4 - Association risquée

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La première semaine de cours donne déjà l'impression d'avoir duré une éternité, mais on finit quand même par réussir à atteindre le vendredi tant attendu. La soirée à venir est la seule source de motivation qui me permet d'affronter le chemin menant au lycée. La réalisation que la vie est un éternel recommencement, où les trois quarts de notre temps libre sont vampirisés par des classes et des devoirs sans intérêt, provoque toujours une tristesse insoutenable. Surtout qu'il parait que les choses deviennent encore pire quand on se met à travailler. Je prie intérieurement pour devenir riche avant d'atteindre l'âge d'avoir un contrat de 35h dans un bureau. 

Dans la salle de sciences économiques et sociales, je suis ravie de voir que Nina n'est plus absente aujourd'hui. Forcément, avec la soirée qui nous attend, elle ne pouvait pas se permettre de continuer à se faire passer pour malade. Les gens n'auraient pas osé l'approcher, de peur d'attraper son virus. Je m'assois à côté d'elle. 

— Alors, guérie ? 

— Meuf vraiment j'ai mes règles, hier c'était l'enfer... 

— Putain je pensais que tu faisais semblant pour sécher moi. 

— Non mais là je te jure c'était trop. Même aujourd'hui j'ai juste envie de me rouler par terre mais ma mère m'a dit que j'allais pas sécher les cours tous les mois. 

— Forcément elle est ménopausée elle peut plus comprendre. 

— Parle bien de ma mère par contre !

— Oups, désolée. Je savais pas que c'était la ligne rouge. 

Nos voix s'éteignent quand le professeur rentre dans la classe. Il traverse les rangs avec la démarche assurée permise par son élégance de jeune premier. En plus d'avoir l'une des rares matières pas totalement inintéressantes de notre programme, il est aussi le plus jeune et le plus charmant des enseignants. Quand il s'installe à son bureau, ses petites mèches blondes se balancent sur son crâne. 

— Bonjour à tous. J'espère que cette première semaine n'a pas été trop dure. Avant de commencer le cours, je vous annonce que dans ma classe, il y a un projet qui va couvrir le reste de l'année, et qui sera réalisé par groupes de deux. À chaque chapitre, il faudra élaborer une sorte de grand dossier, un peu comme un mémoire, qui donnera lieu à un exposé de trente minutes à la fin du troisième trimestre. Je vous donnerai plus de détails, mais d'abord, voila la répartition des groupes : 

Il sort une feuille de sa sacoche et commence à lister des noms deux par deux. Je ne comprends pas la volonté des enseignants qui décident de créer des groupes au hasard, sans laisser les élèves choisir eux-même avec qui ils pourront se mettre. C'est le meilleur moyen de provoquer des disputes et d'empêcher les gens d'apprécier le travail en commun. 

Au fur et à mesure que les noms sont cités, je vois petit à petit disparaître les élèves que j'apprécie. Nina se retrouve avec un garçon qu'on ne connait pas, Théo est placé avec un de ses potes. Le temps passe et la tension monte jusqu'à ce que :

— Charlotte et Margaux. 

Mon coeur s'arrête. Je vais me retrouver avec The L World ? Au vu du passif qui existe entre ma meilleure amie et cette fille, je proteste immédiatement. Il est hors de question que je me retrouve dans la même situation que Nina au collège. 

— Monsieur, je peux pas être avec quelqu'un d'autre ? 

— Non, tout le monde a son binôme défini, personne ne s'est plaint. 

— Ouaip mais là c'est chaud monsieur... 

— Pourquoi ? 

Nina chuchote "parce qu'elle va te violer" à voix suffisamment basse pour que je sois la seule à l'entendre. De mon côté, j'essaie de me concentrer pour trouver un argument qui soit en mesure de convaincre une personne aussi bornée qu'un professeur. 

L'amie de mon amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant