Le Démon (L'Hybride, livre 1)

Chapitre 1.5 : la Chanteuse

Une haine fulgurante anime son corps, son sang, circule dans ses veines, pulse dans son cœur et inonde son âme. Ses cheveux dansent devant ses yeux, mais elle voit clairement : tout se teinte de rouge autour d'elle. Les murs, les trottoirs, Clarme entière paraît en proie aux flammes, souillée de sang. La couleur excite sa fureur et sa soif de violence. Elle ricane.

* * *

— Chloé ?

Georges... il s'inquiétait. Elle voulut le rassurer mais son corps las refusa de lui obéir.

— Mince... Chloé ? Tu m'entends ?

Une main secoua son épaule, des pas s'éloignèrent.

— J'appelle une ambulance, décréta Georges.

Pour s'éviter une hospitalisation inutile, Chloé s'efforça d'ouvrir les yeux. À côté d'elle, Éric la dévisageait, soucieux.

— Georges ! cria-t-il. Revenez, elle se réveille !

Puis il attrapa un coussin et le cala sous sa tête.

— Ça va ? s'enquit-il.

— Chloé ? dit son patron.

Avec effort, il s'agenouilla à côté d'elle et pressa sa main. D'abord à court de mots, il les trouva finalement :

— Mais bordel, qu'est-ce que tu fous par terre ?

Après un instant de stupeur, elle pouffa de rire. Éric ne s'autorisa qu'un sourire.

— Je ne suis pas sûre qu'elle l'ait fait exprès, suggéra-t-il.

— Je m'en fous, je veux comprendre.

Entourée des deux hommes, Chloé se sentit un peu trop couvée. Elle appréciait leurs attentions mais redoutait que cet incident n'éveillât en eux leurs penchants protecteurs, et elle tenait trop à sa liberté pour se laisser étouffer. Bien qu'à bout de forces, elle se redressa et s'assit. Sa tête tournait encore. Qu'avait-elle donc fait pour se sentir aussi faible ?

— Je crois que... j'ai dû faire... un petit malaise.

Excédé, Georges leva les bras puis les laissa retomber dans un geste grandiloquent.

— Un petit malaise ! minauda-t-il. Non mais je t'en foutrais, moi ! Si tu es fatiguée au point de tomber dans les pommes, demande-moi quelques jours pour te reposer au lieu de te pousser à avoir de... de... de petits malaises !

— Je ne me sentais pas si fatiguée...

Avait-elle surestimé ses capacités ? S'agissait-il d'une contrepartie à ses pouvoirs ? Jamais elle ne s'en était autant servie, impossible de comparer...

Elle se releva dans un effort qui lui parut surhumain. Éric soutint son bras et posa une main sur son front.

— Tu n'as pas l'air d'avoir de fièvre, dit-il. Mais tu n'as pas l'air en forme non plus.

Elle le dévisagea. La familiarité avec laquelle il lui parlait l'interpellait. Certes, le courant était immédiatement passé entre eux, mais ils ne se connaissaient que depuis deux mois... ce genre de réaction lui paraissait prématuré, surtout au vu de leur relation.

— Pourquoi tu me regardes comme ça ?

— Merci, mais ça va aller.

Elle arracha son bras à la main du barman et vacilla jusqu'au canapé.

— Chloé...

— Ça va, je vous dis ! Laissez-moi le temps, et ça va passer !

— Éric, tu peux nous laisser deux minutes ?