Alessia
Plus l'embarcation fend les flots, plus ma gorge s'assèche.
Les trois îles se rapprochent inexorablement, et avec elles tous les souvenirs que j'ai abandonnés pour essayer de reconstruire ce que mon cœur a perdu un après-midi dans un couloir du palais familial.
Mes yeux vagabondent sur ce paysage que j'aime tant, mes carnets à dessins en sont remplis d'esquisses, les embruns d'eau claire parsemant mon visage, des touristes nous saluent, Rose pianote sur son téléphone, une journée banale sur le Lac Majeur.
— Je vais devoir passer à l'hôtel, m'informe mon amie, la mine contrite, un problème de livraison apparemment.
— Ok.
— Charlotte est là et puis...
— Ne t'en fais pas ma Rosita, j'ai besoin de retrouver ma grand-mère et de d'aller voir...
Ma gorge s'obstrue et mes yeux piquent.
— Riccardo, termine-t-elle ma phrase.
Ça y est. Le moment que je redoutais tant est là.
Gigio vient d'amarrer nous débarquons sur le ponton, et il porte ma valise afin de la donner à William, le major d'homme, qui nous salue de son flegme tout british. Il grimpe les escaliers en pierre et nous lui emboitons le pas, une fois en haut, le chemin de cailloux qui mène à l'entrée du palais me paraît trop court, la végétation n'est plus assez dense pour ralentir mon ascension et cacher l'endroit tant cher à mon cœur.
Rose serre ma main en guise de soutient, ma respiration s'affaiblit alors que mon organe vital menace de sortir de ma poitrine quand, j'apercçois une silhouette familière sur le perron toute de noir vétue. Ma grand-mère Charlotte, est là, droite, fière, en toutes circonstances, même alors qu'elle vient de perdre l'amour de sa vie. J'avance d'un pas incertain quant à l'accueil qu'elle va me réserver. Depuis mon départ précipité d'il y a plus de quatre ans, il n'y a pas un jour où nous ne nous sommes pas eues au téléphone, ils sont venus me voir à Londres, je les ai rejoins en vacances dans les Landes, mais ils ne m'ont jamais obligé à revenir ici, et cela malgré la tristesse que je pouvais lire dans leurs yeux. Ils ont compris pourquoi, sans que je ne m'épanche totalement, je leur ai raconté l'essentiel. Les quitter n'a pas été facile, encore plus sans leur dévoiler la véritable raison, mais comme souvent, ils m'ont assuré de leur confiance, la seule exigence a été que j'obtienne mon diplôme avec les félicitations et que je revienne travailler pour De Luca... le diplôme je l'ai eu. J'ai terminé major de promo. par contre revenir pour bosser à Milan... c'est non. D'où mon unique valise.
Ma grand-mère fronce les sourcils, justement, à la vue de mon unique bagage, que porte William, moi qui habituellement déplace mon dressing pour une durée limitée.
Arrivée en bas des marches en pierres du perron, j'hésite à franchir la première, mais Charlotte me surprend :
— Tu ne comptes quand même pas me faire descendre, Alessia ?
Je souris. Je pleure.
— J'ai été éduquée mieux que ça grand'ma.
— Je n'en doute pas une seconde puisque c'est nous qui nous en sommes chargés.
Sa voix se coupe, et sans plus réfléchir, je réduis les quelques mètres qui nous séparent en montant les cinq marches et en prenant Charlotte dans mes bras dès que je suis à sa hauteur. Nous sommes de la même taille, ma grand-mère étant une ancienne mannequin, mais à cet instant j'ai l'impression qu'elle a perdu des centimètres et du poids. Je la serre plus fort, je respire son odeur qui m'a tant fait défaut, mélange de son parfum fetiche créé spécialement pour elle par un des plus prestigieux parfumeurs, et de la nature environnante, souvenir de mon enfance, de mon adolescence.

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Mi Amore
Storie d'amoreForcée de revenir dans son pays natal au bord du Lac Majeur, pour enterrer son grand père adoré, après des années passées à Londres à étudier à la London Collège of Fashion. Alessia va devoir faire face à son passé au doux nom d'AlvizeToscanelli. Me...