Chapitre 14

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                                             Alessia


Faire semblant d'être fatigué, afin d'éviter son regard si perçant, son timbre rocailleux, sa prévenance, m'a parue la meilleure idée que j'ai eu depuis que j'ai quitté l'étude notariale.

Alvize n'a certainement pas été dupe, mais il n'a pas insisté.

Parce que bon, enchaîner les shots, et danser sur le bar comme une fille facile, en chauffant un mec de deux fois mon âge n'était pas l'inspiration la plus lumineuse de la décennie. Si mon attitude remonte aux oreilles de mon frère, ou à celles de ma grand-mère, je suis bonne pour une engueulade dont Terzo a le secret, suivie d'une leçon de morale de ma grand-mère pour enfin être privée de sorties. Ils en seraient capables tous les deux.

Et comme si cela ne suffisait pas, j'ai aussi merdé pour toute une vie en insistant pour qu'Alvize me ramène chez lui. Alors, pas la peine d'allonger la liste de mes méfaits en lui sautant dessus, – quand il est question de mon connard de bel italien, je ne me fais pas confiance –, à croire qu'il y a une fonction qui lui est dédiée dans mon cerveau et qui s'active en sa présence.

Pourtant, quand j'ai délaissé mon frère et ma grand-mère sur le pavé, rien n'aurait pu perturber mon esprit en le détournant vers autre chose de la manipulation testamentaire de mon grand-père. J'étais sans but précis. L'esprit encore embrumé des paroles du notaire. J'ai erré dans les rues au gré de mes pas, je me suis retrouvé dans le parc, où adolescente j'allais me réfugier seule, ou accompagnée de mes amis, et puis bien plus tard avec Alvize, d'ailleurs comme un signe du destin, je me suis assise sur l'herbe au pieds de l'arbre où il m'a... j'ai évacué les images qui tentaient de s'incruster et puis ai repris mon chemin jusqu'au café proche de mon ancien lycée...

Un vrai pèlerinage m'a narguée ma conscience.

Et mon frère, ce félon, n'a trouvé personne de mieux à m'envoyer qu'Alvize pour venir me chercher. Moi, qui depuis que je suis revenue m'échine à le repousser physiquement et psychiquement, il me l'envoie sur un plateau.

Comment a-t-il pu avoir une idée aussi délirante ?

Prise dans mon délire alcoolique et de séduction, je n'ai pas remarqué Alvize de suite. Ce n'est qu'une fois qu'il a dégagé ce mec qui a manqué de me faire tomber en crochetant ma cheville, que nos regards se sont accrochés. A cet instant, une douleur au sternum m'a coupé le souffle, une envie primaire de me jeter dans ses bras, un désir sauvage de sentir sa bouche contre la mienne, ses doigts contre ma chair. Mon organe a raté des battements. Il a aussi oublié de battre quand Alvize m'a chargée sur son épaule... des souvenirs sont remontés malgré mon cerveau à l'envers à cause d'un taux d'alcoolémie au-delà du taux autorisé.

Dans la voiture, enfermé dans l'habitacle, j'avais encore une excuse dû à ma consommation de shots, de l'aguicher, mais plus aucune des que mes pieds ont franchi le seuil de son penthouse. J'ai vite dessaoulé. Comme si la réalité reprenait ses droits sur ma bêtise d'avoir insisté pour qu'il me ramène chez lui. Cette saleté m'a rattrapée en me donnant une leçon.

Des réminiscences de notre passé sont remontées à la surface de mes souvenirs dès que la porte s'est ouverte. J'ai préféré sortir la carte de la fille provocante, celle qui cache son trouble derrière la légèreté de ses paroles, plutôt que la fille blessée et nostalgique de ce qui n'est plus, tout en lui rappelant qu'il ne me connaît pas l'Alessia de maintenant, piquant au passage son égo de ne plus faire partie de ma vie... intérieurement, j'ai ressenti de la jubilation, quand j'ai lu le trouble dans ses yeux à l'évocation de mes habitudes post fêtes, tout en sentant cette tension qu'il a refrener en m'invitant à le suivre. Seulement, j'ai oublié sur l'instant qu'Alvize a huit ans de plus que moi, et beaucoup, beaucoup, plus d'expérience, et de maîtrise, dans l'art de la manipulation et du contrôle.

Mi AmoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant