Joan s'assit sur l'une des chaises de la cuisine et regarda le brun toucher du bout des doigts les œuvres que venaient généreusement de lui offrir l'artiste. A l'inverse des deux premières toiles, les deux autres n'avaient pas été dessinées à l'aide du fusain. Harry aurait aimé lui demander quel genre crayon pouvait laisser un trait à la fois aussi gras que fin mais il ne voulait pas détourner la conversation qu'il avait engagé. Il lui avait demandé quelque chose et Joan avait accepté de le faire. Pour lui. La curiosité n'était pas un trait de caractère de la jeune femme et elle ne voyait pas son intérêt à connaître la vérité. Elle n'avait jamais vraiment eu envie de savoir si oui ou non, Harry avait tué Merle. Elle pensait que s'il était innocent, il ne méritait pas des années de mauvais traitements en prison. Et s'il était coupable... Eh bien, son chagrin actuel le punissait déjà pour le meurtre. La décision du juge ne pourrait pas être pire que les remords dont il devait être accablé. Mais qu'importe son statut, Joan s'était promis de n'émettre aucun jugement. Elle serait sans doute surprise ou bien soulagée mais elle ne le montrerait pas. Harry n'aurait certainement pas besoin que son attitude change en fonction des décisions qu'il avait pris dans sa vie. Entre le moment où Harry avait exprimé sa requête et celui où Joan se trouva assise à table, il ne s'était écoulé que quelques minutes. Le temps pour Joan de hocher la tête et d'aller chercher de quoi dessiner. Elle opta pour un cahier à dessin neuf qu'elle avait acheté la veille à la papeterie et des crayons à papier. Elle avait ajouté quelques crayons de couleur rouge dans sa trousse et avait rejoint le brun, prête à travailler. Joan avait enfilé sa veste en laine et prit une position qui lui serait agréable pour travailler. Harry lui jeta un dernier regard avant de fixer à nouveaux les cadeaux que venait de lui faire Joan. Ces tableaux étaient ce qu'il avait de plus précieux, de plus importants, de plus vrais. Il avait des centaines meubles hors-de-prix à Londres, plusieurs voitures pas encore disponible sur le marché automobile, sans compter la multitude de motos qu'il gardait dans ses garages mais de tout ce qu'il possédait, ces tableaux étaient la seule chose dont il ne voulait pas se séparer. Qu'on lui prenne tout, cela lui était égal. Il aurait toujours ses tableaux le représentant et ses souvenirs de Merle. Ses tatouages, aussi. Ceux qu'il avait déjà gravé dans sa chair ; ceux qu'il avait prévu de se faire après le drame qui avait bouleversé sa vie et les cinquante jours qu'il avait passé avec Joan. Elle était une partie de son histoire maintenant et il voulait la porter sur lui. A jamais.
- Les parents de Merle ont divorcé quand elle avait sept ans, expliqua le bouclé en continuant d'admirer les toiles sous le regard attentif de Joan, un crayon à la main et son carnet ouvert devant elle. Ca n'avait jamais été entre eux. Son père était un homme froid, violent et très exigeant. C'est comme ça qu'elle le décrivait. Et quand j'ai rencontré sa mère, elle m'a dit la même chose. Cet homme leur a fait beaucoup de mal et a laissé une marque indélébile chez Merle. Elle n'a jamais eu confiance en elle. Elle défilait pour gagner de l'assurance mais enchaîner les défilés lui en a surtout fait perdre. Elle se sentait toujours moins bien que les autres mannequins avec ses soi-disant kilos en trop et son nez qu'elle trouvait trop fin. Ses lèvres trop épaisses. Ses cheveux trop ternes. Il y avait toujours quelque chose qui clochait et quand elle revenait de chez son père, c'était pire encore. Même si elle ne le voyait qu'une fois par an, il avait toujours une grande influence dans sa vie. Elle voulait qu'il l'aime par tous les moyens. Elle pensait que son père la reconsidérerait avec le temps et qu'il reprendrait une place importante dans sa vie. Elle n'a jamais voulu croire qu'il s'en foutait d'elle. Elle a accepté de tourner dans un film juste pour lui. Il ne s'intéressait pas à la mode, c'était normal qu'il ne l'ait pas vu. Mais le cinéma... Tout le monde regarde des films. Tout le monde adore ça. Il la verrait sûrement. Elle en était persuadée.
Harry soupira et se tourna vers Joan, toujours accroupis par terre. Elle ne le regarda pas tout de suite, laissant ses doigts s'inspirer du récit du chanteur. Déjà, elle avait dressé sur deux pages le portrait du mannequin. Merle vêtue d'une robe noire, presque la même qu'elle portait le soir où elle avait rencontré Harry. Elle était pied nue, masquée par l'ombre d'un homme grand et imposant. Sa robe était trop grande pour elle. C'était une enfant qui portait une robe d'adulte. Exactement l'image que Merle avait d'elle-même lorsqu'elle était confrontée à son paternel. Harry ne put voir le dessin mais il ne douta pas un seul instant de son réalisme. Joan était une perfectionniste. Pour l'instant, elle ne faisait que de rapide croquis qu'elle s'empresserait de peindre une fois que Harry aurait cessé de se confier. Lorsqu'il réussit à capter le regard passionné de la blonde, il put reprendre :
- J'étais amoureux de Merle. Je le suis. Mais elle avait cette capacité de me mettre à bout. Elle pleurait tout le temps pour un rien. Je ne lui disais pas assez qu'elle était belle, je lui disais trop, pas avec assez d'intensité ou au contraire, j'y mettais trop de conviction. Ca n'allait jamais. Je l'aimais profondément mais pas de la manière qu'elle aurait voulu et ça finissait toujours par des disputes. Elle me jetait notre service à vaisselles dessus, je l'insultais. Elle allait détruire ma guitare, j'allais déchirer ses robes de couturier. Toujours plus loin, toujours plus fort. C'était comme si... Il prit un moment pour trouver le mot approprié avant de dire : Comme si on cherchait toujours plus à détruire l'autre. Elle se sentait tellement minable parfois qu'elle ressentait le besoin de me rabaisser pour que je sois sa hauteur. Je ne pouvais pas la relever, ni la faire aller mieux, parce qu'elle était celle qui me tirait vers le bas. C'est vrai que c'est elle qui m'a fait arrêter de boire et de sortir chaque nuit car à chaque fois que je m'absentais, je la retrouvais un peu plus détruite. La seule chose qui l'apaisait dans ces moments-là, c'était la musique alors, je lui chantais des chansons. Elle m'a encouragé dans ma carrière solo pour cette raison. Si moi j'arrivais à l'aider avec ma voix, je pourrais en aider d'autres. Mais elle était jalouse et à chaque fois que je partais en voyage pour ma carrière, elle m'en faisait voir de toutes les couleurs. Elle m'a quitté, une fois. On avait loué un appart à New York le temps de ses défilés et de mes rendez-vous professionnels mais j'ai dû m'absenter une semaine pour un voyage à LA. Je ne suis resté que cinq jours pour lui montrer que justement, elle passait avant ma carrière. A mon retour, l'appartement était vide et elle était partie. Elle s'était trouvée un autre mec. J'ai été en Allemagne la retrouver pour la faire revenir à New York et rompre avec ce type. C'est la première fois que je l'ai giflé. Je... J'avais jamais levé la main sur quelqu'un mais à ce moment-là, j'avais eu tellement peur de la perdre et... Je ne voulais pas. Elle m'en a foutu au moins dix de plus après et je me suis laissé faire. J'ai même pas cherché à lutter. Mais tout a changé après ça.
Joan dessina un rapide croquis de Merle et Harry dans leur appartement vide à se battre pour montrer mutuellement dans leur attachement. Son visage n'exprimait rien. Elle grimaçait parfois face à ses traits hésitants et fronçait les sourcils pour montrer sa concentration mais c'était tout. Harry essaya de voir ce qu'elle pensait de lui maintenant qu'elle le savait violent. En vain. Joan était imperturbable.
- J'ai peur de ce que tu vas penser de moi, maintenant, lui confia-t-il à mi-voix.
La jeune artiste leva la tête.
- Rien, Harry. Je ne pense rien. La vie n'a pas été facile avec Merle et toi et je ne suis pas là pour juger les décisions que tu as pu prendre et les choix que tu as pu faire. Je pourrais te dire que tu n'aurais pas dû la frapper mais elle, elle n'aurait pas dû partir. Ni te taper en retour. Il n'y a pas de bon ou de mauvais rôle. Je ne suis pas là pour faire ton procès.
- Quelqu'un le fera dans trois jours, souffla le brun.
- Des professionnels. Des personnes qui ne connaissent ni Merle, ni toi. Et ce sera aux avocats de les persuader que tu n'y es pour rien dans cette histoire ou au contraire, de t'accabler. Cesse de t'angoisser sur ce que je peux penser de toi, ce n'est pas important.
- Ca l'est pour moi.
- Ca ne devrait pas.
Harry baissa la tête. Il avait toujours porté trop d'intérêt à ce que les autres pouvaient penser de lui et cela ne s'était pas amélioré avec le temps. Il pensait toujours à la retombée médiatique concernant le meurtre de Merle, à ce que sa famille avait pu se dire en le voyant se faire arrêter sous les flash des paparazzis, à ce que la mère de Merle avait dû penser en apprenant qu'il était le suspect principal. Mais surtout, à cet instant, Harry pensait à Joan. C'était bête mais son avis comptait d'avantage. Il voulait qu'elle l'apprécie pour ce qu'il était et il avait cru y arriver... Jusqu'à ce qu'elle lise son carnet.
- Je ne te jugerais pas, Harry, reprit Joan Sois en sûr.
- Je veux juste que tu saches la vérité...

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Guilty.
أدب الهواةDeux ans après la séparation du groupe, Harry Styles, chanteur mondialement connu est impliquée dans une affaire de meurtre..