C I N Q

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J'attends Alice depuis maintenant deux heures et je commence à m'impatienter.

En réalité, je guette surtout le retour de Louis.

C'est étrange mais j'ai peur. Explique moi, Journal, pourquoi je le redoute. Cela peut paraître plausible mais je crains qu'il ai succombé au charme peu banale d'Alice.

Un bruit de clef dans la serrure, le grincement aigu de la porte, une tension sur la poignée m'apprends qu'Alice va franchir le seuil de la chambre d'ici quelques secondes.

- Alice ? Alors ? Verdict ?

Alice denoue lentement les lacets de ses tennis roses avant de les placer sous le radiateur de l'entrée.

- Tu as choisi qui entre Céleste et l'autre ? poursuivis-je, toujours dans l'attente d'une réponse de sa part.

Elle lève la tête dans ma direction, plongeant ses prunelles sombres dans les miennes, déformant ses sourcils pour qu'ils se rejoignent étroitement :

- Rassure moi : quand tu parles de l'autre, tu veux parler de Louis, n'est-ce pas ?

- Oui. refutais-je. Tu as choisi qui dis moi ?

- Ton copain.

- Qui ça ? Louis n'est certainement pas mon -

- Écoute Éli, cracha ma colocataire qui me coupe net dans mon explication, je t'aime bien, mais arrêtes de faire l'imbécile. J'ai compris votre petit manège à tous les deux ! Quand je suis arrivée, il te caressait Éli !

Je lève mes bras au ciel avant de me justifier :

- Mais certainement pas. On travaille ensemble en Sciences, c'est tout ! Quand tu nous a vu, il révisait juste la leçon d'anatomie par dessus mon épaule en attendant que tu reviennes !

J'affalube, mais si je lui avais dit la vérité, elle aurait été vexée.

Alice roule des yeux, et lâche un soupir, puis se précipite dans la salle de bain et devant son armoire où elle sort une multitude de vêtements pour les ranger dans sa valise.

Je cabriole hors de mon lit où je m'étais assise, pour me retrouver sur le sol atrocement glacé du carrelage pour rattraper Alice qui se tenait maintenant sur le paillasson, prête à partir, serrant fermement les anses trouées de ses bagages.

- Tu n'ira nul part ! dis-je d'un ton sec.

Je lui saisi le coude pour qu'elle me fasse face.

Quand son visage se tint dans l'alignement du mien, j'aperçois de l'humidité dans ses yeux, et cette vision me fait affreusement souffrir.

Elle passe sa main dans ses cheveux, rabat quelques mèches devant ses yeux pour les cacher, en vain.

Elle tire la porte violemment vers elle et se retire de ma possession. Une fois dans le couloir, peu éclairé par un seul néon en piteux état, elle se retourne vers moi et hurle, serant les poings près de son corps :

- Je pensais que tu avais compris ! Je te faisais confiance ! Mais non ! Il n'y a que toi qui compte, comme toujours ! Dès que tu ouvres la bouche, il faut que tout le monde t'écoute, mais quand c'est ton amie qui se retrouve amoureuse, il n'y a plus personne ! Tu foires toujours tout !

Les étudiants sortent tour à tour de leur chambre pour assister à cette scène, qu'ils devaient trouver amusante

mais qui étaient, pour les concernées, sinistre.

Je fixe mon amie qui courait vers les escaliers pour quitter cet étage réservé aux chambres universitaires pour les élèves de seconde année de médecine, elle bouscule toutes les personnes qui se trouvent sur son chemin et qui ralentissent sa course.

Je regarde mes doigts qui se tortillaient  tandis que je mordille l'intérieur de ma joue : je suis totalement impuissante.

Je rejoins mon habitation, claquant la porte derrière moi et celle-ci fait vibrer les murs après mon passage. Je me laisse tomber en arrière sur mon matelas confortable, les bras et les jambes écartés pour me donner la forme d'une étoile s'écrasant sur le lit.

- Donc Alice était amoureuse de Louis ? Non, non, non, c'est pas possible.

Je secoue ma tête paresseusement suite à la phrase insensée que je venait d'articuler dans mon oreiller.

Alice et Louis ? Je me sens effroyablement troublée par la proclamation dont elle venait de me faire part.

Bizarrement, je suis plus préoccupée par une autre question qui vient de émerger dans mon esprit : et si c'était aussi dans le sens Louis et Alice ? Et si cet amour était réciproque ? Non. Je ne pense pas, ou du moins je l'espère.

The Rogue.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant