- Ça semble se rétablir.
Le Docteur Bertem flatta délicatement les flancs de Gætan avec douceur, à la recherche d'une fragilité musculaire ou osseuse :
- Est-ce que tu as encore mal ?
- Pas trop, répondit Gætan.
- Parfait. Il semble que tes fêlures se soient réparées. Je vais te poser un nouveau bandage puis, si tout va bien, je pourrais te le retirer définitivement dans deux jours.
- Cool.
Le docteur l'aida à se reposer sur ses oreillers.
- D'ici là, poursuivit-il en rangeant ses outils d'auscultation, il faudra que tu continues les exercices d'étirement qu'on a répété. Et normalement, tu pourras reprendre les cours dès la semaine prochaine.
- Super...
Le docteur Bertem esquissa un sourire puis entreprit de lui faire son nouveau bandage.
- Je te conseille aussi très fortement de faire un peu de sport, c'est excellent pour la rééducation. De la natation par exemple... Il y a une piscine près de ton lycée, non ?
- Ouais, juste à côté.
- Tu penses que tu pourrais essayer d'y faire un tour ? Tu as peut-être des amis qui font de la natation ?
- Euh, oui... Je vais voir ça.
- Parfait.
Il termina le bandage puis referma sa sacoche et posa ses yeux gris sur Gætan :
- Comment tu te sens ?
- Tout flagada. J'en ai un peu marre de rester allongé toute la journée, même si c'est cool de plus aller en cours...
- Evidemment...
Le Docteur Bertem alla s'assoir dans le fauteuil. C'était un vieux monsieur à qui il manquait des cheveux, vêtu très sobrement, une paire de lunettes rondes posée sur le bout de son nez. Gætan adorait cet homme.
Il était son médecin depuis sa naissance et était également devenu une sorte de confident au fil des années, à l'écoute dans tous ses moments de doutes, d'angoisse ou d'hésitations.
- Et sur le plan psychologique ? demanda-il en joignant ses mains.
Gætan haussa les épaules :
- Ça va. Honnêtement, je sais que tout le monde se fait du souci pour moi, comme quoi je dois être traumatisé par ce qui m'est arrivé et tout... Mais c'est pas le cas. J'ai pas peur, je suis déterminé à m'affirmer tel que je suis.
Le docteur haussa les sourcils :
- Ta maturité t'honore. Je ne peux que t'encourager à garder cette mentalité, mais tu dois également me promettre d'être prudent. Tu as raison d'être fier de qui tu es, mais il y aura toujours des ignorants qui ne comprendront pas ça et qui chercheront à te faire du mal. Alors promet-moi que tu n'iras plus trainer dans des ruelles désertes tout seul...
- Je promets, répondit Gætan en levant les yeux au ciel.
- Parfait.
Il se leva :
- Bon, je vais devoir te laisser, j'ai d'autres patients qui m'attendent. On se revoit dans deux jours, et d'ici là n'oublie pas tes exercices !
- Oui oui...
Le docteur sourit puis quitta la chambre. Moins d'une minute plus tard, Jules entra :
- Alors ? demanda-t-il en venant s'assoir sur le lit. Qu'est-ce qu'il a dit ?
- Que je devais rester encore un mois dans ta chambre.
- Très drôle, la tafiole. Et plus sérieusement ?
- Je retournerai en cours lundi. Tout est réparé.
- Bonne nouvelle. Du coup, tu vas pouvoir retourner dans ta chambre.
- T'es sûr ? Parce que la tienne est confortable. J'aime particulièrement les magazines pornos que tu caches dans ton tiroir à chaussettes.
- Ça m'étonnerait, y a que des chattes dedans.
- Ça tombe bien, j'adore les animaux.
- T'es un petit rigolo toi.
- Je trouve aussi.
Jules se leva et entreprit de ramasser les affaires de Gætan étalées un peu partout dans la pièce.
- Bon sinon, t'as toujours pas retrouvé superman ?
- Toujours pas.
Gætan attrapa son carnet sur sa table de chevet et l'ouvrit à la dernière page. Il avait passé la soirée de la veille à consigner, avec Léonie, les noms de tous les mecs de première et terminal de leur lycée puis à éliminer ceux pour qui ils étaient sûrs qu'il ne pouvaient pas être le sauveur de Gætan : ses amis proches qui lui auraient probablement dit autrement, Aymeric et ses potes, tous ceux dont le physique ne permettait pas de les imaginer faire fuir à eux-seuls une bande de mecs, et enfin ceux que Justin et Léonie avaient déjà (plus ou moins discrètement) interrogés.
- Il en reste combien ? demanda Jules en se penchant au-dessus de son épaule.
- Cinquante-trois, en supposant qu'il soit bien du même lycée que nous.
- Ah. A partir de quand on peut dire que c'est foutu ? Sérieusement, tu comptes interroger tous ces mecs ?
- S'il le faut, oui. Je suis prêt à tout pour le retrouver, même, si je dois interroger toute la ville.
- Houlà, ça tourne pas un peu à l'obsession là ?
Gætan ne répondit pas.
- Gæt, tu perds ton temps, continua Jules. Si le mec a envie que tu saches que c'est lui, il viendra te voir.
- On verra. Mais si personne ne vient, c'est moi qui irais à lui. J'ai vraiment besoin de savoir qui c'est, de lui parler. Si tu comprends pas, tant pis.
- J'dis juste que tu devrais pas faire une fixette sur ça. Sérieux, tu parles plus que de ce mec alors que tu le connais même pas, et tu passes ton temps à faire des plans pour le retrouver. Et s'il avait pas envie d'être retrouvé ?
Pour toute réponse, Gætan reposa son carnet et prit un magazine.
Jules secoua la tête puis se releva et ramassa la chemise plastique qu'il avait apporté en arrivant :
- Au fait, dit-il en la jetant sur les genoux de son frère, y'a un mec qu'est passé te voir tout à l'heure.
- Un mec ? répéta Gætan en fronçant les sourcils. Qui ?
- Un mec de ta classe. Il était venu t'apporter des maths ou un truc comme ça, mais quand je lui ai dit que tu t'étais avec le médecin il a dit qu'il préférait pas te déranger et il a laissé ça.
Gætan regarda dans la chemise, où s'entassait un petit tas de devoirs de math. Il sentit soudain le regard insistant de son frère posé sur lui.
- Qu'est-ce qu'y a ? demanda-t-il.
- Rien, répondit Jules. Je me demandais juste depuis quand tu avais fait ami-ami avec Morgan Carmel.
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Quoi qu'en pensent les autres
RomanceCeci est le récit de deux chemins qui se croisent. Gætan est un jeune lycéen de 16 ans, ouvertement gay, même s'il a parfois du mal à supporter les moqueries à son sujet. Un jour, cela dérape et il se fait tabasser par un groupes de jeun...