Fragment neuf.

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Joan menait une double vie. Ou presque. Dans le milieu de l'art, on connaissait ses toiles, on les étudiait, on tentait de comprendre son approche et de la reproduire mais son visage restait inconnu pour ces professionnels. Elle n'était qu'une « jeune femme de vingt-trois ans bourrée de talent qu'on veut absolument rencontrer ». Et c'était tout. On achetait ses peintures, on les affichait fièrement sur un mur en méditant sur le message qu'elle avait essayé de faire passer mais jamais on ne se renseignait sur l'identité de « J.S ». Tous savaient qu'il s'agissait d'une jeune femme qui avait pris pendant longtemps des cours de dessin avant de s'orienter vers la peinture. En autodidacte. Mais on ne connaissait ni son nom, ni son prénom. Ce « J.S » était-il sa signature ou ses initiales ? Les amateurs d'art ne pouvaient pas le savoir et cela leur était égal. Eux, ce qu'ils aimaient, c'était l'emprunte qu'elle laissait sur des toiles immaculées. Mais de l'autre côté, il y avait sa vie publique. Celle que les journalistes prenaient un malin plaisir à décortiquer et à afficher à la Une des magasines people. Des photos prisent en compagnie de Niall et parfois, avec Harry. Mais rarement. On connaissait tout d'elle. Son nom, son prénom, sa date de naissance, les écoles qu'elle avait fréquenté, les amis qu'elle possédait. Tout ça parce que son petit-ami était un ancien chanteur de boysband qui se reconvertissait vers le métier d'auteur-compositeur grâce à son ami, Harry Styles. Il y avait eu pas mal de rumeurs au sujet de Joan et Harry mais bien vite, l'évidence s'était imposée aux paparazzis. Harry, Niall et Joan ne faisaient pas ménage à trois. Seuls Niall et Joan vivaient l'amour fou depuis plusieurs mois et lors des déclarations de l'irlandais, on n'avait aucun mal à deviner qu'il prévoyait de l'épouser prochainement.  

Salt Lake City Airport.

Joan avait noué un foulard sur son crâne, voulant ainsi contenir sa longue crinière blonde qui avait tendance à danser avec le vent qui s'était levé ce jour-là. Chose plutôt habituelle dans l'état de l'Utah. La jeune femme s'était vêtue d'une robe blanche agrémenté de fleurs et enfilé des ballerines légères aux pieds. Elle avait opté pour un maquillage léger en ne fronçant que ses yeux verts, laissant ses lèvres prendre une teinte rosée naturelle. Ainsi, Joan ressemblait à n'importe quelle fille de vingt-trois ans. Ou presque. Joan allait vivre avec un criminel pendant un mois et demi. La blonde glissa une mèche de cheveux dans son foulard, ajusta son sac sur son épaule et rejoignit la sortir Ouest de l'aéroport. A sa grande surprise, le plan élaboré par Steve avait fonctionné. Aucun paparazzi n'était présent. Aucune fanatique. Aucun touriste muni d'un appareil photo ou d'un Smartphone, prêt à bondir pour photographier le jeune Styles venu rendre visite à la petite-amie de son meilleur ami. Rien. Personne. Intérieurement, Joan remercia Steve et se promit de l'appeler dès qu'elle aurait emmené Harry en sécurité, loin des éventuels regards. Et s'il y avait bien un endroit où on n'irait pas le chercher, c'était ici. A plusieurs milliers de kilomètres de L.A. Dans une ancienne ferme qui appartenait à la famille de Joan. Seule la grange était encore présente mais avait été transformée en garage pour les voitures de collection de son grand-père. Voitures qu'il ne pouvait plus conduire à cause de son grand âge mais qu'il gardait pour se remémorer les plus belles années de sa vie. Joan extirpa son cellulaire de son sac en bandoulière et envoya un message à Niall. Il était quatorze heures six et elle n'avait toujours pas vu la moindre trace de Harry. Elle s'apprêtait à l'appeler lorsqu'elle le vit en haut de l'escalator. Méconnaissable. Son visage avait pris une teinte grisâtre, sans doute la conséquence de plusieurs jours d'enfermement, sans voir le soleil. Ses iris jadis verts éclatants n'étaient désormais que deux perles sans vie qui ne répondait qu'à la fonction de vision et toute trace de joie avait été gommée de son regard. Joan n'avait devant elle qu'une coquille vide qui se mouvait doucement vers elle. Harry tira péniblement sa valise derrière lui et jeta son sac à ses pieds quand il arriva devant la jeune femme. Le vent frais le fit frissonner et bientôt, les souvenirs de Merle affluèrent à son cerveau, lui rappelant une nouvelle fois qu'il ne verrait plus jamais l'amour de sa vie.  

- Bonjour, lança le châtain, d'avantage par politesse que par envie de lancer la conversation.  

Joan ne savait pas comment se comporter. Elle n'avait jamais été très proche de Harry et Niall semblait avoir surestimé le pouvoir qu'elle avait sur les gens. Joan n'était pas du genre sociable. Elle ne parlait pas souvent. La blonde passait la majeure partie de son temps dans son atelier à peindre des toiles et même quand elle se retrouvait dans une autre pièce, son carnet à dessins ne la quittait pas. Niall s'était habitué à son silence, comprenant que dans leur couple, Joan ne serait pas celle qui ferait le premier pas. Et cela lui allait. Niall pouvait parler pour deux et il le faisait. Et malgré son amour pour le silence, Joan ne réclamait jamais à son amant de se taire. Au contraire. Parce que son rire était la plus douce des poésies. Mais qu'en était-il de Harry ? Il ne la connaissait pas. Il savait qu'elle peignait mais il voyait ça plus comme un hobby qu'une réelle profession. Et il ne connaissait pas son nom. C'était bête à dire mais la seule chose dont Harry était certain à propos de la blonde, c'était qu'elle s'appelait Joan.  

- Salut, répondit la jeune femme sur la réserve.  

Elle non plus n'était pas à l'aise, à cet instant. Joan avait dû quitter son pays, son continent, sa vie toute entière, pour retrouver un homme qu'elle connaissait à peine. Même les fanatiques de Harry connaissaient plus de choses sur lui qu'elle. Et ça la désolait. Joan ne comprenait plus pourquoi elle était là. Pourquoi avait-elle accepté la proposition de Niall ? Par amour, sans doute, mais maintenant qu'elle se trouvait dans l'Utah, elle comprenait l'importance de sa mission. Et elle était presque certaine d'échouer.  

- Je... Commença-t-elle, hésitante. Niall t'a acheté des gâteaux. Des trucs à base de lait. Il m'a dit que tu comprendrais...

- Il... Euh. Ouais. A l'époque de x factor, il en mangeait tout le temps et on...  

Le brun lâcha un soupir et se força à ne pas craquer publiquement. X factor. Sa passion pour la musique. One direction. Leur ascension. Leur séparation. Sa carrière solo. « Merle... », chuchota-t-il, le cœur au bord des lèvres.  

- Oh, Harry...  

Et Joan se contenta de faire ce que son cœur lui dictait. Ce n'était peut-être pas ce à quoi Niall pensait, ni même ce que Steve imaginait mais c'était sa méthode à elle. La seule solution qu'elle avait trouvée pour apaiser le cœur de Harry ne serait-ce qu'un instant. Joan laissa tomber ses bras le long de son corps, s'avança vers le chanteur et serra son étreinte autour de lui. Parce que de toute façon, tous les mots du monde ne pourraient panser les blessures de son coeur.

Guilty.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant