CHAPITRE 11 : JE L'ADORE (6)

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Lorsque Morgan arriva à la piscine, il prit à peine le temps de saluer ses amis avant de plonger dans le bassin. Sa nouvelle détermination lui donnait de la force, il avala les cinq-cents mètres d'échauffement en dix minutes et enchaina aussitôt avec les exercices sans prendre la peine de se reposer.

Au bout d'une demi-heure, leur coach les réunit au bord du bassin pour leur faire un topo sur les championnats. Tous convergèrent vers lui, Morgan se plaça juste en dessous, adossé au bassin.

- Bon, les gars, beugla M. Hergo en frottant ses mains potelées, vous vous en êtes bien tirés au régionaux, mais maintenant c'est une autre paire de manche ! Les gars que vous allez affronter aux nationaux, c'est quand même autre choses que ces pédales que vous avez écrasés l'autre jour !

Morgan serra les points :

- Des pédales ? Pourquoi pensez-vous que ce soient des pédales ?

Une vingtaine de regards surpris se tournèrent vers lui : qu'est-ce qui lui prenait d'interrompre leur coach comme ça ? Morgan resta impassible. Il se retourna lentement vers M. Hergo et lui lança un regard inexpressif.

Déstabilisé, le vieux coach crut d'abord à une plaisanterie et lui fit un clin d'œil :

- Parce que vu comme ils nageaient à deux à l'heure, ça m'aurait pas étonné qu'on me dise qu'ils venaient de se faire mettre une...

- Fermez-là, l'interrompit Morgan d'une voix calme.

Cette fois, un silence de mort s'abattit sur le groupe. M. Hergo regarda ses élèves pour s'assurer qu'il avait bien entendu : jamais de toute sa carrière on ne lui avait dit de se la fermer. Impossible, il avait dû mal comprendre :

- Qu'est-ce que tu as dit ? demanda-t-il d'une voix glaciale.

- Vous avez très bien entendu, répondit Morgan sans ciller. Fermez-là.

A la tête qu'il fit, on aurait pu croire que M. Hergo venait de recevoir en camion de plusieurs milliers de tonnes sur le crâne.

Il fit un effort monumental pour se ressaisir et ne pas perdre la face devant tous ses élèves, son expression se durcit :

- Ecoute-moi bien, jeune homme..., commença-t-il en pointant son doigt potelé sur Morgan.

- Non, je n'en ai pas envie, l'interrompit encore le jeune athlète.

Il se hissa d'un coup hors de l'eau :

- D'ailleurs je n'aurais plus jamais à vous écouter. Je pars. Mais avant, laissez-moi vous dire ceci : vous êtes le plus mauvais coach que ce club n'ait jamais connu, vous n'êtes que l'ombre du nageur que vous étiez autrefois. Aujourd'hui, sans nous, vous n'êtes plus rien, et ce n'est pas grâce à vous que nous en sommes là. Vos conseils sont idiots, tout comme vous, vos méthodes dépassées, vous êtes vulgaire et dégoutant et je ne veux plus jamais avoir à faire à vous.

Et sur ce, ignorant les dizaines de regards ahuris braqués sur lui, il tourna les talons et se dirigea vers le vestiaire :

- Je te préviens, lui cria M. Hergo d'une voix qui se voulait autoritaire mais qui tenait plus du chevrotement d'une chèvre asthmatique, si tu t'en vas, tu ne pourras plus jamais remettre les pieds ici !

Morgan ne répondit pas.

- Arrête-toi, hurla M. Hergo.

Morgan s'immobilisa.

- Je te laisserais pas partir à un mois des nationales !

Alors le jeune athlète se retourna lentement vers lui et lui lança un regard plein de haine, à tel point qu'il le fit reculer :

- Essayez donc de m'en empêcher.

Et il quitta la piscine. M. Hergo le regarda disparaitre avec une expression effarée. Il ne parvenait pas à croire ce qu'il venait de se passer, pas plus que les vingt élèves du club de natation présents. Mais personne ne tenta de l'arrêter.

***

En sortant de l'établissement, Morgan n'eut pas le temps de faire vingt pas avant que la voix de Romain ne lui parvienne :

- Morgan, attend !

Il s'arrêta. L'instant d'après, Romain et Samel le rattrapaient, les cheveux encore trempés, habillés à la va-vite. Après son coup d'éclat, ils avaient d'un commun accord pris la décision de se lancer à sa poursuite.

- On peut savoir ce qui t'a pris ? demanda Samel, le regard suspicieux.

- Ouais, renchérit Romain, c'était quoi ce gros pétage de câble ? On est habitués à toutes ses conneries.

Morgan les regarda, impassible. Romain et Samel, ses meilleurs amis. Les seuls en qui ils avaient confiance à l'exception de Farah.

Que diraient-ils s'ils apprenaient la vérité ? Seraient-ils toujours ses amis ?

Puis il repensa aux paroles de Lucas : « Tu verras qui ne s'intéresse à toi que pour ton image et qui sont réellement tes amis, ceux qui t'apprécie pour ta personne et pour qui le fait que tu sois homo ou hétéro ne changera rien. »

Ils le regardaient désormais tous deux avec des yeux inquiets. Il inspira longuement puis lâcha :

- Les gars, il faut que je vous dise un truc.

Quoi qu'en pensent les autresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant