6 - Shopping

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On toque à la porte. J'ai mal à la tête et pas assez dormi. Ma chambre est encore plongée dans l'obscurité. L'entité inconnue continue de toquer et chaque choc me fait l'effet d'un séisme. J'enfouis ma tête sous l'oreiller pour mettre un terme au vacarme, mais on finit par ouvrir la porte et une gerbe de lumière aveuglante s'insinue dans mon espace vital. Sans aucune considération pour moi, mon père ouvre les rideaux et laisse entrer le soleil. 

— Charlotte, il est treize heures, on va manger. Tu te lèves ? 

Je me contente de grommeler une plainte indéchiffrable. La migraine est renforcée par l'irruption soudaine de cette illumination. Rendez-moi la nuit ! 

— Tu es rentrée tard hier soir ? Vous avez pas trop forcé sur l'alcool, quand même ? 

Je grogne à nouveau, le visage caché par mon oreiller. Je ne veux pas bouger, et encore moins me lever. Mon seul rêve actuellement est de rester sur ce matelas pour le reste de la journée, jusqu'à ce que les contre-coups d'hier soir cessent de faire effet.

— Bon, arrête de faire l'enfant. Tu as cinq minutes pour venir à table sinon c'est moi qui te tire hors du lit. 

Il m'abandonne à ma chambre saccagée par toutes les infiltrations lumineuses qu'il a lui-même provoqué. Il m'a donné cinq minutes mais je n'ai aucune notion du temps. Péniblement, je bouge une jambe, puis l'autre. J'enfile un t-shirt large par dessus mes sous-vêtements et je me traine jusqu'à la salle à manger où mes parents ont déjà commencé le repas. 

— Ah ! La voila enfin ! On avait arrêté d'y croire. 

Je leur offre tout juste une moue agacée. La nourriture est la seule consolation de ce réveil précoce. Mon ventre commençait à souffrir du vide, et je profite de chaque bouchée comme si je n'avais rien mangé depuis cent ans. 

— Charlotte, est-ce qu'on peut parler du cours de gym de mercredi ? 

— Il s'est rien passé, c'est la prof qu'a pété un cable. 

— Elle m'a dit que tu t'étais moquée d'une des élèves, c'est vrai ? 

— Non, c'est juste que y'a une meuf qui a raté une figure, et avec Nina ça nous a fait rire. Mais c'était pas méchant. Enfin j'sais pas... faut pas être susceptible comme ça. 

— Donc tu t'es bien moquée d'une élève... Pourquoi tu joues à ça ? On ne t'a pas éduquée comme ça...

— Vous m'avez pas éduquée du tout, mais d'accord. 

— Charlotte !!

Quand mon père se contente de prononcer mon nom en haussant le ton, c'est que j'ai touché une corde sensible. Ma mère, de son côté, se contente d'une mine atterrée, comme si elle avait déjà abandonnée l'idée de débattre avec moi. 

— Quoi ? C'est vrai, non ? On se voit pour la première fois depuis le début de la semaine, on peut pas dire que vous soyez hyper présent. Mais c'est pas grave hein, je vous en veux pas. Juste faut assumer. 

— Tu vas commencer par nous parler autrement !

— Est-ce que j'ai été malpolie ? J'crois pas. J'vous ai pas insulté, mais faut juste constater qu'objectivement, vous êtes pas... 

— On te rappelle qu'on est tes parents, au cas où tu l'aurais oublié. 

Je lève les yeux au ciel, désespérée par le niveau catastrophique de leur argumentation. Mon père fronce de plus en plus les sourcils. À une autre époque, si c'était encore accepté socialement, il m'aurait probablement frappée. 

— Bah je suis au courant ??? Enfin j'suis pas totalement attardée, hein. Mais ça change rien à ce que je dis. 

— Donc tu trouves ça normal de martyriser tes camarades ? Et ne me fait pas croire que c'était innocent : la prof de gym ne m'aurait pas appelé si ce n'était pas grave. 

L'amie de mon amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant