Chapitre 44 {Affamé}

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Les hurlements stridents retentissent dans la rue, mais lorsqu'on se retourne, je ne distingue aucune femme éplorée. La présence d'un escalier menant à un métro attire mon attention, et me fait comprendre que la victime se trouve très certainement plusieurs mètres sous mes pieds.

-Ana... nous devons... Commence Landry près de moi, mais je ne lui laisse pas le temps d'achever sa phrase que je me précipite dans les escaliers pour rejoindre la personne en détresse.

Lassée, ma conscience me rappelle que c'est probablement un piège, et pourtant je ne peux tout simplement pas ignorer les supplications de cette femme qui implore l'aide des passants que je croise sur le chemin.

Visiblement trop apeurés pour secourir la victime, ils préfèrent fuir cette situation trop gênante, ne supportant pas plus longtemps d'être confrontés à leur propre impuissance. C'est une réaction aussi égoïste qu'instinctive chez un individu quelconque.

D'abord se protéger, avant de secourir autrui. La fuite est inévitable lorsque l'on juge ne pas être suffisamment à la hauteur pour dominer une situation dangereuse. Mais cette logique exclut de ses calculs les actes désintéressés, bien qu'il soit plutôt difficile à prendre en compte à notre époque.

La rareté de ces actes, ne peut que les rendre plus intenses à vivre. En effet, l'adrénaline guide mes pas, et fait battre mon coeur dans un rythme effréné jusqu'à me faire haleter. Alors je dévale les dernières marches sans jamais remettre en question mon comportement impulsif, pour découvrir la situation que beaucoup d'autres ont préféré fuir à cause de ce foutu instinct.

Dos à moi, se trouvait une femme à genoux le front à même le sol poussiéreux de la gare. Ses sanglots secouaient violemment son corps fébrile, mais elle ne cessait jamais de supplier les trois hommes plus loin devant, dont je distinguais difficilement les silhouettes à cause de l'obscurité.

Je m'habituais rapidement à la faible luminosité de la gare, pour découvrir que cette agression n'avait rien d'ordinaire. Les hommes tenaient en otage deux enfants, dont un n'avait guère plus de quatre ans et tentait en vain d'échapper à l'emprise de son ravisseur en agitant son petit bras.

Désemparée, la mère ne faisait que redoubler de sanglots lorsqu'elle entendait les appels à l'aide de ses enfants dont les voix commençaient à s'érailler à force de retenir leurs larmes. Sans réfléchir, je dépassais la femme d'un pas déterminé, trop en colère pour ne pas intervenir. Alors j'interpellais les trois hommes, en fronçant les sourcils :

- Quel genre de lâches s'attaquent à des enfants !

« Quel genre d'idiote décide de s'attaquer seule à trois hommes ? Rétorque celui qui restait en retrait, dans l'ombre des deux autres qui malmenaient les bambins.

- Une idiote en colère. Je grogne, en m'avançant d'un pas menaçant vers eux jusqu'à ce qu'une main apaisante se pose sur mon épaule.

- Relâchez ses enfants, et on oublie tout. » Propose la voix de Landry, qui préférait ne pas envenimer la situation.

Les deux hommes qui les tenaient en otage, s'esclaffaient bruyamment tandis que mon premier interlocuteur fronçait les sourcils apparemment aussi étonné que moi par le comportement du garçon. Le fou rire passé, les ravisseurs ne semblaient pas vouloir entamer une quelconque négociation avec Landry.

En effet, celui qui retenait le plus jeune des enfants s'amuser à le secouer violemment. Peut-être essayait-il de nous provoquer, ou d'asseoir son autorité pour compenser son aspect physique peu avantageux qui ne lui conférait probablement pas une grande crédibilité dans la vie de tous les jours.  

Une conclusion logique, compte tenu de sa petite taille et de sa calvitie déjà bien avancée. Des complexes physiques nombreux qui avaient très certainement nourri ce manque de reconnaissance chez ce personnage sinistre. Qui pour le combler, prenait un malin plaisir à malmener des enfants pour flatter son ego.

Sang-Mêlé Ω  Le Destin d'Ana ΩOù les histoires vivent. Découvrez maintenant