Chapitre 27

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Point de vue Marina

L'air brûlant et confortable de l'hôtel se mua brusquement en une attaque glaciale de vent. Plantée au milieu du trottoir, les yeux fouillant les nuages de pollution à la recherche d'étoiles. La jeune fille inspira à pleins poumons l'air hivernal. Les Etats Unis étaient tellement différents de chez elle. Ici tout n'était que démesure : des panneaux publicitaires géants aux grattes ciel de verre. Le sommet de ces buildings se noyait dans les tourbillons de flocons. Les trottoirs humides et incendiés par les lumières colorées résonnaient des cris des enfants. Le duvet recouvrait les toits et les arbres s'envolant par moment pour valser. Sur les eaux de l'Hudson River, piégeant les petites embarcations dans une fine pellicule de glace.

Malgré la foule se pressant devant les sapins et les vitrines de Noël, Marina se sentait tout comme le personnage de Maupassant abandonné dans la nuit, à Paris. Elle avait coupé son portable, quittée sa chambre pour se laisser entrainer par l'animation. Au coin des rues faux pères Noël et membres de sectes faisaient le pied de grue pour accrocher les plus naïfs. Ainsi la jeune fille fêtait Noël : seule. Ina ne voulait personne cette année et aucun de ses amis n'avaient vraiment insisté pour passer cette fête avec elle, sans compter qu'elle n'avait pas les moyens de se payer un aller-retour pour la France.

La jeune femme humidifia ses lèvres, franchit la porte d'un Starbucks et se dirigea vers le comptoir. Les clients étaient tous assis, sirotant leurs boissons fumantes. Marina patienta devant les gâteaux exposés. Le chocolat se mêlait aux coulis de fruits et aux biscuits secs.

- Bonsoir qu'est-ce que je vous sers ?

- Un chocolat viennois.

- Grand ? Moyen ?

- Moyen.

La serveuse attrapa un gobelet blanc, tout en souriant à un des serveurs.

- Quel est votre prénom ?

- Marina et... est-ce que je pourrais avoir un muffin au chocolat ?

- Bien sûr. Ça vous fera $12, 60

Elle paya, attendit patiemment sa boisson, la pâtisserie à la main. Une faible musique de jazz rythmait les conversations. Elle pensa soudain aux soldats de la Première Guerre mondiale sur le front. A quoi pensaient-ils à Noël, plongés dans la boue et la neige ? Rêvaient-ils de leurs femmes assises dans les cuisines priant pour ne pas recevoir une lettre malheureuse ?

- Mademoiselle ? Voici votre commande.

- Merci.

A quoi bon penser à ce genre de choses ? Elle était folle. La jeune femme remit maladroitement son bonnet rouge à pompon avant de sortir. Le chocolat brûlant la réchauffa un peu alors qu'elle continuait sa longue marche. Quelqu'un la bouscula. Les rues se vidèrent.

Elle tourna dans Manhattan alors que la nuit avançait de plus en plus. Les enfants étaient rentrés alors que les couples et les jeunes gens, bières à la main, déambulaient. La neige avait cessé mais seule l'herbe avait pris cette nuance immaculée. Elle avait de plus en plus froid mais Ina n'avait pas le cœur à rentrer. Le bruit des voitures s'était estompé lorsqu'elle s'assit sur un banc face à l'Hudson River. La jeune femme termina son maigre repas et se planta au milieu du carré d'herbe. Elle enfonça ses écouteurs dans les oreilles, enclencha une musique au hasard.

- I gotta girl crush, hate to admit it but

I gotta heart rush, ain't slowin' down

Time to returnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant