Chapitre 11 :

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"Juger, c'est évidemment ne pas comprendre, car si l'on comprenait, on ne jugerai pas."

-André MALRAUX-

 [PDV Law]

Les insomnies. J'ai fini par m'y habituer depuis que je suis sortie de l'hosto. Ca, et les mensonges qui s'accumulent à propos de mon état de santé. Depuis ce qui s'est passé, tante Lucinda et Ace ont insisté pour que désormais je déjeune à la cantine. Ace à même été jusqu'à changer de régime, pour passer en demi pensionnaire, afin d'être sûr d'avoir un œil sur moi.

Cela ne change rien. Je ne suis pas stupide, j'ai même développé rapidement une technique propre à moi-même pour satisfaire tout le monde. Oui, Ace déjeune en ma compagnie, veille à ce que je ne me contente pas d'une ration de légumes en guise de repas. Mais ce qu'il ne peut faire en revanche c'est de m'empêcher d'accomplir mon pseudo rituel féminin qui consiste à aller aux toilettes. J'imagine que vous avez compris ma stratégie...: je mange et juste après, à l'abri du regard, je recrache mes boyaux le plus silencieusement possible.

Pensaient-ils réellement que j'allai guérir aussi facilement juste en me parquant comme un mouton ?

Qui plus est, je hais la cantine. Trop de bruits, trop de gens, trop de gamins se plaignant à tout va, de filles pipelettes comme des pies, de langues de vipères toujours à cracher leur venin sur les autres et de garçons qui déjà en Troisième font les fiers et se vantent comme s'ils connaissaient tout de la vie.

Quel ennui...!

La présence d'Ace néanmoins est un maigre réconfort. Il sait que je supporte mal les rangs de cantine alors, il se met toujours derrière moi, fait barrage de ses bras pour m'éviter la foule trop pressante des lycéens affamés. Il profite aussi de son statut pour me faire passer en priorité auprès du surveillant qui est un chic type barbu et souriant. Souvent, quand il me voit luttant contre une crise de larmes causée par la foule trop compacte, il pousse les gêneurs et me laisse passer. Je n'ai jamais eu le cran de lui dire merci pour toutes ses fois.

Toujours le même blocage. A part Ace, je n'arrive jamais à regarder quelqu'un en face. Tous ces visages m'effraient en réalité. Et s'ils me regardent, à quoi pensent-ils en me voyant ? Je les dégoute pas vrai ? Ou peut-être sont ils indifférents ? Que peuvent-ils en avoir à faire de moi après tout ?

Le seul avantage à manger avec Ace, c'est de l'avoir auprès de moi. Cela me rassure en quelque sorte, il a ce don incroyable de me calmer au milieu de tous ces inconnus aux visages inexistants.

*****

Il est cinq heures du matin. Comme d'habitude, je ne dors toujours pas, mes pensées se ressassent inlassablement comme un ressac qui dévore le sable doucement. Ces derniers jours, j'ai eu l'impression d'être sur la bonne voie. Je me protège du reste du monde comme je peux, mais au moins je ne suis plus toute seule. Ace est là maintenant.

Quand j'y pense, je me dit que finalement, je m'y suis attachée à ce garçon. Je ne lui donne pas de considération particulière bien que souvent je le désigne comme un ami. Mais au fond...Je ne le connais pas très bien et je ne suis pas du genre à poser des questions indiscrètes pour satisfaire ce besoin humain de tout savoir sur les autres pour se déculpabiliser de notre égoïsme naturel.

Je ne suis ni altruiste, ni égoïste. Enfin je crois.

En fait, pour être égoïste il faudrait déjà que ma propre personne m'intéresse, que tout tourne autour de moi, mais à vrai dire, je ne me considère même pas. Je suis plus une espèce de fantôme aux traits humains qui erre depuis sa naissance et qui tente vainement de comprendre ce qui se passe autour de lui. Et puis, pour être altruiste faudrait-il déjà que je m'intéresse aux autres et que je leur porte un certain attrait. Ce qui n'est pas mon cas. J'ai cessé de m'intéresser à ces biens curieux personnages que sont mes congénères depuis bien longtemps.

[One Piece] The Bullied Girl [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant