Mi Amore

Chapitre 10

Alessia

De nos jours

J'avais occulté que le rendez-vous chez le notaire était si proche, mais j'ai dû me rendre à l'évidence quand ma grand-mère me l'a rappelée hier en début de matinée.

Nous avons quitté l'île et sa quiétude ce matin pour l'agitation de la ville de Milan. Mais, dès que mes pieds ont arpenté les rues après être descendu du train, Charlotte ayant refusé la proposition de Terzo de venir nous chercher à la gare, j'ai eu l'impression de revenir chez moi pour la seconde fois. La première étant quand j'ai foulé le sol de Isola Bella. Je la soupçonne de l'avoir fait sciemment afin que je regrette mon envie de repartir. Londres est une ville splendide, mais la capitale italienne de la mode est une partie de moi. Elle est gravée en moi.

Les rues s'enchaînent, les détours avec, une sorte de pèlerinage à la sauce Charlotte. Aucune remarque ne sort de ma bouche, car je dois être honnête j'apprécie son initiative. Les souvenirs affluent en rafales, mon cerveau bourdonne, mes yeux ne savent pas où se fixer, je me revois adolescentes entourés de mes amis, arpentant les avenues en sortant du lycée privé dans lequel j'ai été scolarisé, squatter la terrasse du meilleur glacier de la ville, terminé par une session shopping avant de retourner au pensionnat... Milan où l'histoire rencontre la modernité. Son âme contemporaine s'équilibre avec le passé grâce à ses célèbres œuvres d'arts. Je me sens de nouveau complète, entière. L'angleterre m'a servi de pansement, L'Italie de guérison.

— Nous sommes bientôt arrivés ma chérie, stipule ma grand-mère, me ramenant auprès d'elle.

— Je sais, ma mémoire n'est pas si sélective, nonna.

Charlotte sourit en coin. Moi je lève les yeux au ciel.

— Tant mieux. Bon ton frère doit nous attendre, alors pressons le pas.

Via Manzoni. Quartier de la mode par excellence, centre historique de Milan à cinq minutes du Duomo. C'est sur cette magnifique avenue que mon frère a élu domicile dans un immeuble ancien. Son appartement avec toit terrasse est au dernier étage. Une splendeur d'architecture ancienne se mêlant au modernisme des matériaux utilisés, comme la ville dans laquelle il est placé. Mon frère est un acharné de travail, et cela même quand il est dans son appartement, alors vivre au milieu de toutes ses boutiques de modes était une évidence. Nous sommes différents sur ce point. Si lui a besoin de l'agitation de la ville, du fourmillement de la foule, moi j'apprécie le calme des alentours de mon île, la végétation, le lac et ses multiples reflets, pour créer, me ressourcer... m'inspirer...et d'un bel italien au regard de braise... enfin ça c'était avant.

Ouais pas sur.

Terzo nous ouvre la porte de son appartement, un grand sourire aux lèvres. Son regard se plante directement dans le mien, sûrement afin de juger ma réaction, d'évaluer mon humeur, comme ça lui arrivait de s'en inquiéter quand nous étions plus jeune. Je ne l'ai pas revue depuis notre altercation sur la terrasse le jour des obsèques de notre grand-père, l'ayant évitée lors de mon déjeuner en compagnie de Rose hier midi. J'ai juste répondu à un de ses messages, le rassurant que j'allais bien.

— Bonsoir nonna, salut Lissia.

Il se décale et Charlotte en profite pour l'embrasser sur la joue, pendant que je reste planté sur le paillasson.

— Tu penses rentrer un jour ou pas ?

— Demandé si gentiment, j'hésite, Zozo.

Nous sourions, discrètement, pudiquement. Employer les surnoms de notre enfance et adolescence ravivent des douleurs jamais soignées, mais aussi adouci ma réponse. C'est un début. Chaotique mais le commencement de quelque chose.