Chapitre 23.4 : L'Esprit de la Vengeance

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L'entrée de la Maison se situait à quelques mètres. Le quartier lui paraissait plus désert encore qu'à son habitude. Souvent, quelques maraudeurs y traînaient, cachant drogue ou marchandise volée sous la veste, en quête d'un acheteur potentiel.

Aujourd'hui, elle ne croisait personne.

Tous les volets des maisons avoisinantes étaient clos et les fenêtres qui n'en possédaient pas, ou plus, avaient été barricadées de l'intérieur. Le repaire du Démon était réputé comme le pire de Clarme ; la police ne s'y était plus aventurée depuis les disparitions successives et inexpliquées des agents chargés d'enquêter sur le sujet... Jusqu'à ce jour où Range l'avait sauvée. Elle avait sans doute regretté d'avoir mis les pieds dans cet endroit.

Chloé s'arrêta devant la bâtisse. De l'extérieur, excepté cette porte laquée d'un rouge brillant, rien ne la distinguait de ses voisines. La Maison n'était rien d'autre qu'une maison de ville accolée à ses deux voisines, un peu plus large peut-être que les autres résidences du quartier. Quelques fenêtres, couvertes de crasse, ne laissaient rien transparaître. Les autres avaient été rebouchées depuis longtemps pour éviter les regards indiscrets. Des impacts de balles avaient creusé de petits cratères dans la façade et des traces de sang souillaient le sol devant l'entrée. Seule la porte, intacte, semblait neuve.

Un bruit attira son attention, et elle se glissa dans une petite rue attenante. Le coin, proche du quartier de l'Usine, faisait lui aussi partie de l'ancienne ville et bénéficiait du même réseau insondable de ruelles, où il était si facile de procéder à de douteux trafics loin des regards indiscrets. Elle avisa un immeuble abandonné et s'installa en haut des trois marches qui menaient à l'entrée, puis surveilla la situation.

Les pas devinrent plus nets, se précipitèrent. Une femme approchait de l'entrée. Les yeux rivés sur le sol et ses nombreuses traces de sang, elle ne manquait pas d'attirer l'attention sur elle avec son tailleur vert pomme et sa flamboyante chevelure rousse. Sans discrétion, elle inspecta la façade. Sans surprise, l'un des sbires de Darmack ne tarda pas à sortir de la Maison pour chasser la curieuse. La femme se débattit, voulut crier mais le disciple du Maître plaqua une main sur sa bouche pour étouffer ses cris. Après une brève lutte, elle fut emmenée de force à l'intérieur. La porte se referma sur elle et le silence revint. Elle soupira. Un nouvel otage ne faciliterait pas les choses.

Depuis sa cachette, Chloé attendait un signe pour entrer. La sortie d'un disciple, par exemple, qu'elle prendrait par surprise. Forcer la porte à mains nues relevait de l'impossible. Une autre occasion ne tarderait sans doute pas à se montrer.

Quelques secondes plus tard, un homme suivit le même chemin que la rouquine, au petit trot. À la vue de sa silhouette, Chloé sentit son cœur bondir.

Éric ?

Elle dévala les marches et rejoignit Éric qui tambourinait à la porte comme un forcené. Elle l'attrapa par le col et le tira violemment en arrière.

— Es-tu devenu dingue ? s'écria-t-elle en le poussant à l'écart.

Mais le bougre résistait !

— Ils ont emmenée Patricia !

— C'est pas vrai... c'était elle ?

Chloé s'en voulait de ne pas l'avoir reconnue. Même si elle n'aimait pas cette femme, elle ne souhaitait pas sa mort, ni sa torture.

— Oui ! Mais... que... tu...

Il observa la porte, Chloé, de nouveau la porte, et écarquilla les yeux avec effroi.

— C'est ici que...

Abasourdie, elle voulut le tirer à l'écart, mais il résista à nouveau. Sans ses pouvoirs, elle ne faisait pas le poids contre lui.

Le Démon (L'Hybride, livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant