Chapitre 31

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Des bruits stridents et à la fois sourds me sortent de mon réveil en sursaut. Décidément, je ne fais que ça, me réveiller en sursaut. Je me lève en me débattant contre certainement, des draps de lit avec mes pieds, complètement affolée et j'observe la petite pièce dans laquelle je me suis endormie, en faisant un tour sur moi-même. Je suis bien dans ma chambre et d'après ce que je vois, nous sommes au beau milieu de la nuit, une tempête de pluie tapant contre les carreaux de mes vitres et un orage fort et puissant éclairant les murs, bleutés par la lune. D'un côté je trouve ça poétique et beau ; cela a un côté relaxant, le son de l'eau. Mais de l'autre, je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur. Ce côté lumineux et à la fois sombre donne une part lugubre à ce moment.

Un mal de tête me saisit en quelques secondes et me donne le tournis. Je me rassois sur ce lit défait par ma récente bataille et viens poser ma main sur mon front brûlant. Je ne me sens pas du tout dans mon assiette. Je peux par d'ailleurs sentir mes joues encore humides. Putain. C'est vrai. J'avais oublié.

Comme si cela aurait pu changer en une nuit, je cherche en vitesse mon téléphone en espérant avoir reçu une réponse de mon père. Lorsque je le retrouve à un endroit peu commun, à l'autre bout de ma chambre en dessous d'une armoire, mes mains tremblent tellement que je n'arrive pas à taper mon code. Foutu téléphone. Comme par magie, il s'ouvre enfin et ma respiration se coupe, reste en apnée comme si elle était prête à recevoir un choc, une grosse vague ou même pire, un tsunami. Mon cœur bat la chamade et mes paupières s'ouvrent et se referment à toute vitesse. Putain de stresse.

Oui, il y a bien un message, mais pas de mon père. Oui, mon petit instant d'espoir s'évanouit dans la nature et un autre sentiment me fait face. La tristesse ? La peine ? La souffrance ? Non. La colère. Une simple phrase que je n'aurais jamais pu prononcer auparavant mais qui me semble maintenant évidente, tellement réelle, me vient à l'esprit : « Papa, tu me déçois ». Parce que oui, il me déçoit plus que tout au monde. Décevoir est l'un des mots les plus forts que je connaisse. Décevoir quelqu'un est quelque chose de fort. Décevoir sa fille, est quelque chose de tellement brutal, quelque chose d'impardonnable. Parce que oui, j'en suis arrivée à un point où je ne pourrais peut-être plus pardonner, lui pardonner ce qu'il me fait. Mon propre père n'est pas capable de m'envoyer un simple message. Oui il a eu ses problèmes, mais non, il n'a pas le droit de me faire ça. C'est mon père bon sang !

Je me calme un instant et souffle un bon coup. Respire Alison.

J'ouvre mon message quelques instants plus tard et y lis « Vous avez trois appels manqués et un message vocal de Tyler Call, rappelez au 730. ». Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Il va bien ? Je ne l'ai pas vu de la journée, il veut peut-être me prévenir qu'il ne viendra pas demain à cause d'un rhume ou je ne sais quoi. Je décide donc d'appeler ce fameux numéro et d'écouter son message. Cela me fera du bien d'entendre sa voix, d'une certaine manière.

« Vous avez un nouveau message. Hier, à vingt-trois heure cinquante-cinq : Ali, c'est Tyler. C'est important... il faut que je te parle. Rejoins-moi au bar, je t'y attends. Pour rappeler, tapez un, pour réécoutez, taper deux, pour effacez, tapez tr... »

Je raccroche, prend directement mon manteau, mon sac puis mes chaussures et descends les escaliers. Je regarde l'heure : minuit trente. Merde. Je sors de chez moi et ne fais même pas attention à ma mère qui pourrait m'entendre. Tans pis, c'est bien trop important pour faire des gestes délicats.

Pourquoi je me dépêche ? Tyler n'avait tout simplement pas l'air d'aller bien, vraiment pas. Ça a l'air d'être grave. Ça m'en donne des frissons... Qu'est-ce qu'il a pu se passer ? Il avait l'air d'avoir perdu le contrôle de quelque chose, je ne sais pas. Cela m'étonne de lui. C'est un homme... fort, qui ne montre pas réellement ses sentiments... Je stresse. Oui voilà, je crois que je me mets à paniquer. Si ça se trouve, il n'y a rien du tout. Mais tout me prouve le contraire avec ce message.

En arrivant à ma voiture, je l'appelle directement avant de démarrer. La sonnerie retentit plusieurs fois, augmentant mon stresse. Si j'avais su que les sonneries de téléphone me stressaient autant, je n'en aurais jamais acheté. Il décroche enfin.

« Ali...

-J'arrive tout de suite Tyler, ne bouge pas.

-Je t'attends depuis tout à l'heure Ali, c'est évident que je ne vais pas bouger.

-Ty, je suis désolé, je me suis endormi tôt... J'arrive, je suis en route.

Je démarre à une vitesse folle. Le stresse, l'un des défauts de l'être humain. Stresser en allant voir la personne qui nous plaît, stresser de passer devant tout le monde pour son discours de fin d'année, stresser à son accouchement, stresser à son mariage, stresser pour tout et pour rien. Et bien moi, je stresse à propos de Tyler. Et je n'aime pas ça du tout.

Une fois arrivé à la plage, je me hâte à sortir de cette voiture, la ferme en vitesse et cours jusqu'au bar. En y entrant, il m'est impossible d'y voir Tyler. Il est bondé de monde. Heureusement, au loin, j'aperçois son frère préparer des cocktails et tout devient plus clair dans ma tête : venir au bar voulait dire « viens chez moi ». Alors, je traverse la foule puis passe cette porte que j'ai franchie la dernière fois.

-Tyler !

Je cris aussi fort que je le peux. Dieu sait que cette maison est grande. N'obtenant aucune réponse, je décide de monter les escaliers à petites foulées. Mon sac bouge dans tous les sens, mais je m'en contre fiche.

-Tyler ?

-Par ici...

Je me stop net en entendant cette faible voix. Droite. À droite, il est dans cette salle à ma droite. J'y entre brusquement, ouvrant la porte à la volé. La pièce est plongée dans le noir, mais je peux y entendre la respiration forte de Tyler. Je fronce les sourcils automatiquement, puis pose en même temps et doucement mon sac à main au sol, tout comme mon manteau.

-Tyler, je ne te vois pas, tu es où ?

-Avance droit devant toi.

Je m'exécute, toujours méfiante. Il me stresse tellement, pourquoi est-il si mystérieux? Soudainement, je me cogne contre surement, des barreaux de lit, puis, je sens quelque chose me toucher la jambe. Ou plutôt, quelqu'un. Je sursaute.

-Alison, il faut que je te parle. »

Memories [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant