Chapitre 40 - Kiss me hard before you go

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Vendredi 7 avril

-Putain, non Candice n'y va pas ! Attends-moi, je vais rentrer plus tôt que pré...

Je raccroche avant même d'avoir entendu la fin de sa phrase. De toute façon, c'est la même depuis trois jours. Ethan ne veut pas que je confronte mes parents seule et moi, je ne peux plus attendre. Ma santé mentale et physique est en jeu. Depuis qu'Olivia m'a dévoilé la vérité, je ne vis plus. Je réussis tout juste à me rappeler comment respirer. Alors je respire. Le reste n'existe pas. Mon corps fatigué et maltraité est parcouru d'une multitude de douleurs qui se sont infiltrées un peu partout et mon esprit n'est plus qu'un champ de bataille abandonné. De mes souvenirs et mes certitudes, il ne reste plus qu'un tas de cendres fumantes.

J'ignorais à quel point c'est dur de ne pas savoir qui on est, ni d'où on vient. Comment puis-je envisager un avenir si je ne sais même pas de quoi est fait mon passé ? Depuis mardi, je passe des heures devant mon miroir à me scruter et à m'interroger sans cesse. Est-ce que je tiens ma tignasse bouclée de mon père ? Ai-je hérité de la forme de ses yeux ? De ses pommettes saillantes ? De son caractère doux ? Du feu qui sommeille en moi ? Je ne sais pas. Et je ne le saurai probablement jamais. Je me sens totalement démunie face au reflet que mon renvoie le miroir parce que désormais, je ne me reconnais plus.

Je suis plus pâle que la lune et je tiens à peine debout. Mon teint gris est fané et j'ai arrêté d'espérer que quelque chose puisse encore éclore de moi. Les deux brindilles qui me servent de jambes me portent à peine et chaque pas que je fais me dérobe tant d'énergie que je ne prends même plus la peine de bouger. Quand les certitudes se disloquent pour laisser place aux interrogations, je parviens quelques fois à me trainer jusqu'à mon lit et à essayer de dormir. Mais le sommeil a lui aussi décidé de me laisser tomber. Alors j'enchaine les heures à essayer de me débattre avec toutes ces questions qui me persécutent sans arrêt et je continue de respirer. C'est la seule chose que j'arrive à faire à peu près correctement.  

Je repense inlassablement au récit d'Ethan concernant sa mère et ses mots me convainquent que je dois connaître l'histoire de ma vie si je veux réussir à me relever. J'ai déjà gâché plus de vingt-sept ans à vivre dans l'ignorance et à encaisser des coups que je ne mérite pas, cela ne peut plus durer. Depuis des mois, je me détruis à petit feu pour une raison que j'ignore mais aujourd'hui je comprends que mon comportement n'est pas la conséquence d'un fâcheux problème mais bien d'un amoncellement de secrets, de non-dits et de culpabilité. Mon histoire personnelle a été bâtie sur les décombres d'un couple dont je ne connais rien. Honnêtement, qui a bien pu s'imaginer que laisser des débris à une minuscule petite fille était le meilleur cadeau de bienvenue à lui offrir ? Les ruines ne sont synonymes que de bataille, de défaite, de douleur et d'espoir sans lendemain.

Lorsqu'un nouveau vertige me prend par surprise, je comprends que cette situation ne peut plus durer. Ethan est censé rentrer ce weekend et il insiste pour que je l'attende avant de me rendre chez mes parents mais j'ai déjà bien assez attendu. Il n'est que 8h13 mais ma décision est prise. Je dois savoir, coûte que coûte. Je me lève, plus déterminée que jamais et j'enfile un sweat et un legging. Je ne me coiffe pas et ne prends pas la peine de me maquiller. Je ne veux plus faire semblant et je me fiche éperdument de ce que pourra bien penser ma mère. Ne me sentant absolument pas en état de conduire, je hèle un taxi et m'engouffre dans l'habitacle surchauffé. Le conducteur, Guy apparemment, essaie de me faire la conversation mais il comprend bien assez vite qu'il ne faut plus rien attendre de moi. Je l'entends grommeler que sa précédente cliente était bien plus agréable mais je m'en fiche. Je ne suis plus qu'une coquille vide qui a tari sa réserve de larmes. Je me force à fixer mon regard sur le paysage qui défile et je me mets à compter. Un, deux, trois, quatre... Il faut que les chiffres me fassent oublier et me rendent insensible. Vingt-sept, vingt-huit, vingt-neuf... Si je parviens à continuer comme ça, je pourrais peut-être m'en sortir. Quarante-cinq, quarante-six, quarante-sept...

Malgré nous (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant