur le chemin, faute d'un autre choix possible. J'avance, c'est tout. Je ne sais pas combien de temps je marche parmi ces centaines d'arbres majestueux, immenses, centenaires. J'avance. Jusqu'à ce que le sentier face un coude vers la droite et que j'arrive dans une petite clairière. Où se trouve une sorte de petit chalet. Une fumée s'échappe d'une petite cheminée. Deux grandes fenêtres encadre une porte en bois. Je monte sur le perron et tourne la poignée. La porte s'ouvre sur un intérieur simple et cosy. Un vieux réchaud à bois trône dans un angle. Il y a une petite table, deux chaises assorties, un canapé convertible, une commode et une rangé d'étagères couverte de vaisselles. Un fauteuil en cuir brun usé est poussé contre une fenêtre. Il y fait chaud. J'entre et la porte claque doucement dans mon dos avant que la poignée ne disparaisse. Si je ne savais que j'étais dans une sorte de rêve, voir des choses se volatiliser me le confirme assez bien. Je décide de m'asseoir sur le fauteuil et de réfléchir deux minutes. Pourquoi je suis là, dans ce rêve ?

Tenter de me remémorer les derniers événements est aussi facile que de faire un puzzle de trois milles pièces qui serait entièrement noir. Tout est flou dans mon crâne. Je souffle. Même en forçant, rien ne me vient dans l'immédiat. Je me demande néanmoins comment va Stone. Je pose un coude sur l'accoudoir et fixe dehors sans voir les arbres. Pas parce que mon regard s'est brouillé, non, mais parce qu'ils ont putain de disparus, eux aussi. À la place, il y a une cour. Une cour que je connais bine, celle du Club comme elle l'était il y a des années en arrière. Avant les récents aménagement handicapés et canin qu'on y a fait. Dans cette cour joue un petit garçon. Mon cœur se fige dans ma poitrine et une larme roule sur ma joue. Spectateur de ce souvenir, je regarde mon fils s'amuser avec son ballon préféré, le faire rebondir sur les roues des motos. Son rire cristallin, innocent, est comme un poignard dans mon âme. Doucement, les bords de la cour semblent être avalés par une fumée blanche qui laisse peu à peu apparaître une autre scène. Tom est toujours là, plus vieux, toute trace de cette innocence effacée à jamais par des monstres. Stone est là aussi, plus jeune, toujours beau. Mercy est présent aussi, à peine sortit de l'adolescence. Shark et quelques frères complètent le tout. Je me souviendrais toujours de ce jour. Celui où on a récupéré les fragments de mon bébé. De nouveau la fumée englobe tout et montre autre chose. L'enterrement de Tommy. Ma descente aux Enfers après sa mort. L'adrénaline qui m'a fait tenir quand je me suis retrouvé face à sa mère et que je l'ai fait payer. Le jour où Stone a eu l'idée de chasser un type qui traînait trop près d'une école. La mienne de traquer les malades comme le tortionnaire de Tommy. La cour, de nouveau, lors de l'arrivé du premier gosse déglingué qu'on a récupéré. Obsidian. Puis Snow, Bullet qui vit à Frisco, et d'autres encore. Partit s'installer dans d'autres chapitres ou ramené chez eux. Beast lors de son premier jour, et des suivants. Death. Bunny. Je vois des journées simples, à leur réapprendre à vivre. À regarder ces enfants grandir. Devenir des hommes, ou des femmes, accomplit. L'arrivé de Mute, d'un profil totalement différent, mais qui est et restera un frère. Je vois défiler des scènes de la vie courante, de mes souvenirs, comme un film décousu. Dans toutes ces images, il y a une constante. Stone. Il est toujours là, à mes côtés, depuis le début.

Evil Eater - T2 - Bunny - À l'aube de nos vies.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant