Chapitre 36 {Dommage collatéral}

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En moins d'une vingtaine de minutes, nous avions finalement quitté cette maudite forêt pour poursuivre notre chemin dans une vaste plaine montagneuse. Les pentes étaient suffisamment raides pour me faire trébucher plusieurs fois à cause de la fatigue, contrairement à Nathan qui escaladait facilement les rochers sur notre passage.

À peine le jour levé, la chaleur que dégageaient les rayons du soleil était déjà insoutenable. La température approchait très certainement des vingt cinq degrés, alors qu'il ne devait pas être plus de huit heures du matin. Tous ces éléments promettaient un été bien plus chaud que les années précédentes, et les activités polluantes de l'Homme n'y étaient probablement pas étrangères.

Finalement, je parviens difficilement à rejoindre le sommet sur lequel se trouve Nathan. Ce dernier observe la vue en contrebas, l'air pensif. C'est ainsi que je peux davantage m'atteler à mon devoir qu'est de détailler son dos nu, et très musclé, entre deux respirations haletantes.

Choquée, mon souffle finit par rester coincer dans la gorge lorsque je constatais une multitude de vieilles cicatrices recouvrir son dos, ressemblant aux marques de fouet que j'avais déjà pu observer dans différentes séries sur l'époque médiévale avec ma mère.

« De la fumée. Dit alors le garçon en désignant une légère brume foncée s'élever dans le ciel, un peu plus bas.

- Un incendie ? Je demande curieuse qu'il s'attache à ce détail.

- Non, une cheminée. » Sa réponse est froide, alors qu'il entreprend une descente périlleuse. 

Forcée de constater qu'Océan se débrouillait mieux que moi, avec en plus un passager clandestin sur son dos. En effet, Landry avait fini par succomber à son sommeil. Considérablement affaibli par ses blessures, le besoin de se reposer ne cessait pas de s'imposer un peu plus à nous au fil des secondes qui passaient. Et pourtant, Nathan refusait de laisser paraître le moindre signe de fatigue, s'obstinant à tenir la tête de la marche sans jamais me jeter un regard par-dessus son épaule.

Le rythme soutenu qu'il maintenait, nous permettait de rejoindre rapidement le lieu d'où s'échapper la fumée désormais aussi épaisse que noire. Le chalet était en bois, assez mal entretenu, et se dressait sur deux étages. Quelques grands sapins à ses extrémités lui faisaient un peu d'ombre, assurant une certaine fraicheur à l'intérieur, enfin c'est ce que j'espérais.

En une seconde, Nathan enfilait son tee-shirt sale pour disparaître à l'intérieur de la bâtisse. J'en profitais pour entraîner Océan jusqu'à un point d'eau à proximité pour qu'il puisse se désaltérer. Doucement, j'essaie de réveiller Landry qui, après plusieurs longues minutes, finit par bailler grossièrement avant d'ouvrir les yeux.

Il se redresse si brusquement que son corps bascule dangereusement en arrière, jusqu'à ce que son équilibre parvienne à le stabiliser sur la selle de mon cheval trop occupé à boire pour se préoccuper de nous.

« Où sommes-nous ? Demande le garçon d'une voix éraillé, encore somnolent.

- Je ne sais pas trop, mais j'espère que c'est une auberge. Ma voix n'est qu'un murmure, en lui désignant du menton le grand chalet à quelques pas.

- Et Nathan ? Continue Landry en balayant les environs de son regard méfiant.

- Il s'occupe des détails, j'imagine. » Ma réponse l'étonne, et je finis par me rappeler que ce n'est vraiment pas son genre de demander un service poliment. 

En quelques secondes, je me précipite vers l'entrée de la vieille bâtisse , Landry sur mes talons. Mes yeux s'habituent rapidement à la lumière tamisée de l'intérieur, qui est bien évidemment à l'image de l'extérieur. Ancien et délabré. L'impression de me retrouver dans un siècle passé s'impose à moi, et pourtant un magnifique comptoir en marbre blanc attire mon attention.

Ce dernier fait très certainement office d'accueil, car Nathan se trouve près de lui, et abuse d'une sonnette bruyante. Je ne peux que plaindre ce dommage collatéral, qui subit l'impatience grandissante du garçon. 

« Il est mort ou quoi le gérant ! Je l'entends vociférer, tout en faisant sonner bruyamment l'instrument pour attirer l'attention d'une quelconque personne responsable de cet endroit.

- En voilà une aimable clientèle. Intervient finalement la voix d'un homme, qui arrivait d'un pas traînant, son journal à la main. 

- Je veux deux chambres. S'énerve Nathan avant d'abattre une dernière fois sa main avec violence sur la sonnette qui finit par se briser sous sa force. 

- Tu m'en diras tant. Répond l'aubergiste avec indifférence, ne quittant pas des yeux le papier entre ses mains. 

- S'il vous plaît, monsieur. »  Ajoute Landry qui s'approchait à son tour du comptoir, essayant visiblement d'apaiser la situation. 

L'homme hausse vaguement les épaules, ne daignant pas nous regarder. Son comportement nonchalant ne contribue pas vraiment à calmer Nathan, qui dans une simple pichenette, projette le cadavre de la sonnette contre le mur derrière l'aubergiste, frôlant alors sa joue ridée.

Surprit, son regard froid quitte enfin son journal pour dévisager le responsable d'un air grave. Il ne semblait pas un instant impressionné par les iris flamboyantes de Nathan, ni par l'aura meurtrière que dégageait son corps. 

- Petit insolent. Commente l'homme en prenant une gorgée d'eau dans un verre qu'il sortait de sous son comptoir.

Je ne perds pas une seconde, et me dépêche d'attraper la main gauche du garçon qui commençait déjà à s'avancer dangereusement vers lui. Mais je ne parviens pas à empêcher sa main droite de venir fracasser son beau comptoir. 

Le sol sous nos pieds est désormais jonché d'une multitude de morceaux de pierres, et de poussières.  Choquée, ma bouche s'ouvre mais aucun son de parvient à quitter cette dernière. Comment pouvait-il ignorer la valeur inestimable de ce meuble ? Était-ce un rêve d'enfant de s'endetter jusqu'à la fin de sa vie ? 

« Deux chambres. Insiste Nathan d'une voix si menaçante, qu'elle me fait frissonner. 

- C'était du marbre. Petit.» 

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Sang-Mêlé Ω  Le Destin d'Ana ΩOù les histoires vivent. Découvrez maintenant