Fragment vingt-cinq.

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Le deuil. Cette étape obligatoire que l'on traverse tous lors d'un décès. Joan avait peu de connaissances sur le sujet. Elle ne connaissait le deuil que par le biais d'une série télévisée, diffusée quelques années plus tôt. Elle pouvait décliner à la perfection les cinq étapes et ce qu'elles impliquaient sans en comprendre réellement le sens. Quand elle avait démarré la peinture, on lui avait demandé pourquoi faisait-elle cela. Personne n'obtenu de réponse tout simplement parce qu'il n'y en avait pas. Enfant, on avait inscrit Joan a des cours de dessins pour ne pas qu'elle passe son samedi chez ses grands-parents. C'était une activité comme une autre, finalement. C'était une fille donc sa mère avait opté pour du dessin, son père voulant d'avantage qu'elle fasse du sport. Joan s'était par la suite orientée dans la peinture pour ne plus être dans la même classe que Marybeth, une adolescente détestable qui était bien plus technique que la blonde. Alors, Joan décida d'arrêter son école d'art et ses cours extrascolaires pour tenter la peinture. Comme ça. Par hasard. Parce que son père lui avait fait visiter les plus grands musées de la capitale française et que depuis, elle rêvait d'y figurer grâce à l'une de ses toiles. Elle débuta par du concret. L'habituelle coupe de fruits. Les traits parfaits de son idole de l'époque – un peintre, lui aussi. Et peu à peu, la jeune artiste se détacha des portraits et des paysages qu'elle savait recopier à l'identique. Joan délaissa la technique au profil des émotions. Un tournant de sa carrière. Le commencement. Mais jamais la jeune femme n'avait choisi l'art pour vaincre son chagrin ou la perte douloureuse d'un proche. Elle ne voyait pas la peinture comme un exutoire, une échappatoire, une chose qui lui permettait de creuser son passé. Joan voyait la peinture comme un emploi. Un boulot qu'elle prenait plaisir à faire mais un boulot quand même. Jamais elle ne s'imposait un rythme de travail, des horaires fixes ou un quota à respecter. Son agent lui avait toujours dit de laisser libre court à son imagination et cette méthode avait porté ses fruits. Joan ne cessait de s'améliorer et de s'imposer entant qu'artiste. Harry l'ignorait. Harry ignorait tout concernant de Joan. Jusqu'à présent, il l'avait toujours cru réservée voire froide. Il n'avait jamais compris ce que Niall avait bien pu lui trouver et encore maintenant, il se posait la question. Joan ne ressemblait à aucune des ex de son meilleur ami. Elle n'était ni drôle, ni charmante. Elle ne possédait pas une beauté frappante et n'était pas le genre de filles que l'on aimait à l'instant même où on l'a voyait. Vraiment, le bouclé avait encore du mal à comprendre pourquoi elle plutôt qu'une autre. Joan était une femme touchante et vraiment bien mais pas pour le blondinet. Elle correspondait d'avantage à Zayn qu'à Niall. L'avait-elle d'ailleurs déjà rencontré ? Harry était certain que les deux artistes auraient pu former un couple parfait. Zayn mystérieux, Joan détachée. Zayn qui dessine, Joan qui peint. Zayn qui préserve sa vie privée, Joan qui reste toujours « La femme dans l'ombre ». Mais pour je-ne-sais-quelle-raison, elle avait choisi Niall. C'est avec cette interrogation en tête que Harry regarda la jeune femme poser plusieurs calepins sur la table de la cuisine ainsi qu'une trousse à l'effigie de One direction. Le simple objet suffit au chanteur pour le mettre en confiance. Il ne savait pas ce que Joan attendait d'elle mais où qu'elle le mène, il la suivrait. C'était la seule solution pour prouver son innocence.  

- Sympa ta trousse, souligna-t-il en affichant un air taquin.  

Joan fit un sourire à demi-teinte, crispée. Elle ne voyait toujours pas le jeune homme de la même manière que Niall. A présent, elle savait Harry sincère et profondément touché par le décès de sa petite-amie mais elle la seule case dans laquelle elle réussissait à le mettre, était celle de « danger ». Elle ignorait tout de lui mais elle voulait apprendre à le connaitre, quitte à se brûler les ailes au passage. C'est ce que Niall lui demandait, après tout.  

- Qu'est-ce que tu comptes faire de tout ça ?  

Harry désigna l'ensemble des affaires présentes sur la table et Joan s'installa sur la chaise en face de lui. Elle coupa la radio et se concentra sur divers papiers et articles de journaux qu'elle avait déposés sur la table de la cuisine. Joan avait regardé des séries américaines par le passé et elle savait qu'avant toute chose, il fallait qu'elle resitue les évènements. Qu'elle fasse une frise chronologique de la vie de Harry ou du moins, des trois derniers jours avant la mort de Merle. Et de la nuit où elle avait été assassinée. Le moindre élément pourrait innocenter Harry face à une défense qui s'annonçait redoutable.  

- Pourquoi tu étais à San Francisco  ce jour-là ? Lui demanda-t-elle en dessinant sans doute la plus belle frise chronologique jamais conçue. Elle avait du talent pour le dessin, c'était certain.

- Un voyage.

- Pour ?  

Harry lâcha un soupir et colla son visage contre la table en bois. Il n'avait pas envie de s'atteler à cet atelier, aujourd'hui. Il n'avait pas envie de revivre les évènements, de se remémorer la vie parfaite qu'il avait jusqu'à ce que ce drame vienne briser ses rêves et ses perspectives d'avenir.  

- J'étais là-bas pour le travail. Je devais présenter mon album donc j'étais sur place. Si je vendais bien aux US, je pouvais conquérir le monde.

- Mais pourquoi es-tu allé à San Francisco ? Et pourquoi Merle était avec toi ?  

« Merle... » Murmura une voix intérieure, ravivant la peine incommensurable qui s'était emparé de son être depuis ce lundi treize Avril.  

- Elle avait le droit à quelques jours de congés, expliqua le bouclé. Elle était en plein tournage et je me suis dis que ce serait bien qu'on passe du temps ensemble. Elle adore la Califor... Il soupira malgré lui et reprit, le ton plus grave et le visage blême : Elle adorait la Californie. San Francisco, c'était l'endroit rêvé.  

Joan gribouilla quelques mots sur l'un de ses nombreux carnets et transposa la première date sur sa frise. C'était un début. Mais c'était aussi une fin. Pendant près de trois heures, Harry ne répondit à aucune de ses interrogations. Il resta là, les bras croisés sur son torse, le regard dans le vide, à attendre que la jeune artiste lâche prise et décide d'appeler Niall pour lui dire qu'elle laissait tomber. L'inverse se produisit. En effet, Joan délaissa ses petits papiers, sa frise chronologique, ses carnets et sa trousse One direction pour opter pour une autre méthode. Celle qui correspondait le mieux au brun et qui se trouvait être l'une des étapes du deuil. Le marchandage. La négociation. Le chantage, s'il le fallait.  

- Pose-moi une question, lâcha la blonde, obtenant ainsi l'attention du chanteur. Pose-moi une question, n'importe laquelle, et je t'y répondrais sincèrement.  

Harry voulut sauter sur l'occasion pour demander ce que Diable Niall avait pu trouver à Joan mais il se retenu. Il se sentait pris dans les mailles de Joan et qu'à l'instant même où il lui demanderait quelque chose, elle en profiterait pour lui poser une question à son tour. Si lui parlait du couple « Jiall » qu'il trouvait étrange et incompatible, Joan rebondirait sur le couple qu'il avait formé avec Merle. Il en était sûr. Alors, Harry se tata sur un terrain dont il était certain de pouvoir en tirer profil. Parce que dans l'art de la manipulation, il ne fallait pas oublier que c'était lui le maitre. Le chanteur se redressa sur sa chaise, déplissa machinalement les éventuels plis de son jeans sur ses cuisses et encra son regard dans celui interrogateur de la blonde. Un mince sourire naquit sur les lèvres du chanteur. Il menait la partie.  

- Pourquoi est-ce que tu fais comme si tu voulais m'aider alors qu'on sait clairement que tu t'en fou de moi. On ne se connait pas et les rares fois où on s'est vu, j'ai bien senti que tu ne m'appréciais pas. Tu étais là juste pour Niall mais aujourd'hui, il n'est pas là, avec toi. Alors, pourquoi tu fais semblant d'en avoir quelque chose à faire de moi ?  

Le malaise se sentit chez Joan. Elle prit une profonde inspiration, prête à sortir l'un de ces discours que Niall avait préparé en cas de questionnement de la part de Harry mais maintenant qu'elle se trouvait devant lui, qu'un sourire calculateur était présent sur ses lèvres mais que malgré tout, son regard exprimait l'immense vide qui l'habitait, la blonde ne trouva rien à dire. Elle ferma sa bouche un instant, plissa ses yeux pour chercher une réponse sincère qui venait d'elle et finit par admettre :  

- Je ne sais pas. Je crois que tout le monde a le droit de tomber à un moment donné et je préfère que tu me détestes plutôt que tu te pendes dans la salle de bain pour répondre à tes problèmes.  

Joan haussa les épaules et rangea l'ensemble de ses affaires dans une pochette cartonnée qu'elle abandonna sur la table, à la portée de Harry s'il décidait de s'ouvrir à elle. La jeune artiste lança un sourire plein d'espoir à son hôte et grimpa à l'étage. Elle avait besoin de peindre une toile, maintenant.

Guilty.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant