Alessia
La chapelle est déjà remplie par les proches et les employés de De Luca couture, quand j'y pénètre accompagnée de Terzo et de ma grand-mère que nous encadrons.
La nuit à été longue et le réveil difficile. Si hier en revenant, affronter la dépouille de mon grand-père me paraissait insurmontable, aujourd'hui faire face à son cercueil scellé est une plaie à vif. Mon regard ne se détourne pas du bouquet de roses blanches qui ornent la bière. Nous avançons de façon mécanique dans l'allée centrale, je sens l'attention sur nous, mais à aucun moment je ne quitte mon objectif, trop consciente malgré la douleur qui m'assaille, qui je risque d'apercevoir.
J'ai entendu mon frère plus tôt dans la matinée parler au téléphone avec Alvize. Le ton est monté rapidement, j'ai cru comprendre, parce que oui j'ai- un peu- écouté en me planquant derrière la cloison de la cuisine, que Alvize souhaitait venir à la villa avant de se rendre à la chapelle. Mon frère a refusé et à raccroché.
Déjà hier soir, il l'a retenu de venir me saluer et aujourd'hui il lui interdit de venir à la maison. C'est quoi le problème de mon frère ? Se doute-t-il de quelque chose ?
J'ai déguerpi en faisant le moins de bruit possible comme une gamine peureuse prête à se faire attraper.
Nous arrivons à hauteur des bancs du premier rang. je passe la première, ensuite vient Charlotte et enfin mon frère. Le prêtre incline sa tête en signe de salut.
Je reste droite, le regard planté en face de moi, mes doigts triturent un fil imaginaire, je sens la main de ma grand-mère se poser sur les miennes me demandant silencieusement d'arrêter de martyriser cette pauvre robe. Je sens la chaleur d'un regard sur ma nuque, là où ma robe en dentelle noire de Calais-Caudry, création de mon défunt grand-père, ne couvre pas ma peau. Je lutte afin de ne pas me retourner, de me perdre dans ses iris hazels qui m'ont tant donné, avant de tout me reprendre. J'essaye de rester digne, de ne rien montrer de mon trouble, le revoir la veille a remué trop de choses en moi alors que je pensais bêtement m'être sevrée d'Alvize Toscanelli. Pure illusion. Une pression sur ma main gauche, ma grand-mère sans me regarder a compris mon hésitation, me ramenant à l'essentiel.
Nous nous asseyons quand le prêtre débute par une éloge du grand Ricardo De Luca, puis des versets de la bible sont lus, des chants entamés par le chœur envahissent le lieu. Mes larmes ne cessent de couler, et toujours cette envie irrépressible de me retourner, mais encore une fois je suis sauvée. Mon frère me signale discrètement que c'est à nous. Charlotte nous encourage en passant ses doigts fins sur nos joues. Je me lève en automate, cherchant dans mon cerveau comment faire pour occulter les personnes présentes, comment lutter contre mes yeux qui ne demandent qu'à le chercher, lui. Approfondir la douleur de la trahison pour surpasser celle de l'envie.
Terzo entrelace nos doigts, essuie une perle salée de son pouce sur ma pommette.
— Ça va aller Lissia ?
Un murmure.
Lissia. Comme avant.
Terzo prend soin de moi. Le frère protecteur est de retour. Notre animosité est mise de côté pour faire face à la tristesse qui nous dévore. Ensemble. Unis.
— Oui, le rassuré-je en plaquant ma paume sur mon ventre après avoir pris une inspiration.
Nous montons les deux marches qui nous séparent du pupitre. Un silence sépulcral s'installe, seulement troublé par le bruit des sanglots. Je ne lève pas mon regard, me focalisant sur la feuille blanche remplie de l'écriture déliée de mon grand-frère.
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Mi Amore
RomanceForcée de revenir dans son pays natal au bord du Lac Majeur, pour enterrer son grand père adoré, après des années passées à Londres à étudier à la London Collège of Fashion. Alessia va devoir faire face à son passé au doux nom d'AlvizeToscanelli. Me...