Si proche du plateau supportant le matériel médical de Justin, Chloé attrapa une paire de ciseaux qu'elle glissa dans sa poche arrière. Son couteau avait volé trop loin et désormais, elle ne pouvait plus se permettre de perdre Darmack du regard pour aller le rechercher ni laisser Patricia sans protection. Jorda ouvrait le bal ; qui suivrait ? Chloé ou Darmack ?
— Non, murmura-t-il, hagard.
Lentement, les yeux exorbités, il se pencha sur son corps et la gifla, mais Jorda avait déjà perdu connaissance. Au vu du sang qui s'échappait de la blessure, elle ne survivrait pas à sa blessure sans soins rapides, et aucun d'eux n'était plus en mesure de la sauver.
Toujours attentive aux moindres de ses faits et gestes, Chloé se faufila jusqu'à un interrupteur et le pressa. La grille qui retenait Éric se leva et lui permit d'entrer. Intriguée et inquiète par l'attitude de Darmack, elle ignorait quelle serait sa prochaine réaction. Jamais elle ne l'avait vu perdre son calme de cette manière. Penché sur le corps de Jorda, elle entendait sa respiration s'accélérer.
Délivré, Éric se précipita à l'intérieur et s'efforça de défaire les chaînes qui maintenaient Patricia sur la table.
— Éric ! murmura-t-elle, soulagée. Détache-moi ! Détache-moi !
Un bruit de verre écrasé retint l'attention de Chloé. Darmack s'était relevé.
— C'est ta faute, tout ça... Ta faute ! TA FAUTE !
Les larmes qui roulaient sur ses joues étaient horribles à voir, aussi horribles que d'imaginer un être aussi abject capable d'aimer. Elle aurait préféré la mort que d'être aimée par un être tel que lui. Jorda partageait sûrement son avis sur la question.
Les yeux injectés de sang, il lâcha son arme et se précipita sur Chloé dans un cri bestial, le poing fermé. Elle esquiva son attaque, mais ne réalisa que trop tard son erreur : en inversant leurs positions, elle avait laissé Darmack se rapprocher d'Éric, qui, loin de leur combat, s'échinait à libérer sa coéquipière des chaînes qui la retenaient. Encore sous le choc, la pauvre pleurait, haletait, marmonnait parfois des phrases qui n'avaient ni queue ni tête. La voix d'Éric se voulait rassurante, mais il ne parvenait pas à dissimuler son angoisse.
Darmack s'interposa entre Chloé et lui.
— Non ! s'écria-t-elle.
Trop tard.
Le Maître attrapa Éric par la nuque. L'instant suivant, un craquement sinistre résonnait dans la pièce. Le geste avait été rapide et précis. Ni Éric, ni Chloé ne purent l'empêcher. Le journaliste s'écroula sur lui-même comme une poupée désarticulée.
— Éric ? demanda Patricia. Éric ?
Affolée, elle agitait les mains en tous sens, cherchait à entrevoir ce qui lui était arrivé, à se défaire de ses liens. Elle hurla son prénom plusieurs fois, avant de se remettre à pleurer de désespoir.
Darmack jubilait. Il attendait la réaction de Chloé avec excitation.
— Voilà qui remet les compteurs à zéro, déclara-t-il d'une voix de dément.
Voir le corps d'Éric affaissé sur lui-même plongea Chloé dans une folie furieuse nouvelle, qu'elle n'avait jamais expérimentée. Après une courte inspiration, elle sentit sa rage lui redonner des ailes.
— Tu n'aurais pas dû, Darmack, répondit-elle, trop calme. Tu n'aurais pas dû t'en prendre à lui.
Au milieu des lamentations de Patricia, ils s'élancèrent l'un contre l'autre. Leurs mains, leurs pieds se cognèrent, s'esquivèrent dans une rage que tous deux partageaient. Chacun dévia les coups de l'autre ou les encaissa avec l'énergie du désespoir. Darmack disposait d'une force physique supérieure à la sienne, mais Chloé s'avérait plus souple et plus rapide, rétablissant ainsi l'équilibre. À la première ouverture, elle faucha ses jambes et il tomba sur le dos dans un coassement.
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Le Démon (L'Hybride, livre 1)
Fantasía~ HISTOIRE TERMINÉE ~ Dans une France alternative, aux alentours de l'an 2000. Le P'tit Clarme, un vieux bar aux relents d'Amérique des années 50. Chloé y chante presque tous les soirs, pour un public désenchanté qui ne remarque presque plus sa prés...