Chapitre 13.1 : Bis Repetita

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Le murmure des vagues...

Doux et apaisant, son rythme s'immisçait en elle.

Ou était-ce plutôt le souffle du vent sur une plaine ?

Peu importait... elle se sentait si bien...


Lorsqu'elle voulut bouger, son corps lui sembla fait de pierre. Était-elle morte ? Sans doute... pourtant, lorsqu'elle ouvrit les yeux, le paradis lui sembla bien peu ragoûtant. Reprenant peu à peu conscience de ce qui l'entourait, elle vit deux hauts murs sombres qui s'élevaient de chaque côté et ne laissaient entrevoir qu'une mince bande de ciel bleu entre eux. Une incroyable sensation de bien-être dans son corps endormit ses inquiétudes, ses angoisses. Cette chaleur... elle se sentait si bien...

Puis son odorat la sortit de sa torpeur et l'odeur affluât. La puanteur des lieux lui aurait fait vomir tripes et boyaux si seulement elle en avait eu la force. Le coton dans sa tête se dissipait, et elle comprit que le reste de son corps était pris dans une léthargie proche de la tétraplégie.

Un visage accapara soudain tout son champ de vision. Une petite fille au teint clair et aux grands yeux bleus la dévisageait avec concentration, son visage encadré de magnifiques anglaises blondes qui rebondissaient sur elles-mêmes avec une souplesse irréelle. Emplie par la chaleur de sa présence, Clara remarqua sa robe rose pâle et les deux petites ailes qui remuaient avec légèreté dans son dos.

Des ailes ?

Mais... elle voyait au travers de son corps ?

— Garde ton calme, murmura la fillette d'une voix fluette.

Elle jaugea la jeune femme du regard, puis afficha une moue embarrassée.

— Tu pourrais faire plus attention...

La fillette ferma ses grands yeux clairs et la chaleur l'envahit tout entière, coupant le fil de ses réflexions.

Elle sombra.

* * *

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, cette fois-là, tout était différent. Le paradis n'avait pas voulu d'elle.

Les ténèbres l'entouraient, faiblement éclairées par les pâles rayons lunaires. Pudique, l'astre nocturne refusait de se dévoiler entièrement et n'apparaissait qu'à demi masqué de nuages. Un réverbère, plus conciliant, illuminait l'entrée de la ruelle dans laquelle elle se trouvait, jetant une faible lueur sur les immondices qui l'entouraient. Puis elle entendit le miaulement d'un chat, auquel succédèrent plusieurs feulements contrariés et un vacarme de poubelles bousculées. Au loin résonnait le vrombissement des moteurs. Elle pouvait presque distinguer la lumière de quelques phares qui passaient à vive allure dans la rue, les conducteurs à mille lieues de se douter de sa présence.

Dans un effort surhumain, elle releva doucement la tête puis la recoucha. Le monde tournait bien trop autour d'elle pour qu'elle envisageât de se lever. Yeux fermés, elle écouta les voix étouffées qui provenaient par moments de l'entrée de la ruelle, selon la fréquence de passage des badauds. Des rires, parfois. Où était-elle ? Comment retrouver le chemin qui la reconduirait chez elle ?

Chez moi...

Elle rouvrit les yeux, fixant la mince bande de ciel étoilé qui apparaissait entre les murs des immeubles. Cette expression sonnait creux, et ne trouvait aucun écho dans son esprit.

— Chez moi, dit-elle à haute voix, n'éveillant dans son esprit que les ténèbres les plus épaisses.

Elle ne se rappelait plus son nom. Ne se rappelait plus sa maison, qui elle était, les gens qu'elle connaissait, sa vie. Tout souvenir semblait avoir été effacé de son corps. Elle sentait, au fond d'elle-même, qu'elle aurait dû s'en inquiéter... mais elle n'en avait simplement pas le courage. Elle masqua ses yeux de son avant-bras et l'effort que ce simple geste lui demanda eut raison de ses dernières forces.

Le Démon (L'Hybride, livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant