— C'est la clé de son coffre, expliqua-t-elle.
Il fronça les sourcils ; elle se mordilla la lèvre.
— Le bar... m'appartient.
— À toi ? s'exclama-t-il aussitôt.
— Oui, il me l'a légué.
— Enfin, Chloé... tu n'es pas un peu... jeune pour...
Le regard mauvais qu'elle lui lança interrompit sa phrase. Conscient de son faux pas, Éric s'absorba dans la contemplation du mur et de sa tapisserie unie.
— Si Georges me croyait capable de m'en occuper, je ne vois pas pour quelle raison je ne le pourrais pas !
— Alors tu comptes le garder ?
Qu'insinuait-il ? Comment osait-il sous-entendre qu'elle s'en débarrasserait ?
— Bien sûr que je vais le garder ! Georges a toujours fait des pieds et des mains pour le conserver, je ne vais pas le revendre au premier venu à sa mort ! Pour qui me prends-tu ?
— C'était une simple...
— ... Il avait assez confiance en moi pour me laisser les rênes, et je ne le décevrai pas, tu peux me croire ! Je suis peut-être jeune, mais tout à fait capable de m'en occuper !
— Je ne... tenta à nouveau Éric, sans succès.
— Je ne suis pas une incapable ! Tu peux me croire, le bar continuera à vivre, et je ne le revendrai jamais ! Si tu crois que je...
Il plaqua ses mains sur les joues de Chloé pour l'immobiliser. L'effet fut radical sur la jeune femme, qui se tut immédiatement. Le visage du journaliste, beaucoup trop près du sien à son goût, la mettait mal à l'aise.
— On se calme, dit-il doucement. Je ne faisais que poser une question.
Après s'être attardée sur le marron sombre de ses yeux, son regard franc, honnête, et en avoir conclu qu'un homme très séduisant se tenait face à elle, Chloé repoussa ses mains d'un geste négligent. Le moment lui paraissait mal choisi pour de telles questions. Les réactions d'Éric l'intriguaient tant elles contrastaient d'une fois à l'autre. Elle ignorait comment les interpréter.
— Une question ? reprit-elle. Tu parles ! Ça ressemblait davantage à une remise en question, pour moi !
— Chloé... si tu as besoin d'un coup de main...
— Et pourquoi j'aurais besoin de toi ?
Le poing devant les lèvres, il feignit de tousser pour masquer son rire. Il secoua lentement la tête.
— Je te le dis, c'est tout. Fais-en ce que tu veux.
Elle croisa les bras sous la poitrine.
— Pour te parler franchement, oui, je te trouve jeune pour t'occuper du bar. Jeune... je veux dire inexpérimentée. En plus, je suis sûr que tu n'as absolument aucune idée de la façon de gérer un tel établissement. Je me trompe ?
Malgré sa colère flagrante, Chloé ne pouvait pas contredire Éric sans lui mentir effrontément. Cet imbécile avait entièrement raison, mais elle ne lui ferait pas le plaisir de l'admettre. Elle préféra garder le silence.
— Je sais que tu peux te débrouiller, tempéra-t-il. Tu m'as l'air d'avoir de la ressource... mais si tu as besoin d'un coup de main, d'un conseil... de n'importe quoi, tu sais que je suis là, d'accord ? Arrête de faire cette tête de gamine boudeuse !
Elle fronça les sourcils, et leurs regards s'affrontèrent un moment. Cet échange parut le déstabiliser, mais Chloé s'en moquait. Elle lui en voulait de ne pas la prendre au sérieux.
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Le Démon (L'Hybride, livre 1)
Fantasía~ HISTOIRE TERMINÉE ~ Dans une France alternative, aux alentours de l'an 2000. Le P'tit Clarme, un vieux bar aux relents d'Amérique des années 50. Chloé y chante presque tous les soirs, pour un public désenchanté qui ne remarque presque plus sa prés...