Sang-Mêlé Ω Le Destin d'Ana Ω

Chapitre 42 {Provocation}

Le paysage défilait sous mes yeux qui observaient distraitement les alentours silencieusement. Landry restait discret, et n'essayait pas d'entamer un sujet de discussion qui aurait fini par devenir gênant. Je ne pouvais que le remercier en souriant faiblement d'être encore présent pour me soutenir, bien que l'absence de Nathan continue de me peser.

Le vieux pick-up de l'aubergiste faisait un bruit monstrueux, mais grâce à lui nous avions un moyen de transport beaucoup moins fatigant. Il avait également fait part à Landry de la découverte macabre d'une fillette de huit ans, qui en s'amusant dans les bois près de Denver, avait fini par trouver plusieurs cadavres mutilés.

Cette ville se situait approximativement à une vingtaine de minutes en voiture de l'auberge, et chaque seconde qui s'écoulait nous rapprochait un peu plus du lieu où j'avais retrouvé Landry blessé dans la forêt. L'idée de rencontrer des personnes potentiellement dangereuses ne me ravissait pas particulièrement, et pourtant j'étais bien décidé à retrouver mes proches.

Quand soudain je suis violemment secouée sur le siège passager, me ramenant à la réalité. La voiture s'engage sur un parking déformé probablement par des pluies battantes. Nous ne sommes pas encore arrivés à Denver, alors j'interroge du regard Landry qui s'embête à réaliser une manœuvre en marche arrière pour se garer dans le parking désertique.

- Je dois te montrer deux ou trois petites choses. Me dit le garçon en m'invitant à sortir de la voiture d'un signe du menton.

Je ne réponds rien, et obéis pour le retrouver devant la voiture. Il se met en position de combat, les poings relevés devant son visage, prêt à se défendre. Son pied gauche vient se placer un peu plus en avant, alors que le droit recule légèrement pour se stabiliser.

« C'est une position de défense-attaque, fais de ton mieux pour m'imiter. Poursuit Landry en m'observant attentivement reproduire ses mouvements.

- Pourquoi tu me fais faire ça ? Je lui demande, curieuse.

- Nathan est parti, alors tu dois absolument apprendre les bases pour te protéger. » Son explication est logique, et la curiosité me fait acquiescer d'un signe de la tête.

Les poings relevés devant mon visage, je le vois tendre son bras vers moi et s'arrêter à quelques centimètres de mes mains. Son pied gauche est toujours immobile, tout comme l'autre. Ses jambes semblent être ancrées profondément dans le sol.

- Très lentement, tu vas glisser ton pied gauche vers l'extérieur pour sortir de l'axe tout en repoussant avec l'aide de ton bras droit mon poing dans le sens opposé. Il poursuit sa leçon, toujours très sérieux.

Alors je fais ce qu'il me dit d'une lenteur exagérée, pour décomposer chacun des mouvements afin de pouvoir bien les mémoriser. Cet exercice est assez simple, je me retrouve rapidement hors de sa portée, alors que son côté droit est désormais complètement exposé.

Dans un seul et même pas, je parviens à me dégager de mon adversaire tout en créant une faille que je peux exploiter si je me décide suffisamment vite. Instinctivement, je balance mon bras droit vers sa joue, mais il esquive mon attaque d'une facilité déconcertante en se déplaçant comme il me l'avait indiqué.

- C'est bien de prendre des initiatives, mais si tu n'es pas sûre à 200% de le toucher, contentes-toi de te protéger. Tu risquerais de te mettre en danger inutilement. Me conseille Landry en reprenant une position de combat.

Il envoie son poing vers mon visage, avant qu'il ne s'arrête à nouveau suspendu dans les airs. Me faisant reproduire ainsi plusieurs fois le même exercice en augmentant un peu plus la vitesse jusqu'à ce que je maîtrise parfaitement cette simple esquive.

Je commence déjà à transpirer, bien que le soleil entame déjà sa descente pour bientôt disparaître complètement derrière les nuages d'ici une bonne heure. Mais il ne me laisse pas le temps de souffler, et enchaîne toujours ses attaques qu'il appelle des directs autrement dit le fait de donner un coup de poing en allongeant son bras en avant.

« Bien, maintenant je vais t'apprendre une technique d'immobilisation. Mais je vais t'obliger de la pousser à l'extrême, je ne veux pas que tu bloques la personne, je veux que tu lui casses le bras. Tu m'as bien compris ? Continue le garçon en fronçant les sourcils.

- Je ne vais pas te casser le bras ! Je m'exclame, horrifiée.

- Si, mais tu me soigneras après. Tu ne me relâcheras pas avant d'avoir senti ou entendu mon os se briser sous la pression. » Il m'ordonne d'une voix dure.

Je ne peux pas le contredire, son visage exprime une détermination à toute épreuve. Mais l'idée de lui casser le bras me révulse, comment peut-il accepter quelque chose d'aussi délirant seulement pour m'apprendre des techniques de défenses ?

Alors il envoie une nouvelle fois son poing vers mon visage, puis il entame ses premières explications :

- Tu vas saisir mon poignet avec ta main droite pour m'obliger à baisser mon bras.

J'effectue chacune de ses consignes au ralenti pour intégrer correctement toutes les informations. Puis il continue :

- Tu vas ensuite avancer ton pied gauche vers moi, mais en le déplaçant légèrement vers l'extérieur pour attirer mon bras avec toi.

Mon pas est hésitant, et il le ressent. Alors il résiste un peu plus, pour m'obliger à forcer son bras à me suivre vers l'extérieur. Le garçon acquiesce silencieusement apparemment satisfait, puis ajoute :

- Maintenant tu vas pivoter jusqu'à te retrouver dans mon dos, tout en exerçant une pression forte sur mon coude avec ta main libre pour l'obliger à se plier.

Je suis scrupuleusement ses indications, et comprends après plusieurs longues minutes d'explications qu'il m'apprend à faire une clé de bras. En effet, je suis dans son dos et ma main droite emprisonne encore son poignet tandis que l'autre maintient son coude replié contre son dos.

Fière de moi, je souris jusqu'à ce qu'il me donne un nouvel ordre :

- Maintenant tu vas écraser mon poignet jusqu'à ce qu'il se brise.

« Mais pourquoi ? Je m'exclame sans comprendre ses motivations.

- Immobiliser ton adversaire ne suffit pas, tu n'as pas assez de force pour le bloquer longtemps. En revanche si tu lui brises un os, cela va très certainement l'empêcher de te poursuivre à cause de la douleur, ou au moins le distraire un certain temps que tu utiliseras pour le distancer un maximum. » Son explication est logique, bien que je n'aie aucune envie de faire ce qu'il me dit.

J'hésite, et il en profite pour exercer une résistance plus forte. Son comportement m'oblige à augmenter la pression que j'exerce déjà sur son bras.Mes mains commencent à trembler sous l'appréhension qui grandissait en moi, et ne faisait que nourrir mon angoisse à l'idée de blesser mon ami.

- Nathan ne t'a jamais aimé. Me provoque le garçon, et je ne parviens pas à retenir ma main qui entamait une rotation jusqu'à ce que je sente son os se disloquer sous la pression que j'exerçais.

Un bref cri de douleur s'échappe d'entre ses lèvres. Surprise, je le relâche immédiatement alors que mes larmes viennent brouiller ma vision. Je me confonds en excuses tandis qu'il se retourne pour m'adresser un sourire sincère, plein de fierté.

Je fronce les sourcils, m'interrogeant intérieurement sur le fait qu'il soit très certainement masochiste pour sourire dans un moment pareil. Sa provocation était puérile, il voulait juste me faire sortir de mes gongs pour que j'oublie un instant la personne que je maîtrisais.

- C'est vraiment du bon travail, maintenant tu veux bien... Commence Landry en me désignant son poignet meurtri qui avait déjà triplé de volume, virant dangereusement au violet foncé. 

___________________________