Chapitre 23 - It's a long way up when you hit the ground

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Mercredi 11 janvier

Je suis enfermée dans mon bureau depuis plus de quatre heures maintenant et je n'ai pas relevé une seule fois la tête de mes dossiers. J'enchaine les mails aux clients, les analyses de marché et les propositions commerciales sans m'accorder une seconde de répit. Mon travail m'aide à oublier le trou béant qui orne mon cœur et me permet de ne pas sombrer définitivement. Peut-être n'est-ce pas la bonne solution, peut-être devrais-je plutôt m'ouvrir à ceux qui m'entourent mais actuellement, je ne sais rien faire d'autre que me tuer à la tâche.

Certains de mes collègues m'ont fait des réflexions plus moins désagréables, me reprochant de m'isoler et de ne plus rien partager avec eux. Je les comprends, je ne leur adresse pratiquement plus la parole à part pour leur dire bonjour ou au revoir et je ne mange plus avec eux. Je ne mange même plus du tout. Mais pour ma défense, je n'arrive tout simplement plus à faire semblant. J'ai fait semblant toute ma vie, je fais semblant tous les soirs, laissez-moi au moins m'enfermer tranquillement dans mon bureau toute la journée !

J'ai officiellement barricadé mon cœur derrière un mur de pierre il y a exactement neuf jours. Il était en train de mourir dans d'atroces souffrances alors j'ai utilisé mes dernières forces pour le ramasser, le vider de tout sentiment et l'ensevelir sous une montagne de barrières hermétiques. Depuis, je travaille la journée et je souris faussement le soir. Je passe mes semaines à ignorer les sursauts de mon organe vital en convalescence lorsque mes yeux se posent sur Ethan au détour des couloirs. Et pour l'instant, je parviens plutôt bien à faire illusion.

Quand Ethan m'a supplié de lui revenir, j'ai paniqué. Cette simple demande a tout détruit sur son passage. Au plus profond de moi, je voulais lui appartenir à nouveau. J'ai aimé la sensation de ses mots possessifs flottant autour de moi et cherchant à m'envelopper dans sa bulle qui me manque tant. Mais je ne pouvais pas. Je n'avais pas le droit de me trahir de la sorte. Si je dois retrouver Ethan, je le veux entièrement, pleinement et tout à moi. Je ne veux pas être le secret, la femme cachée qui attend dans l'ombre que son homme lui offre quelques pauvres moments volés par-ci, par là.

Ce soir-là, je lui ai donc définitivement tourné le dos. Et je me suis un peu perdue moi-même mais c'était le prix à payer pour que je puisse encore me regarder dans une glace. Gabriel se tenait à mes côtés et il n'avait aucune idée de la scène qui se jouait sous ses yeux. Il a seulement compris que j'étais au plus mal et sur le chemin du retour il m'a demandé ce qu'il se passait. J'ai baragouiné une excuse pitoyable lui expliquant qu'Ethan était un patron tortionnaire et que je ne me sentais pas très bien. Adorable comme toujours, il ne m'a pas posé plus de questions et il s'est contenté de me caresser furtivement la cuisse pendant tout le trajet. Son toucher me brûlait mais je n'ai rien dit.

J'ai eu toute la peine du monde à m'extraire de sa voiture et à regagner mon appartement. Je savais que j'avais pris la bonne décision mais au fond de moi, il ne restait plus rien. Plus d'envie, plus d'espoir, plus de lumière. Alors, pour la première fois de ma vie, je me suis dirigée vers ma salle de bain et j'ai entamé une boite de somnifère. Il fallait que je dorme et si possible que je me réveille dans un autre monde. J'ai donc déposé une petite pilule dans la paume de ma main et je l'ai avalée.

J'ai dormi treize heures d'affilée. Ma nuit a été noire et sans rêve. Comme mon cœur. Mon réveil m'a sorti de cet état de léthargie et j'ai dû affronter mon corps engourdi ainsi que mon esprit embrumé au petit matin. Bizarrement, je ne me sentais ni reposée ni apaisée. Je ne ressentais rien à part un immense vide. J'avais simplement l'impression de continuellement tomber plus bas, plus loin, plus fort. Tant bien que mal, je me suis redressée et j'ai posé les pieds sur mon parquet gelé. Des flashs ont pris possession de cerveau et une sensation inhumaine de déchirement a parcouru mon corps tout entier. Je voulais me réveiller de ce cauchemar mais malheureusement, je ne pouvais pas. J'étais condamnée à le revivre encore et encore.

Malgré nous (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant