Chapitre 46 - When the night falls on you

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Lundi 25 septembre

Je ferme la porte derrière moi en remontant le col de ma veste le plus haut possible. Le temps aujourd'hui est tout simplement affreux. Pluie, vent, brouillard et froid ont décidé de gâcher mon jour de repos mais c'était sans compter sur le sourire qui fend mon visage depuis quelques minutes à peine. Je rejoins un arrêt de bus en trottinant puis je grimpe dans le premier qui passe, histoire de me mettre à l'abri. Je m'échoue sur un siège au fond du véhicule et je m'empresse d'envoyer un message à Julie. Je viens de passer une heure dans le cabinet du médecin qui me suit ici, à enchainer tout une batterie de tests et d'examens pour déterminer l'évolution de ma guérison. Et à mon plus grand bonheur, je suis enfin autorisée à reprendre la danse. Le médecin m'a bien expliqué que ma hanche est guérie mais que je pourrai ressentir quelques douleurs lancinantes de temps à autres. Qu'importe, je peux à nouveau danser et cela suffit à me combler de bonheur !

En revanche, il m'a bien mise en garde contre mon comportement alimentaire qui reste encore fragile. Lorsqu'il m'a posé toutes sortes de questions concernant mes habitudes, j'ai été honnête. Je lui ai expliqué que je peine à ressentir l'envie de me nourrir et que je me force chaque jour à porter la fourchette à ma bouche. Les mauvaises habitudes ont la vie dure et les cicatrices invisibles des tourments passés se réveillent souvent, m'obligeant à me montrer forte pour ne pas retomber dans mes travers. Même si le docteur trouve que je ne mange pas assez – et j'en suis pleinement consciente – je reste tout de même fière de moi puisque je m'astreints désormais à une rigueur que j'avais complètement rejetée quand je vivais en France.

Je continue également mes séances avec Faustine, ma psychologue. Nous avons rendez-vous tous les jeudis matin pour une séance d'une heure via Skype et je ne manquerai ces séances pour rien au monde. Moi qui ai énormément de mal à mettre en mot la brume qui obscurcit souvent mes pensées, j'ai découvert un oasis avec elle. Elle m'offre une parenthèse qui n'appartient qu'à nous, dans laquelle je peux dire tout ce qui me passe par la tête sans avoir peur d'être jugée. Chaque semaine, je me découvre un peu plus. Elle ne me force jamais à parler, elle s'adapte toujours à mes envies et j'ai pris conscience d'énormément de choses grâce à elle.

Le pardon est un concept bien complexe. J'ai toujours pensé que j'étais une personne indulgente, capable d'accepter les erreurs d'autrui et de les excuser assez facilement. Mais depuis que j'ai été confrontée à la trahison de ceux qui comptaient le plus pour moi, j'ai réalisé que je suis profondément rancunière. Et cette rancune a bien failli me bouffer la vie si ma psy ne m'avait pas fait prendre conscience que pardonner ne signifie pas oublier mais plutôt essayer de comprendre et d'avancer. J'ai également intégré que le plus difficile dans le fait de pardonner, c'est de me remettre en cause, d'accepter le fait que j'ai moi aussi une part de responsabilité dans ce qui s'est passé et d'assumer mes limites et celles de ceux qui m'ont fait mal. Mes parents ne sont pas parfaits et ne seront pas là pour moi quand j'aurais besoin d'eux. Je n'y peux rien et je dois l'accepter. C'est un travail long et éprouvant mais ô combien vital. Chaque jour, je m'efforce de puiser en moi la sagesse que je n'avais pas jusqu'alors.

Pardonner, ce n'est pas faire semblant d'aller bien et ruminer en secret tous les actes qui nous ont fait mal. Pardonner, c'est se montrer plus fort que la rancune ou la vengeance. C'est offrir un cadeau précieux à ceux qui le méritent, même s'ils ont commis un impair. En ce qui concerne mes parents, je n'ai pas décidé de leur offrir mon pardon mais de les pardonner égoïstement pour tourner la page et avancer. Je n'ai plus de contact avec eux mais depuis que j'apprends à me libérer de ma rancœur, je me sens mieux. Libérée, légère, libre. Bien sûr, certains soirs je m'endors en pleurant de n'être pas assez bien pour mériter leur amour. Mais le lendemain, je me fais violence pour laisser le pardon trouver sa place au milieu des débris de mon cœur. Et depuis quelques semaines, je ne me définis plus comme cette fille soumise et perdue que j'ai été pendant des années.

Malgré nous (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant