Chapitre 21

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Pierre avait passé une sale nuit. Après sa violente dispute avec Helena, il était resté chez Victorien, le temps d'une heure ou deux. Dans la pénombre de l'appartement, entouré de bouteilles de bières vides et de mégots de cigarettes, Pierre s'était laissé aller. Il avait raconté ce qui s'était passé, enchaînant les détails de sa situation avec Helena, puis Ilona. Il se sentait désarmé, la tournure des événements le dépassait complètement. Ce qui le faisait souffrir, c'était de réaliser qu'il n'avait rien à faire d'Ilona. Tout ce qui comptait, c'était Helena. Mais à chaque fois qu'il pensait avoir avancé, un nouveau mur se dressait devant lui. Victorien, lui, écoutait en silence, sans trop savoir quoi dire. Pierre termina son récit par un soupir amer, lâchant : "C'était trop beau pour être vrai."

Helena, de son côté, n'avait pas réellement bien dormi. Elle avait passé la nuit à pleurer, se demandant comment les choses avaient pu tourner aussi mal. Quand elle ne ressassait pas les événements, elle regardait cette vidéo, submergée par deux sentiments contradictoires : d'un côté, elle se maudissait d'avoir été si imprudente, et de l'autre, elle se rappelait l'instant où elle n'avait jamais été aussi heureuse que d'être avec Pierre et de partager tout ce qu'ils avaient vécu ce soir-là.

Marie-Maud était restée près d'elle toute la nuit, la réconfortant et essuyant ses larmes. Elle avait tant bien que mal tenté d'atténuer les choses pour que son amie soit moins en colère contre Pierre, mais rien n'y faisait. Helena n'arrivait pas à se calmer.

Vers six heures du matin, elle avait réussi à joindre son frère au téléphone. "Helena, t'inquiète pas, Yasmine et moi, on va gérer. Si on te pose des questions, tu nies tout en bloc. Ce soir-là, tu étais à Bruxelles avec nous. Yasmine va poster une story de toi et Mathis en écrivant "about last time" avec la date." Il marque une pause pour reprendre son souffle. "C'est pas grave, Hele, profite des dernières dates de la tournée, on se retrouve le 7. Je t'aime", conclut-il.

La blonde se sentit rassurée par les paroles de son frère, mais une boule persistante restait au fond de son ventre. La vidéo, c'était une chose, et elle savait qu'avec le soutien de son entourage, elle pourrait facilement gérer cela. Le véritable problème était que chaque fois qu'elle fermait les yeux, son esprit était envahi par l'image de Pierre et Ilona ensemble, ce qui la rendait folle. Dans un sens, elle savait que Pierre n'avait rien fait de mal : ils n'étaient pas en couple. Elle avait été claire, il y a seulement deux jours, lorsqu'il avait essayé de s'expliquer à propos des propos d'Axel. Elle l'avait interrompu, affirmant qu'ils ne se devaient rien. Maintenant, elle se maudissait. "Quelle idiote", pensa-t-elle. Si seulement elle l'avait laissé parler...

Mais dès qu'elle semblait trouver un peu de calme, une rage folle refaisait surface. Certes, ils n'étaient pas officiellement ensemble, mais la semaine d'après, Pierre l'avait fait venir chez lui, lui faisant écouter une chanson qu'il avait écrite pour elle, avant même de coucher avec Ilona. Tout était confus dans sa tête, un véritable brouhaha de pensées. Comment pouvait-il prétendre être fou d'elle, lui écrire des chansons, dire l'attendre, et pourtant coucher avec une autre ? Helena sentait qu'elle devenait folle. Elle remettait tout en question, tous les mots et toutes les actions tendres qu'il avait pu avoir à son égard.

Ce matin-là, le réveil fut tout aussi amer pour Pierre. Il était assis au bord de son lit d'hôtel, le visage marqué par la fatigue et l'angoisse. Il n'avait quasiment pas fermé l'œil, lui non plus. Se tournant et se retournant, repassant les mots d'Helena en boucle dans sa tête. La sonnerie sèche contre la porte de la chambre le fit sursauter, un coup qui résonna comme un coup de poing dans le silence étouffant de la pièce. Il se leva et alla ouvrir. Helena était là, les yeux rougis et le visage fermé. Son menton était levé, elle affichait une expression glaciale.

"Je viens juste récupérer mes affaires. J'ai pas envie de te parler" lança-t-elle d'une voix dure en entrant sans un regard.

Pierre s'écarta, la suivant du regard alors qu'elle se dirigeait d'un pas déterminé vers la salle de bain où elle avait laissé quelques affaires. Elle fouillait, ses gestes vifs trahissant son agacement.

L'ombre des projecteursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant