S I X

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Mardi 10 septembre 2013

Déjà une semaine qu'Alice fui la résidence universitaire et que j'essaye de la joindre à l'aide de mails et appels inconditionnés mais elle m'ignore.

Je ne sais pas où elle est, chez sa soeur peut-être ou ses parents probablement.

Cela fait aussi une semaine que je reste clouée au lit à cause d'une angine et des courbatures atrocement douloureuses.

J'ai du rater au total près de 4h de cours intenses de Sciences Humaines et Sociales et sans doute 1h ou 2h de biologie avec l'abominable Blirton, monsieur Blirton.

Connaissant au maximum une dizaine de personnes dans le campus, je n'ai aucun moyen de rattraper les cours et diapositives scientifiques. Parfait, je suis terrifiée à l'idée de mon retour, aucunement envisageable aujourd'hui.

C'est dans ces moments de légères souffrances que je me dis que je pourrais crever ici, noyée dans l'alcool et la solitude, et tout le monde (y compris ma famille) s'en ficherait vivement...

Je sort rapidement de mes idées noires,malheureuses mais lucides, quand j'ois quelqu'un frapper contre le carreau vitré de la porte.

Plus efficace qu'un comprimé d'aspirine effervescent ou qu'un quelconque remède naturel provenant de tribus reculées et inconnues d'Amazonie, cette éventuelle visite me remet debout immédiatement.

Malheureusement, passer de l'horizontale à la verticale aussi brusquement, a fatalement été trop violent pour mon corps frêle qui oscille et manque de tomber à maintes reprises.

Incapable de parcourir plus de deux centimètres sans m'étaler par terre comme une vulgaire crêpe, je m'assois sur l'extrémité de mon lit, et braille le plus fort possible :

- Entrez ! C'est ouvert !

Le bruit assourdissant que je viens de commettre bourdonne dans mes tympans, et résonne dans l'étroite pièce.

Le visiteur anonyme pousse dolce la cloison qui me sépare de lui pour enfin poser ses pieds sur le sol crasseux de ma chambre.

Rien qu'en apercevant ces pieds chaussées de vans foncées je comprends qui venait tout juste de pénétrer dans ma piaule :

- Bonjour princesse dit Louis, un sourire timide étire ses lèvres roses alors qu'il s'approche de moi, lentement.

Une fois devant moi, il se cale entre mes jambes légèrement entrouvertes et de sa main, caresse mes cheveux ondulés, ceux-ci supportés par mes épaules.

- Tu as enfin compris la leçon ! rit Louis tout en tressant avec ses doigts une petite mèche de ma chevelure, que j'avais rapidement rangée derrière mon oreille, un peu avant son arrivée.

Je suis incapable de lui adresser un seul mot, ni même un seul regard ; trop intimidée par son corps foncièrement bien sculpté, qui se dresse devant moi.

Louis arrête de se concentrer sur mes cheveux sauvagement laissés détachés, pour fouiller dans son sac qu'il avait posé au pied de mon édredon.

- Tiens. Je t'ai photocopié les cours que tu as ratés, et sur la clef USB tu as les diapositives qu'on doit avoir la semaine prochaine.

Louis me présente des feuilles chiffonnées et un petit disque dur.

- Merci beaucoup Louis, réussis-je à dire en le gratifiant de mon plus beau sourire.

Louis se limite à me faire un clin d'oeil et se replace en face de moi, entre mes genoux.

- D'ailleurs, la dissertation, il faut qu'on avance...

Je baisse la tête, faisant une mine découragée lorsque son pouce me prend le menton pour remonter mon visage.

- Si tu veux, je fais tout. Ça ne me dérange pas tu sais, et puis je me débrouille assez bien, ajoute Louis d'un air triomphant.

- Non, non, ne t'inquiéte pas. On travaille ensemble, je veux t'aider.

Louis remonte vers mon bassin et je le stoppe net en croisant mes jambes. Il attrape mes mains, que je gardais derrière mon dos pour me garder assise : quand je failli tomber en arrière, Louis me rattrape par l'épaule et avance sa bouche au bord de mon oreille :

- Tu es toute seule aujourd'hui ?

Je me décale sur le matelas puis me relève précipitamment pour éviter Louis, dont la proximitée devient gênante et dangereuse.

- Tu veux un thé ? balbutiais-je, les yeux baissés pour éviter son regard pesant.

- Si tu en prends un, ce n'est pas de refus.

- Dans ce cas...

Je marche en direction de la minable kitchenette dont est dotée notre chambre : contrairement aux cuisines habituelles qui sont un lieu familial, incarnant au mieux la convivialité, la nôtre est froide et sans couleurs, avec un réfrigérateur, deux plaques de cuisson couvertes de graisse carbonisée, et des placards dévêtus de toutes portes car ces dernières tombaient systématiquement.

- Tu veux du citron ? criais-je aussi fort que j'en suis capable pour faire entendre ma voix au dessus du vacarme de la bouilloire.

- Ça m'est égal.

Je sursaute lorsque je sens les phalanges de Louis contre mon flan, sentant ses bras contre les miens.

- Tu peux arrêter Louis s'il te plait ? ordonnais-je à mon binôme d'un ton las, tu joues à quoi exactement ?

J'agripe ses doigts pour les repositionner le long de son corps et arque un sourcil pour lui rappeler que mon ordre était suivi d'une question à laquelle il m'est indispensable de connaître la réponse.

- À rien bébé souffle Louis en revenant vers moi.

Son torse est désormais collé contre ma poitrine et j'arrive à sentir les battements irréguliers de son coeur à travers nos habits respectifs.

Il avance toujours contre moi, tout en me dévorant des yeux, ce qui me force à reculer, sous sa force dominante.

- Tu apprendras que je ne joue ja-mais avec les filles.

Louis enchaîne les pas, manquant de m'emputer les orteils à chaque enjambée.

Je me retrouve vite en sandwich entre lui et le plan de travail dédié aux conceptions culinaires.

Cependant Louis continue d'emboîter le pas face à moi, alors que je ne peux plus reculer : nous sommes tellement proches à présent...

J'arrive à entendre sa respiration saccadée contre ma tempe et les avalements fréquents de sa salive épaisse.

De près, j'analyse mieux son visage parfaitement détendu : sa peau légèrement brunie était incrustée des poils courts de sa barbe récente, ses longs cils protégeaient ses orbres envoûtantes et ses pupilles actuellement dillatées, les traits de son visage étaient extrêmement fins et ses joues paraissaient quelques peu creusées.

Il avait laissé ses cheveux bruns et raides comme les fois précédentes ; rabattus en arrière et justement brossés sur le côté, atteignant le haut de ses oreilles.

Mon visiteur scelle son ventre à mon bassin, me pressant contre le meuble sur lequel je suis adossée ce qui m'oblige à me courber sous son poids.

Il plaque ses lèvres contre mon lobe d'oreille :

- Viens, allons manger : tu as l'air s'être affamée et ton frigo est vide me propose Louis d'un ton suave.

Sa question est surprenante : ce moment était tellement sensuel et silencieux que me proposer d'aller déjeuner devient burlesque.

Je ne n'ai pas faim et je ne suis pas non plus aux portes de la famine mais je ne peux refuser : j'ai l'impression de devenir folle. Folle de lui.

The Rogue.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant