Guilty.

Fragment vingt-deux.

Harry s'empara de la tasse de thé qu'il avait abandonné sur son bureau et souffla dessus, pour faire partir la buée qui s'échappait de la boisson fumante. Il porta la tasse à sa bouche et avala une gorgée de son breuvage. Un sourire naquit sur ses lèvres en sentant les arômes de menthe envahir sa bouche. Ce n'était pas son parfum préféré mais Joan avait une façon bien à elle de préparer le thé. Il ne savait comment elle faisait mais elle réussissait toujours à le surprendre. Et pas seulement à ce niveau-là. De partout. Quoiqu'elle fasse, elle arrivait à toucher Harry. En plein cœur. A chaque fois. Le chanteur sourit à l'évocation de ces souvenirs et se dirigea vers la fenêtre de sa chambre. Il prit le soin d'ouvrir ses volets restés trop longtemps fermés à son goût et soupira d'aise en sentant les rayons lumineux du soleil venir chatouiller son épiderme. Il n'avait tellement plus l'habitude du soleil. Il adorait la Californie pour cette raison. Los Angeles, surtout. Il ne savait pourquoi, cette ville lui avait toujours plu. Elle pouvait se montrer superficielle, allumeuse, hypocrite, mais c'était un peu son chez lui, là-bas. En plus de l'appartement qu'il partageait à Londres avec Niall. Mais c'était avant. Harry attrapa nerveusement son paquet de cigarettes posé sur le rebord de fenêtre et alluma le cylindre bicolore. Il laissa ses poumons s'imbiber de sa dose quotidienne de tabac et en profita pour s'emparer de son carnet marron qui ne le quittait jamais. Une clope dans la bouche, sa tasse de thé dans la main droite et la gauche en train de feuilleter son carnet, Harry profitait de cette journée radieuse pour regarder ce qu'il avait pu écrire dans le passé. Des textes, des pensées, des chansons qu'il avait entrepris d'écrire il y a de cela plusieurs années. La carrière de One Direction était à son apogée et pourtant, le moral du plus jeune du groupe était au plus bas. Sa famille lui manquait, il perdait ses amis en masse, le groupe avait perdu de son intensité et l'amour manquait à la vie de Harry. Il voyait Liam en train de souffrir à cause de sa rupture avec une danseuse qui s'était littéralement servi de lui, Zayn parler de mariage avec sa copine du moment, Louis qui nageait en plein bonheur avec une femme sans doute pas assez bien pour lui et Niall, lui, était seul. Comme le bouclé. Mais à l'inverse de Harry, l'irlandais vivait bien son célibat. Il lui arrivait de sortir avec quelques filles la semaine mais rien de sérieux. Il avait sa famille, sa culture et ses amis. Il avait une vie entière pour trouver une compagne. Harry n'était pas du même avis. Il avait pendant longtemps joué. Prendre une fan entre deux portes des coulisses, l'embrasser, se montrer entreprenant, coucher avec elle dans sa loge et laisser Modest gérer tout ce qui concernait la confidentialité de leur rapport. Pendant un temps, il avait voulu essayer de se montrer sérieux. Ne plus boire, ne jamais s'afficher en train de fumer en public, sourire auprès des fans et se montrer mystérieux et étrange sur les réseaux sociaux. C'était sa marque de fabrique. Il avait même entrepris une relation avec une femme plus mûre que lui. Il n'y avait récolté qu'un cœur brisé et des milliers de phrases en tête. C'était son ami et chanteur, Ed Sheeran, qui lui avait conseillé de les mettre par écrit. « Tu sais que ça ne peut plus durer, Harry, lui avait-il dit avec une voix grave, ses yeux bleus encrés dans ceux jades du bouclé. Que tu couches, boives ou te drogues, ce ne sont pas mes affaires. Quand tu joues avec ton image de coureur de jupons, non plus. Mais quand tu mets ta vie en danger pour une femme qui n'a jamais voulu de toi... Si. Là, entant qu'ami, ça me regarde. Lise n'était pas la bonne. Ni Caroline. Ni Audrey. Ni toutes celles que tu as fréquentées depuis qu'on se connait. Faut que t'arrêtes de creuser toi-même des trous dans ton cœur. Ecris ce que tu ressens, écris tout ce qui te vient en tête et si tu veux, un jour, je t'aiderais à en faire une chanson. » Et Ed avait tenu parole. Il y avait eu « Memories », « Just a moment », « You and I »... Et finalement, Harry avait volé de ses propres ailes. Ed lui avait pris tout ce qu'il savait de la musique et désormais, l'ancien chanteur de One direction affichait fièrement son statut d'auteur-compositeur-interprète. Il n'était pas le meilleur mais les meilleurs voulaient travailler avec lui. On le disait prometteur et les rumeurs disaient vraies. Seulement, les plus beaux textes de Harry étaient inscrits dans ce carnet que personne n'avait ouvert à part lui. C'était la partie la plus sombre de sa personnalité. C'était cette pièce manquante au puzzle de sa vie. L'élément qui en disait long sur lui. Mais Harry avait prévu de la révéler. Un jour. Son EP s'intitulait « Maybe » en référence à sa carrière avec son boysband. Ce « peut-être » qu'il murmurait toujours, cette possibilité, cette ouverture qu'il avait. Peut-être. Son album était censé s'intitulé « Things I can ». Son bras gauche contenait tout ce qu'il s'était permis de faire dans sa vie. Toutes les choses qu'il s'autorisait à faire. Lui. Pas les autres. C'était la partie « publique » de sa personnalité. Son côté « enfantin » qu'on lui reconnaissait. Mais Harry avait calculé son coup. Il voulait qu'on le reconnaisse dans son intégralité. Il ne voulait pas marquer l'histoire mais il voulait être quelqu'un. En entier. Alors, il voulait intégrer les textes de son carnet à son second album. « Things I can't ». Toutes ces choses que les gens ignoraient sur lui. Tous ses secrets inavoués. Toute cette peine qui inondait sa vie. Ce chagrin qui l'habitait lorsqu'il se retrouvait seul. Comme maintenant. Harry cala sa cigarette entre son index et son majeur et cracha un nuage de fumée avant de fermer la fenêtre, n'oubliant pas de prendre sa tasse de thé désormais froide et son carnet. Il se sentait prêt à affronter son avenir.