Fragment vingt-quatre.

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C'était la seule chose qui les unissait vraiment, dans le fond. Le silence. L'absence de mots ; la présence des maux. Ce rien qui rongeait Harry, ce tout qui permettait à Joan de s'en sortir. Elle n'y connaissait pas grand-chose à la vie, finalement. Elle avait pendant longtemps vécu chez ses parents avant de se payer un aller simple pour New York où ses œuvres furent choisies pour une exposition de jeunes peintres. Tous ses tableaux furent vendus ce soir-là et Nicholas Grimm décida de parier sur la jeune femme. Elle n'avait que dix-sept ans mais il était certain qu'un jour, elle aurait le monde à ses pieds. Harry n'avait pas conscience que dans l'histoire, c'était à lui de se sentir honoré de se trouver en compagnie d'une artiste aussi douée que Joan. Il ne lui avait jamais dit qu'il l'avait vu peindre, l'autre nuit. Et il n'avait pas prononcé beaucoup  de mots, tout court. Harry était peu habitué à ce silence. Dans son monde, il fallait toujours combler ces moments de calmes. Le silence, c'est ce qui effraie les gens et jusque récemment, Harry était dans ce même cas. Il craignait d'être confronté au silence. Il avait peur de cette absence de mots, de ses peurs irrationnelles qui profitaient de l'occasion pour tirailler son esprit, de ses yeux qui s'inondaient de larmes. Et puis, il avait des directives à suivre. Parce que quand on s'appelle Harry Styles, on ne peut pas se la jouer mystérieux et fuir les plateaux télés. Sa personnalité faisait vendre autant que sa musique et le bouclé ne savait pas s'il pouvait se réjouir pleinement de sa réussite. Parce qu'on l'aimait pour lui. Mais il n'était pas l'homme qu'il prétendait être. Il n'était qu'un pantin dont Hollywood tirait les ficelles pour s'articuler avec ce monde de stras et paillettes. Mais ce n'était pas lui. Et il ne se complaisait pas dans cette vie. Avant, il avait Merle. Sa bouffée d'oxygène. Sa sortie de secours. Sa bouée de sauvetage. Et maintenant, que lui restait-il ?

« Joan », souffla-t-il pour lui-même. Harry se débattit avec les draps et hissa son corps sur le bord du lit avant de se lever. Il enfila un jeans qu'il trouva sur son chemin et ouvrit la porte. En tâtant les poches arrière de son pantalon, il mit la main sur un paquet de cigarettes à peine entamée. Il glissa une clope entre ses lèvres et pénétra dans la cuisine, sans doute la pièce préférée de Joan qui s'y trouvait à chaque fois qu'il voulait la voir. En le voyant, la blonde ferma son cahier à dessin et se leva, prête à jouer la cuisinière personnelle du chanteur mais il l'arrêta dans son élan en faisant claquer le placard qu'elle venait d'ouvrir, manquant de lui coincer le doigt. Aujourd'hui, c'était différent. Il ne voulait pas qu'elle lui prépare des crêpes ou du bacon avec une sauce dont elle seule avait le secret. Aujourd'hui, il avait besoin de se confier et c'était la seule qui pourrait entendre ses confessions sans qu'elle ne le juge. Et le silence qui avait été requis avait besoin d'être remplacé par des mots que Joan magnait avec maladresse.  

- Je n'ai pas faim, avoua Harry face au regard incompréhensif de la jolie blonde.

- Que veux-tu, alors ?

- Parler. Je vais te raconter tout ce qui s'est passé cette nuit-là. Et tout ce qui s'est passé avant.

Guilty.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant