Fragment quarante-trois.

462 22 0
                                    

Trois jours pour prouver son innocence.

Ne supportant plus le silence lourd qui s'était installée entre eux, Joan abandonna le brun dans la cuisine et grimpa les marches qui les séparèrent de son atelier. Elle se précipita vers l'ensemble des œuvres représentant Harry et les porta comme elle le put jusqu'à la cuisine où elle les posa face au chanteur. Harry releva la tête de sa frise et stoppa sa rédaction en voyant les toiles de Joan devant lui. Qu'était-elle en train de faire ? Comptait-elle les détruire devant lui pour briser les derniers morceaux encore viables de son cœur ? Les vendre à des journalistes pour que le lendemain, à la Une d'un grand quotidien américain, on puisse lire que le grand chanteur Harry Styles était en réalité un brun ténébreux, névrosé sur les bords ? Il soupira et regarda avec appréhension les huit toiles que Joan s'était appliquée à poser contre les meubles de la cuisine. Joan l'avait dessiné avec tant de précision et de réalisme qu'il avait l'impression d'être face à un miroir. A huit miroirs lui renvoyant à chaque fois une vision différente de lui. Sa détresse. Son chagrin. Sa fragilité. Sa faille. Sa cassure. Son passé désastreux. Sa joie de vivre. Son bonheur éphémère. Et enfin, Joan apparut avec un nouveau tableau, un nouveau miroir. Un que Harry n'avait jamais vu dans son atelier. Un plus technique, descriptif. Harry posté à sa fenêtre, une cigarette dans sa main droite qui feuillette les pages de son carnet, un thé dans sa main gauche. Tous les détails y étaient. Son tee-shirt à l'effigie de Pink Floyd. Les tatouages pour la plupart dessinés sur ses bras –jusqu'à ce « M » qu'il avait fait gravé sur son torse et qui était presque inconnu de tous. Sa bague glissée à son index droit. Tout y était. Harry se surprit même à découvrir une cicatrice qu'il avait au-dessus du coude. Il inspecta son bras et constata qu'effectivement, la même se trouvait sur son corps.  

- Tu... Tu m'as dessiné ?

- Oui. - Mais comment tu...

- Je t'ai vu à ta fenêtre, le coupa-t-elle. Chaque soir depuis un mois, tu fais la même chose. Tu m'as inspiré donc je t'ai dessiné. Je voulais te peindre mais la peinture ne fait pas ressortir toutes les nuances de ton âme.  

Son âme. Inconsciemment, un sourire prit place sur les lèvres du brun. Il n'avait jamais compris pourquoi les femmes employaient ce mot à tout va. A l'origine, une âme est quelque chose de spirituel, quelque chose réservé aux morts ou à la limite, aux mourants qui cherchent à se racheter pour leurs pêchés. Mais pour Joan, une âme était quelque chose de réel qui nous habite tous. Elle voyait Harry au-delà de ses frasques, des addictions qui avaient fait partie de sa vie pendant un moment et de son caractère parfois insupportable. Certains auraient dit qu'elle se rendait compte de sa véritable personnalité, elle préférait employer le mot « âme ». Cette partie cachée de nous que l'on peut entrevoir seulement en regardant quelqu'un profondément dans les yeux. Aller plus loin que la couleur des iris et de l'humidité qui peut prendre naissance dans les pupilles lorsque l'on est ému. Voir le regard. Chercher ce qu'il peut cacher. Entrevoir l'âme de quelqu'un. C'est à ça que consistait le travail d'artiste de Joan. Harry venait de le comprendre.  

- Tu as une tâche de naissance sur la hanche droite, dit le chanteur. Et tu as un tic que tu fais quand tu es nerveuse. Tu fais des traits invisibles sur tes cuisses et après, tu les dessines sur ton cahier.  

Joan sourit.  

- Tu vois, moi aussi j'ai pris le temps de t'observer.  

La blonde baissa son regard sur ses cuisses et entreprit de faire des cercles dessus jusqu'à ce qu'elle sente le regard de Harry sur elle. Il avait vu juste. Ce tic nerveux, elle l'avait toujours eu sans s'en qu'on lui fasse remarquer. Maintenant si. Elle rit en relevant la tête, gênée que le brun ait pu remarquer cela chez elle. Bientôt, Harry joignit son rire au sien et cela marqua la fin du froid interminable qui s'était installé entre eux, ces derniers jours. Ils s'étaient embrassés. Elle, parce qu'elle voulait retrouver Niall. Lui, parce qu'il voulait ressentir. Un sentiment, une émotion. N'importe quoi. De l'amour. Ca n'avait duré qu'une poignée de secondes, peut-être plusieurs minutes mais ce baiser avait pris fin. Et ni lui, ni elle, ne voulaient que cela se reproduise. L'incident était clos.  

- Ces toiles sont pour toi, finit par admettre Joan. C'est toi donc elles te reviennent. Fais-en ce que tu veux. Qu'elles soient sur les murs de ton appartement ou non, elles font parties de toi.

  Harry fronça les sourcils. Il voulut lui dire merci mais se rétracta. La remercier à sa manière. Plutôt que d'avoir une conversation gênante et de devoir exprimer son ressentit, Joan lui avait offert des toiles. Plutôt que de devoir faire revivre ses souvenirs et avouer ce qu'il avait fait la nuit du treize Avril, Harry allait lui offrir une source d'inspiration pour ses toiles.  

- Je veux que tu me dessines, Joan, expliqua-t-il en encrant son regard brisé dans celui compatissant de la blonde. Je veux que tu dessines tout ce qui s'est passé cette nuit-là. Je ne veux pas que tu signes tes toiles, juste que tu les peignes. Je te dois cette révélation après tout ce que tu as fait pour moi. Tu as le droit de savoir ce que j'ai fait.

Guilty.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant