CHAPITRE DERNIER : JE L'AIME (1)

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Tandis qu'il marchait, Gætan sentit ses larmes recommencer à couler. Ses yeux lui brulaient. Il arracha son nœud papillon.

Tous ceux qu'il croisait le dévisageaient étrangement, mais il les ignora. Il ne voulait voir personne.

Et puis il avait terriblement chaud, il étouffait. Il avait besoin d'air.

Il se mit en quête de la sortie. Tandis qu'il approchait de la fête, la musique se fit de plus en plus forte, obsédante. Il se mit à courir et parvint aux grandes portes du gymnase, grandes ouvertes. Il fut aussitôt stoppé par la foule compacte des lycéens qui avaient investis la piste de danse.

Au loin, il aperçut la porte extérieure qui menait à l'air libre. La chaleur devint insoutenable, inspirant à fond il plongea dans cette marée humaine.

Jouant des coudes et des épaules, il se fraya un chemin vers la sortie. A un moment, il crut entendre la voix de Léonie l'appeler, mais il l'ignora. Ça devenait vital pour lui de trouver de l'air, il se sentait fondre dans son costume.

Lorsqu'enfin il parvint aux portes, il sortit en courant du bâtiment. L'air glacé de la nuit fut un intense soulagement. Il mit aussitôt le plus de distance possible entre lui et la musique assourdissante, s'aventurant plus loin dans l'obscurité, vers le parking.

Alors seulement, il s'arrêta et pris un instant pour calmer sa respiration. Levant les yeux, il regarda la lune qui baignait l'endroit d'une faible mais douce clarté argentée.

Alors seulement, il réalisa.

Ses larmes cessèrent, il frissonna. Mais qu'est-ce qui lui avait pris ?

Il ne parvint pas à expliquer ce qu'il venait de faire. C'était comme s'il avait été soudainement possédé par une rage brutale, comme s'il avait complétement perdu la maitrise de lui-même. Son esprit s'était enflammé, ses paroles s'étaient envenimées.

Il repensa au regard de désespoir et d'incompréhension que lui avait lancé Morgan.

Il sentit son esprit se scinder en deux : une partie s'emplie d'une puissante vague de regrets, mais une seconde n'en ressentait pas le moindre. C'était trop facile... Comment Morgan pouvait-il se permettre de lui balancer comme ça qu'il était fou de lui après avoir passé des mois à le laisser se questionner jusqu'à l'obsession, l'avoir fait tourner en rond sans lâcher la moindre allusion tangible à la vérité ? Il avait le droit de lui en vouloir.

Pourtant, au fond de lui, il ne parvint pas à s'en convaincre lui-même.

Il regarda à nouveau la lune. Puis il éclata en sanglots.

***

Morgan n'avait peut-être jamais couru aussi vite de toute sa vie, la force du désespoir décuplant ses forces. Il traversa le dédale de couloir en coup de vent et parvint au gymnase. Se faufilant dans la foule, il chercha de tous les côtés une trace de Gætan et finit pas apercevoir Léonie qui se tenait à l'écart de la piste de danse avec Justin. Tous deux avaient des mines inquiètes.

Il se précipita vers eux.

- Vous avez vu Gætan ? lança-t-il en s'extirpant de la foule.

Léonie cligna des yeux en le voyant surgir de nulle part, le regard fou, les yeux rougis, le costume froissé.

- Euh, oui, balbutia-t-elle, je l'ai vu partir vers la sortie.

Morgan braqua son regard vers les portes du gymnase.

- Morgan, qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Justin.

- Je vous raconterai, répondit Morgan. Merci.

Et il s'élança à la suite de Gætan. Parvenant à l'extérieur, il chercha Gætan du regard. Soudain, il aperçut une silhouette, loin vers le parking, dans la faible clarté de la lune.

Sans hésiter, il se dirigea vers elle.

En approchant, il reconnut Gætan. Celui-ci lui tournait le dos, la tête baissée. Il tenait son nœud papillon d'une main, et son corps était parcouru de frissons.

Des bruits de sanglots lui parvint. Sans hésiter, il courut jusqu'à lui et le saisit doucement part les épaules, comme s'il voulait le réchauffer.

Sursautant, Gætan, leva vers lui des yeux inondés de larmes.

- Morgan..., murmura-t-il.

- Gætan, je t'en prie, laisse-moi te parler, t'expliquer, l'implora le jeune athlète.

Gætan le regarda avec une expression indéchiffrable. Il ouvrit la bouche pour répondre mais une autre voix surgissant de la nuit l'interrompit :

- Ça alors, mais c'est la tafiole !

Gætan et Morgan se retournèrent vers la voix. L'instant d'après, ils virent surgir une dizaine de type en jogging, capuches rabattues, menés par un type à l'expression malveillante. Morgan reconnut aussitôt l'expression haineuse dans son regard.

- Je suis bien content de te revoir ! lança-t-il d'une voix faussement amicale. Dis-moi, tu te souviens de moi ?

Serrant la mâchoire, Gætan ne répondit pas. Alors l'autre retira sa capuche, révélant une large entaille sur la joue :

- Parce que moi, dit-il d'une voix glaciale je me souviens de toi.

Pendant ce temps, ses acolytes les encerclèrent, leur coupant toute retraite. Instinctivement, Morgan, se plaça devant Gætan.

- Qu'est-ce que tu veux ? lâcha-t-il d'un ton qui se voulait dépourvu de toute peur.

Son interlocuteur le dévisagea :

- Tu me dis quelque chose toi.

- Yassen, intervint le garçon à sa droite, c'est le gars, le taré qui nous est tombé dessus...

Le dénommé Yassen se retourna vers lui. Il porta la main à sa cicatrice.

- T'es sûr, c'est cet enfoiré ?

- Oui.

Il reporta son attention sur Morgan :

- Tu m'en diras tant... Quel hasard, la tapette avec son héros du jour !

Morgan perçut un gémissement à sa droite. Se retournant, il croisa le regard plein d'incompréhension de Gætan :

- Morgan, qu'est-ce qu'il veut dire ?

Morgan ne sut que répondre. Yassen s'en chargea pour lui :

- Quoi, t'es même pas au courant ? Si t'es encore debout aujourd'hui, c'est uniquement parce que cet enfoiré nous a attaqué dans le dos et nous as empêché de te finir dans les règles. Pas de chance, maintenant il est dans la même merde que toi... Tu vas me payer cette cicatrice, j'te le promet.

Ils resserrèrent leur cercle. Morgan n'avait pas peur, mais il ressenti un grand désespoir en voyant le regard de Gætan. Il était en état de choc, incapable de bouger.

- Gætan, fit-il, je suis désolé...

- Du calme, les tapettes, l'interrompit Yassen, visiblement irrité d'être ignoré. On n'a pas toute la nuit nous, alors...

Soudain, une main s'abattit fermement sur son épaule, le faisant sursauter brutalement. Il se retourna d'un bloc vers le nouveau venu :

- Putain, mais t'es qui toi encore ?

- Jules Madson, répondit Jules sans le lâcher. Enchanté de faire ta connaissance. Maintenant, laisse-moi te dire ceci : si jamais tu touches encore à mon petit frère, je t'explose la gueule.

Quoi qu'en pensent les autresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant