Chapitre 1

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Alessia

Le ciel est gris à mon arrivée à la gare de Stresa, petite ville bordant le lac majeur, il reflète à la perfection mon humeur. Les nuages qui s'accumulent au-dessus de ma tête ne sont que le miroir de ma tristesse.

Le train entre en gare, avec une heure de retard, mais peu importe là où je dois me rendre le temps n'a plus d'importance pour celui qui nous a quitté bien trop tôt... Mon regard s'attarde sur le quai où des gens souriants, insouciants et indifférents à l'orage qui gronde dans ma tête et à ma peine qui comprime ma trachée m'empêchant de respirer normalement.

Parce qu' avant de revenir tu respirais normalement ?

Je fais taire cette petite voix dans mon cerveau.

Mes yeux larmoyant se portent au-delà de ce spectacle joyeux. La douleur qu'il ravive m'est insupportable. Voir des familles se prendre dans les bras, des amoureux s'enlacer, me donne la nausée et l'envie d'opérer un demi-tour. Les wagons se stoppent enfin, déversant sans attendre son flot de voyageurs impatients. Il est temps pour moi aussi de quitter mon siège. Je me lève telle une automate à qui l'on aurait coupé les fils, sans entrain, j'attrape mon bagage, j'ai pris le strict minimum ne voulant pas m'attarder, piètre excuse pour repartir aussi vite que je suis arrivée, patiente que les personnes devant moi descendent du wagon. Plus que quelques mètres et me revoilà sur ce quai que j'ai foulé de mes pieds, de mes larmes, de colère et de haine il y a des années en me promettant de ne plus revenir.

Sauf que... la vie en a décidé autrement.

Si je suis de retour aujourd'hui, c'est parce que la personne à qui je tenais le plus vient de mourir.

Mon grand-père. Le grand Riccardo De Luca. Créateur de la maison de couture du même nom.

Afin de lui rendre un dernier hommage. Sa mort a été si soudaine, une crise cardiaque foudroyante, que je n'ai pas pu lui dire un dernier adieu. La plaie ne sera jamais refermée.

Mais aujourd'hui, je vais devoir aussi faire face aux deux personnes qui m'ont broyé le cœur, celles en qui j'avais le plus confiance, celles qui faisaient partie de mon ADN même si pour l'une cela ne change pas puisque mon frère est compris dans le lot.

Oui aujourd'hui je vais devoir affronter plusieurs démons... dont le plus terrible de tous...Alvize Toscanelli.

— Alessia !

Mon prénom raisonnant par-dessus la foule de voyageurs, me ramène de cette contrée morose où j'ai tendance à me réfugier depuis bientôt cinq ans. Je pivote sur moi même et mon regard percute celui d'une bombe italienne.

Rose.

Ma meilleure amie, ma sœur de cœur, mon socle inébranlable.

J'ai tout juste le temps de lâcher ma valise pour réceptionner cette furie dans mes bras, se foutant royalement des personnes sur son passage. Un an que l'on ne s'est pas vues. Un an que son parfum fleuri n'a pas envahi mes narines me rappelant douloureusement les senteurs de mon île, comme j'aime à appeler, l'endroit appartenant à ma famille et où elle continue à habiter.

Ma bellissima.

Rose se recule ses mains encadrent mon visage, elle me scrute comme à chaque fois que l'on se voit. Alors je feins. Elle n'est pas dupe, et mon séjour va lui servir d'excuse parfaite pour me faire parler.

Ma pazza

Les larmes commencent à couler d'un côté comme de l'autre.

— Tu m'as manquée Al.

Mi AmoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant