[PDV Lawrisia]
Ace est revenu trois jours plus tard, comme si rien ne s'était passé. Il avait les yeux cerclés de noir, la peau pâle, les cheveux en bataille, le visage creusé. Le regard éteint. Je n'ai pas pu me contenir. Quand je l'ai vu, d'abord furieuse, j'ai songé à le plaquer contre un mur et lui hurler dessus, mais lorsque j'ai croisé son regard, lorsque j'y ai lu une détresse inavouée, je me suis juste jetée dans ses bras, je l'ai enlacé, j'ai pleuré, je l'ai serré contre mon cœur comme un doudou retrouvé.
Il sentait le cigare froid et la mer.
C'étaient d'étranges retrouvailles : il s'était présenté à la porte de mon appartement, un bouquet de roses à la main ; on aurait dit une scène de comédie romantique, une scène où le type a fait une grosse connerie et qu'il offre à sa copine un bouquet de fleurs, l'air coupable, dans l'espoir de se faire pardonner. Elles étaient belles ces roses, d'un rouge vif ensanglanté, un joli rouge qui couvrait la faïence de ma salle de bains depuis trois jours.
Il était resté muet, comme perdu dans ses pensées, comme anéanti par le chagrin. Je n'osais pas lui demander « qu'est-ce qu'il y a ? » ou « est-ce que ça va ? », j'avais trop peur de sa réponse qui de toute manière se lisait sur son visage : NON.
Après avoir versé ce torrent de larmes, je l'ai guidé dans le salon, j'ai respecté son silence et son absence d'effusion, je lui ai juste pris la main comme une mère prendrait celle de son enfant pour le ramener docilement à la maison, et en un certain sens j'avais le sentiment qu'Ace était aussi perdu qu'un petit enfant dans un grand supermarché. Il avait les mains froides, elles si incendiaires par habitudes.
Il s'est assis mécaniquement dans le sofa, a fixé le vide. Je me souvenais des préconisations de Marco : « s'il reste mutique, ne cherche pas à le brusquer ». Je m'efforçais de noyer les milliers de questions qui se bousculaient dans ma tête dans le verre d'eau que je lui servis. Je me suis ensuite occupée des roses, touchée par son intention, les ai mis dans un grand verre en forme de tube désormais reconverti en vase. Je les ai un peu arrangées et les ai disposées sur le comptoir de l'îlot central, là où elles combleraient le vide.
Ace était bien trop silencieux. J'en avais la gorge nouée, les sanglots n'étaient pas très loin. Je ne comprenais pas son état – tout du moins le motif de son expression effondrée – je ne savais rien et ça me tuait. Je suis revenue près de lui, me suis accroupie pour être à sa hauteur et ai approché ma main de sa joue : il était réel.
Au contact de ma main, il a fermé les yeux et a cherché à lover son visage dans ma paume, il était attendrissant. J'ai risqué mon autre main, me suis rapprochée. J'avais le sentiment qu'il ne fallait pas le brusquer, qu'il pouvait se volatiliser en un claquement de doigt. J'ai posé mes lèvres contre sa joue, j'ai embrassé le coin de sa lèvre dans l'attente d'un rejet. Il n'a pas réagi. Mes mains sont allées se loger dans ses cheveux désordonnés, un peu gras, j'ai continué de l'embrasser avec le désespoir d'une naufragée. J'ai approfondi le baiser, il a cédé. Toujours paupières closes, ses grandes mains ont agrippée ma nuque, ont commencé à explorer ce qui pouvait l'être. Je rompais notre baiser une seconde pour effacer une larme solitaire qui courait le long de sa joue : Ace pleurait. En silence. Il me laissait enfin voir cette facette de lui, ça me touchait.
_ Je suis là, tout va bien.
C'est tout ce que je trouvais à lui dire entre deux baisers salés. C'était du désespoir, c'était du chagrin, c'était de la détresse. On aurait pu le nommer n'importe comment. Ce soir-là, on se consola en s'abandonnant. Ce fut intense, différent des autres fois : on était heureux de retrouver nos corps, de se retrouver, mais malheureux parce que notre détresse mutuelle était en train de nous broyer les entrailles.
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[One Piece] The Bullied Girl [TERMINEE]
FanfictionLawrisia a 16 ans et traîne déjà un lourd passé lorsqu'elle débarque à Goa pour, espère-t-elle, une nouvelle vie. Elle y rencontre Ace, le délégué principal de son nouvel établissement, un garçon chaleureux, hanté lui aussi par ses souvenirs et par...