Quoi qu'en pensent les autres

CHAPITRE 10 : JE LE DISCERNE (2)

Dois-je le faire ou pas ?

Morgan n'avait jamais été autant indécis qu'en cet instant. Dans l'obscurité de la salle de cinéma, il observa à la dérobé le magnifique garçon qui se tenait à ses côtés. Gætan était absolument craquant, les yeux grands ouverts fixés sur l'écran, la main crispée sur l'accoudoir, les lèvres qui remuaient comme s'il connaissait par cœur les répliques du film.

C'était sans doute vrai, à ce qu'il lui avait dit il l'avait déjà vu plus d'une dizaine de fois et il comptait parmi ses films préférés. Quand ils avaient vu qu'il était en ressortie, Morgan lui avait tout de suite proposé d'aller le voir, lui ne l'ayant jamais vu. Il n'avait pas eu besoin de plus pour convaincre son blondinet.

Néanmoins, Morgan ne se montra pas très attentif au film en lui-même, impossible dans ces conditions. Il passa ces deux heures entières à dévorer Gætan du coin de l'œil, ses cheveux ébouriffés après la piscine, ses yeux brillants, sa peau si parfaite...

Plus les jours passaient, plus il le trouvait beau, à couper le souffle. Et plus il craignait qu'il ne rencontre un autre garçon...

Mais il ne laisserait pas une telle chose se produire.

Il regarda la main de Gætan, posée sur l'accoudoir, juste à sa portée. Il n'avait qu'à étendre le bras pour lui prendre.

Mais il hésita. Non pas qu'il n'en avait pas envie – il en mourrait d'envie -, ni qu'il avait peur car de toute manière ils étaient plongés dans le noir. Il n'appréhendait pas vraiment non plus la réaction de Gætan. Au contraire, il sentait de plus en plus que l'attirance qu'il avait pour lui était réciproque.

Mais il commençait à le connaitre plutôt bien : Gætan était un romantique, il rêvait d'une belle déclaration d'amour, comme dans son film.

Alors, Morgan la lui offrirait. Mais pas ici, pas maintenant. Il devait refréner son désir et chercher plutôt un moyen de l'inviter au bal. Là-bas, il trouverait le moment parfait pour lui révéler tous les sentiments qui s'agitaient en lui, tout ce temps qu'il passait à penser à lui, tout le désir et la passion qu'il lui inspirait à chaque fois qu'il posait les yeux sur lui.

Le cinéma aurait pu être une bonne manière, pour lui prendre la main, lui caresser le bras puis doucement saisir sa nuque et l'attirer à lui pour déposer un tendre baiser sur ces lèvres qui le rendaient fou de désir. Mais cela manquait encore d'intimité et se perdait dans la banalité. Morgan voyait les choses en plus grand.

Avant qu'il ne s'en aperçoive le film était déjà fini et les lumières se rallumèrent. Gætan s'étira puis se tourna vers lui avec un grand sourire :

- Alors, t'en as pensé quoi ?

- Euh, pas mal, j'ai bien aimé, surtout la fin, bredouilla Morgan.

Il n'aimait pas mentir, mais comment lui avouer qu'il en avait loupé plus de la moitié parce qu'il était trop occupé à l'admirer ?

La réponse parut convenir à Gætan :

- Tu m'étonnes, fit-il en se levant. Je l'ai déjà dit, mais vraiment j'adore ce film, je m'en lasserai jamais je crois !

***

Lorsqu'ils sortirent du cinéma, la nuit était déjà tombée, et le ciel était couvert.

Gætan se tourna vers Morgan. Purée, ce gars était vraiment canon. Il resta un moment interdit devant son visage d'ange, ses cheveux châtains décoiffés qui tombaient sur ses yeux bleu océan, son sourire omniprésent qui creusait deux petites fossettes si craquantes sur ses joues...

Il secoua la tête pour recouvrir ses esprits. Déjà que tout le film, il n'avait cessé d'être distrait par sa présence. Il avait senti quelque chose à un moment, comme un frôlement, et avait presque cru qu'il était en train de lui prendre la main. Sa respiration s'était stoppée net, avant qu'il ne s'aperçoive qu'il ne s'agissait que de son coude.

Il s'était réprimé intérieurement : pourquoi lui aurait-il prit la main ? Et pourquoi pas l'embrasser tant qu'on y est...

Les deux jeunes gens se regardèrent un moment puis ouvrirent la bouche en même temps :

- Est-ce que..., fit Gætan.

- Ça te dirait de..., fit Morgan.

Ils se turent et eurent un rire gêné puis Morgan lui fit signe de parler en premier :

- Vas-y, qu'est-ce que tu voulais dire ?

- Euh, rien, je... Enfin si, je voulais te proposer, si ça te dit, de venir passer la soirée chez moi. Mes parents sont pas là, il n'y a que mes frères – autant dire que je suis tout seul. Alors si tu veux, on pourrait se commander un chinois et manger confortablement chez moi ?

Morgan eut un large sourire :

- En fait j'aller te proposer d'aller boire un verre mais ta proposition me plait encore plus. En plus, j'ai faim, alors je dis : grave !

- Cool, répondit Gætan en souriant à son tour. Dans ce cas, j'appelle mon frère pour qu'il vienne nous chercher.

***

Pour Morgan, cette soirée fut l'une des plus belles de sa vie. Installés sur des couvertures et des cousins dans le salon, ils dégustèrent leur chinois tout en discutant de tout et de rien, d'eux-mêmes, en partageant des impressions, des avis, en riant surtout, le plus souvent pour un rien.

Le jeune athlète se sentit réellement heureux d'être ici avec ce garçon qu'il adorait tant, ce garçon si fabuleux, si hors du commun, si exceptionnellement beau, gentil, drôle... Il avait beau chercher, il ne lui trouvait pas le moindre défaut. Rien ne semblait pouvoir égaler à ses yeux la beauté de son visage, sa grâce, la clarté de sa voix et l'éclat de son rire cristallin qui le transportait à chaque fois qu'il l'entendait. Il adorait le faire rire.

Plus d'une fois, il dut se retenir de se jeter sur lui pour l'embrasser. Il avait l'impression que ses lèvres le brulaient comme pour le punir de les faire languir si longtemps.

Mais cela valait le coup d'attendre.

Alors que minuit approchait, un orage éclata soudain et le ciel fut parcouru d'éclair. Gætan se leva et s'approcha de la fenêtre :

- J'adore l'orage, murmura-t-il. Le tonnerre, la foudre, c'est tellement impressionnant... C'est comme si la nature nous dévoilait toute l'étendue de sa puissance, comme pour nous ramener à notre place de simples humains.

- Je suis d'accord, fit Morgan en le rejoignant.

Ils restèrent un long moment à observer le ciel, côte à côte, dans un silence troublé uniquement par les rugissements célestes.

Jules survint alors :

- J'ai coupé tous les appareils électriques, annonça-t-il. Gæt, papa et maman ont appelés, ils vont dormi à l'hôtel ce soir. Ah, et les communications sont coupées.

- Oh, répondit le cadet.

Il se tourna ensuite vers Morgan :

- Du coup, tu veux dormir à la maison ce soir ?