1 - Premier jour

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— Non mais regarde cette jupe de grosse pute, quelqu'un lui a dit que l'été était fini en fait ? C'est la rentrée là.

Celle qui se plaint de la jupe, c'est Nina. Et celle qui porte la jupe, c'est la nouvelle petite-amie de Théo. Que Nina ait déjà porté des jupes bien plus courtes n'a aucune importance : critiquer est un art qui ne peut s'appliquer qu'en assumant pleinement sa mauvaise foi. Mais même moi, je dois bien avouer que pour assumer un tel accoutrement le premier jour de l'année, il faut avoir un courage bien armé.

— Tu penses qu'il nous la présente quand, sa gamine de Première ? me demande Nina.

— J'sais pas, jamais, il doit avoir un peu honte de se taper une gosse. Mais bon, c'était le seul moyen pour qu'une meuf le trouve intelligent.

— Et puis il doit être terrifié qu'on la martyrise, la pauvre.

Pendant qu'on essaye de trouver toutes les raisons valables pour détester cette fille à qui on n'a jamais adressé la parole, Théo continue de l'embrasser langoureusement, à quelques dizaines de mètres de nous. J'ai toujours trouvé ça un peu trop pitoyable, les amoureux trop démonstratifs. Personne n'a envie de savoir que deux personnes s'aiment : faites ça en privé.

— Il t'a dit comment il l'a rencontrée d'ailleurs ?

— Non, mais à une soirée pendant les vacances je pense.

— Voila ! on se tire en Espagne et on rate tous les moments importants.

— Tu trouves que c'est un moment plus important que d'être avec moi à la plage en train de mater les Barcelonais torses nus ?

— Théo qui se trouve une meuf malgré sa gueule de gros con et son Q.I. négatif, ouaip c'est un peu le moment le plus important et inattendu de l'histoire de l'humanité.

On éclate d'un même rire et les deux tourtereaux mettent enfin un point d'arrêt à leur interminable baiser. Contrairement à ce que l'on pourrait laisser entendre, Théo est loin d'être laid. Et il faut admettre que sa nouvelle petite-amie dispose elle-aussi d'une certaine beauté. On pourrait presque les trouver mignon si Nina et moi n'avions pas conclu un pacte consistant à refuser de trouver quoi que ce soit mignon, à part dans le sens méprisant du terme.

Après une séance d'adieux ponctuée par quelques bisous insupportablement niais, Théo finit enfin par réussir à se séparer de sa bien-aimée pour nous rejoindre. À nos têtes hilares, il comprend immédiatement la teneur des discussions qui ont précédé son arrivée.

— Vous vous foutiez de ma gueule, c'est ça ?

— Non, loin de nous une telle idée. On vous trouvait simplement adorable, vous allez être les reines du bal du promo.

— Les "reines" ?

— Oups, je t'ai mégenrée ? C'est juste que t'étais tellement cute avec ta chérie, je t'ai pris pour une collégienne qui vient d'avoir son premier crush.

— Vous devriez vous trouver un mec toutes les deux, la jalousie se sent là.

— On en est arrivées à un stade où on ne cherche plus à trouver les mecs, on essaie de les perdre !

— J'comprends même pas ce que tu veux dire.

— Parce que t'es complètement con, mais tu verras en grandissant.

— Quand tu sortiras avec des meufs de ton âge, je rajoute en riant.

— On a juste une classe de différence ! proteste Théo.

— Mais t'as redoublé ta sixième donc vous avez deux ans de différence. J'aurais presque envie de supposer qu'elle en a sauté une de son côté mais ce serait impossible que tu sortes avec quelqu'un assez intelligente pour sauter des classes.

L'amie de mon amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant