36 - Abysses

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J'étudie l'assemblée. Je bois lentement pour me donner une contenance, pour faire semblant que je suis occupée. La plupart des gens sont en train de discuter, mais il y en a un, plutôt mignon, qui croise mon regard. Je lui adresse un sourire qui vaut invitation. Il hésite et me rejoint.

Il a ce qu'il faut. Grand. Brun. Les traits anguleux. Il s'adosse au mur à côté de moi. Mon ivresse le rend plus beau encore. On parle de tout et de rien. Je suis un peu trop bourrée pour tenir une discussion. Je peux surtout rire à ses blagues. Ça semble lui suffire. Régulièrement, il plonge ses yeux dans mon décolleté. Je lui souris. J'attrape sa main pour accélérer les choses. Il frissonne. 

Je décide de l'embrasser. Je devine que mon haleine doit empester l'alcool. Ça ne le dérange pas. Notre baiser continue et j'empoigne ses fesses pour l'inviter à faire de même. Je perds lentement la tête. Je ne réfléchis plus. Je lui demande s'il ne veut pas qu'on se retrouve au calme. Il m'emmène dans une chambre et verrouille la porte.

Je sens mon coeur tambouriner contre ma poitrine. J'ai le crâne en feu. On continue de s'embrasser. Je m'agenouille devant lui pour défaire sa braguette. Je lui souris avant de le prendre en bouche. Il pose ses mains sur ma tête pour guider mon mouvement. Il finit par m'amener sur le lit. Je le laisse enlever mon pantalon, brûlante. Il me retourne sur le ventre et m'attrape par les hanches avant d'entrer en moi. 

Son bassin se met à claquer contre mes fesses. J'exagère mes gémissements pour l'encourager. Devant moi, le mur se rapproche et s'éloigne au gré de son balancier agressif. Je ne vois rien, je ne peux que ressentir le choc de son corps qui, semblable à un bélier tentant d'enfoncer une forteresse, s'écrase à répétition contre mon arrière-train. Je ne le surveille pas, je lui donne mon corps qu'il agrippe vigoureusement pour le tenir en place sous la fréquence de ses assauts.

Je le supplie de ne pas s'arrêter quand la porte s'ouvre. Ce sont mes parents. Ils rentrent dans la pièce et Enzo continue de cogner ses hanches en grognant. Ils nous regardent, perplexes mais pas réellement surpris. Mon père finit par se tourner vers ma mère en souriant :

— Heureusement qu'on a arrêté de suivre quand elle a commencé à en changer tous les mois. 

— Oui non, on n'aurait jamais assez de mémoire pour retenir tous les noms, s'exclame ma mère à l'hilarité générale. 

Justine aussi rigole, comme tout le monde. Elle est à côté de moi sur le lit, dans la même position que moi. À quatre pattes, nue et vulnérable. C'est Théo qui s'occupe d'elle. Il tient la main d'Enzo. Ils tapent en rythme contre nos fesses. Exactement à la même fréquence. Entre deux gémissements, Justine me murmure :

— J'suis vraiment désolée Charlotte, je sais que... mais avec Théo je... 

J'ai le souffle trop court pour répondre. Ma voix se noie dans mes propres soupirs. Je peux à peine bouger, les doigts serrés contre la couverture, le ventre prisonnier de l'emprise d'Enzo. Justine continue de m'offrir son regard d'excuse, comme indifférente aux assauts de son petit-ami. 

— T'es ma meilleure amie et j'ai pas envie qu'on... mais si tu peux pas supporter que je sois avec Théo, je... 

Elle ne finit pas ses phrases. Je décide de m'en aller. Enzo est parti, de toute façon. Je me rhabille sans faire attention à Justine et Théo. Je n'arrive pas à enfiler mes vêtements. Il n'y a pas de trous, pas de col ni de manche, aucun bouton. Je cherche en vain une ouverture dans le tissu. Il y en a des dizaines qui trainent par terre, et aucun ne semble fait pour être porté. Assise sur un fauteuil, les jambes croisés, Nina écarquille les yeux. 

— Meuf là j'suis larguée... je comprends vraiment vraiment pas. 

J'aimerais lui dire que moi non plus. Je déchire les habits pour créer des points d'accès, mais ils tombent en miette entre mes doigts. Alors j'en récupère d'autres, mais c'est toujours pareil. Peu importe où je pioche dans la pile de vêtements qui recouvrent la moquette, je les détruit tous un par un, sans faire exprès. Nina s'approche de moi. 

L'amie de mon amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant