O N Z E

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Mes jambes se mêlent instantanément aux siennes et mes mains, qui enlacent le bas de son dos, remontent pour presser ses épaules contre moi, alors que les cris perçants de la fillette ne cessent de résonner sans la chambre. Les yeux fermés, je parvient quand même à le sentir sourir contre mon oreille sous mes gestes affectueux.

Le temps semble s'arrêter. Je me sens en sécurité avec lui. J'ai l'impression que son corps a été moulé dans le marbre et qu'il ne peut être rayé, j'ai le sentiment qu'il se dresse tel un phare pour faire face, inébranlable, à l'écume des terribles tempêtes.

Son parfum moisi, réincarnant parfaitement le mâle, l'odeur fraîche et pharmaceutique de son shampoing qui fait briller ses mèches décoiffées, son haleine mentholée qu'il expire doucement, embaument mes poumons à chaque gorgée d'air, m'emportant dans un autre monde, merveilleux et silencieux.

La musique au rythme rock du générique, rappelant la fin du film, parvient jusqu'à mes oreilles et je ne peux m'empêcher de me retirer de l'étreinte de Louis, les joues colorées dans des tons variants du rouge pastel au rose vif, perturbée.

Je m'assois sur le bord du lit, laissant mes pieds pendre dans le vide. Je me sens totalement confuse. Je ne suis pas du tout le genre de filles entreprenantes qui essayent de séduire les garçons. J'ai la fâcheuse habitude de ne jamais dévoiler mes sentiments et de me faire le plus discrète : aucun individu du sexe opposé n'a jamais remarqué mon existence à part un, il me semble.

Mais là, je viens de renverser la tendance : je me suis imposée dans les bras de Louis, et ce ne me ressemble pas.

Le problème c'est que je regrette tous ces gestes compromettants et si je lui avoue que ce n'était pas moi, j'ai peur de le perde, car Louis, je commence sérieusement à m'y attacher.

Du coin de l'oeil je le voit s'armer de la télécommande pour éteindre la télévison qui est accrochée au mur en face de nous. Je l'observe aussi ramper jusqu'à moi et approcher son visage près de mes joues, devenues écarlates.

- Et si on travaillait Éli ? Ou peut-être que tu es encore choquée par The Conjuring fait-il de sorte à ce que je devinne le rictus qui étend ses lèvres.

- Tu devrais partir. Je suis fatiguée et je vais profiter de cette semaine pédagogique pour rattraper tous les cours que j'ai raté.

Je tourne la tête pour affronter son regard rongé par la culpabilité mais j'étais incapable de lui sourir ou de lui parler pour lui assurer qu'on se reverra cette semaine.

Il se dirige lentement et muet près de la porte d'entrée après avoir vélocement enfilé ces chaussures.

Je ne peux le voir de mon emplacement à cause d'une colonne en plâtre cachant l'entrée, mais j'arrive tout de même à apercevoir son reflet dans le miroir situé maintenant à un endroit pleinement stratégique.

Trop timide je le regarde, passive, quitter ma chambre, prenant le temps de fermer amabilement la porte.

Je suis idiote, trop idiote de le laisser partir.

Ces mots font écho dans mon esprit et les larmes ne peuvent s'empêcher de ruisseler le long de mon nez jusqu'à la comissure de mes lèvres. Je ne me comprends plus, quand j'ai enfin ce dont je rêve, je fais tout pour le perdre.

Oui, Louis est ce dont j'ai toujours songé : incarnant l'homme idéal par sa force, sa beauté mais aussi par sa gentillesse débordante, sa galanterie, sa générosité, son humour et j'en passe.

Son rire aiguë vibre toujours dans ma tête et mon coeur martele contre ma cage thoracique.

Il me manque déjà.

The Rogue.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant