Chapitre 17

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Point de vue Marina

- Āpa hamārē sātha rahanē kē li'ē karanā cāhatē haiṁ ?

La jeune femme détacha son regard de cette foire burlesque. Elle acquiesça avec prudence et tira le tee-shirt de son compagnon pour le ramener à la vie. Ses iris bleutées la laissèrent sans voix pendant un moment. Elle aurait aimé être courageuse. Elle aurait aimé le supplier de la pardonner. Elle l'aurait supplié de tout oublié. Marina était faible. Elle l'avait toujours été. Un claquement de doigts devant ses yeux la réveilla.

- Madame Gham, veut nous inviter à manger, expliqua- t- elle.

- On doit retrouver les autres.

Marina baissa le visage. Il avait raison. Elle n'avait pas le droit d'être égoïste.

- Mais ils vont pouvoir se passer de nous un petit moment, tenta l'Irlandais en remettant son portable dans sa poche et en reprenant l'escalier.

La jeune sourit faiblement et le suivit. Dans la pièce principale, grouillait désormais d'enfants et de vieillards. Quatre hommes encore vigoureux avaient pris place sur des coussins.

- En Inde, ils mangent en famille, souffla-t-elle à l'oreille de l'Irlandais qu'elle savait légèrement angoisser. Ça ne peut pas être pire qu'avec mon père.

Leur hôtesse leur désigna une place attirant sur eux les regards inquisiteurs et pervers de l'assemblée. Marina mordilla une mèche de cheveux, le goût de la rhubarbe envahissant sa bouche. Alors que les plats se posaient sur la table, un des quatre hommes ne faisait que la fixer. Elle se tortilla mal à l'aise jusqu'à ce qu'une main puissante enveloppe sa hanche et la rapproche de son propriétaire. Marina leva les yeux sur son protecteur irlandais qui lui chuchota un « calme toi je suis là » qui lui saupoudra ses pommettes de safran.

- Kyā āpa śādīśudā haiṁ ? (Vous êtes mariés ?)

- Maṅgētara (fiancés), répondit la blonde consciente du geste déplacé pour la culture traditionnelle indienne.

- Qu'est-ce qu'elle dit ?

- Elle nous a demandé d'où nous venions, mentit-elle assez allégrement.

Les plats épicés se succédèrent malgré la pauvreté de l'habitat. Les plus petits prirent d'assaut les deux Occidentaux une fois les adultes partis. Leurs grands yeux chocolat envoutaient adolescente qui donna un baiser à l'un des marmots tandis que Niall chatouillait un garçonnet. La vague d'enfants la firent basculer pour se retrouver coucher sur le sol, l'Irlandais à ses côtés. Ils se regardèrent et explosèrent de rire, conscients de leur attitude puérile. Marina était censée ne plus lui parler mais elle n'arrivait pas à l'ignorer. Aujourd'hui pouvait être une sorte de trêve. Le portable de Niall coupa leur petite crise et après avoir décroché, les yeux du jeune homme rirent un peu plus avant qu'il ne raccroche.

- On va se faire démolir par Paul. Penses-tu qu'on puisse se cacher ?

Marina pouffa comme une petite fille et remercia la vieille dame, la payant par la même occasion et entraina le chanteur par la main. Les rues se succédaient, jonglant entre boue séchée et immondices.

- Il va pleuvoir...

A peine Niall eut le temps de le dire qu'une pluie glacée s'abattit sur eux. Octobre était dans les mois de la post mousson et les rues mal construites se remplirent rapidement d'eau sale. Autour les enfants jouaient, les adultes juraient. Sa jupe se fondit sur sa peau et elle bénit son sac d'être imperméable. Prise d'un élan de folie, elle se posta au milieu de la rue, étendit ses bras comme pour s'envoler. Ses cheveux collés contre ses tempes n'atténuaient en rien le bruit de l'eau. Deux bras l'enlacèrent et elle fit fasse à un Irlandais éponge. Marina ne put s'empêcher de sourire se rappelant d'une scène similaire dans une rue londonienne. Leurs deux corps se serrèrent dans une étreinte silencieuse et la jeune fille ne savait pas si elle lui demandait pardon. Elle glissa ses lèvres sur la joue de l'Irlandais et lui prit la main. Il était temps de rentrer dans le monde réel.

Time to returnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant