Chapitre 45 - Heads up for this time

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Lundi 4 septembre

Je suis installée à ma table habituelle au fond du petit pub que j'adore fréquenter. La salle est plutôt vide en ce lundi après-midi, seul un couple de personnes âgées lit paisiblement le journal, leurs petits mains ridées tendrement enlacées. Je les observe distraitement de temps en temps, à chaque fois émue par leur complicité. Parfois, ils se sourient mais la plupart du temps, il leur suffit juste de se regarder pour que leur visage s'éclaire. Et chacun de leurs échanges de regard apporte un petit plus de douceur à ma journée plutôt morose.

J'ai décortiqué une trentaine d'annonces d'emploi sans vraiment réussir à trouver ce que je veux réellement faire de ma vie. Je fuis tout ce qui se rapporte de près ou de loin à l'assistanat commercial ou au secrétariat. Du coup, il ne reste que des jobs auxquels je ne connais absolument rien. Serveuse, vendeuse, femme de ménage, conseillère, réceptionniste etc. Toutes ces propositions me laissent totalement dubitatives mais étrangement, je réfléchis sérieusement à envoyer mon curriculum vitae. J'ai quand même envie de plonger dans le noir et de prendre en main mon avenir, même si l'inconnu me terrifie.

Deux heures plus tard, j'ai répondu à toutes ces annonces, aussi variées soient-elles. L'adrénaline pulse dans mes veines, comme un cours d'eau tranquille se transforme quelques fois en un torrent quand les éléments se déchainent. Pour ma part, c'est mon cerveau qui fuse de toutes parts. Il est tantôt déterminé à croquer ma nouvelle vie londonienne à pleines dents, tantôt en proie aux doutes et à l'amertume. Une boule se crée au creux de mon estomac, annonçant les prémices d'une fin de journée aussi maussade qu'elle a commencé et même si je me force à rester concentrée sur ma recherche d'emploi, je ne peux empêcher mes pensées de dévier vers mes parents.

Quand je lis les descriptions de poste, je n'arrive pas à me sortir de la tête la réaction qu'ils auraient s'ils savaient que je viens de postuler. Je vois d'ici leur déception - pire leur dégoût - et leurs mots sévères s'accrochent déjà à mes oreilles. Je n'ai jamais rien été d'autre qu'une déception à leurs yeux et même si je me suis promis de ne plus leur porter aucune considération, aujourd'hui je n'y parviens simplement pas. Cela fait maintenant presque cinq mois que j'ai quitté leur maison glaciale après avoir été éclaboussée pour leur rancœur et leur hostilité. 150 jours se sont écoulés pendant lesquels je me suis battue, je me suis relevée, je suis devenue plus forte malgré leur silence. Cependant, il y a des jours où leur mutisme m'écorche le cœur. Quel genre de parent reste sans aucune nouvelle de leur enfant unique pendant presque la moitié d'une année ? Pourquoi ai-je à leurs yeux si peu de valeur que je ne mérite même pas leur inquiétude ?

Je souffle longuement en enfouissant la tête entre mes paumes, tentant par ce geste navrant de me défaire de mes idées noires. Malheureusement, elles ne semblent pas prêtes à me laisser tranquille. Je sais que je ne parviendrai jamais à les comprendre et que je dois accepter la situation comme elle est. Oui, je le sais. Mais quelques fois, de candides lueurs d'espoir s'infiltrent à travers les fissures qu'ils ont engendrées dans mon âme et dispersent sur leur sillage de cruelles pensées qui finissent toujours de me mettre à terre. Et si ma mère ne savait tout simplement pas comment me joindre ? Peut-être est-elle prostrée chez elle, rongée par l'inquiétude ? Peut-être même que mon silence a éteint une partie d'elle qu'elle n'a jamais pu combattre ?

Et soudain, je me souviens. Tous ses mots froids, toute sa rancœur et tous ses regrets rejaillissent dans mon esprit tels des fantômes tapis dans l'ombre qui ne me quitteront jamais vraiment. Et le retour à la réalité est encore plus cuisant. Si ma mère avait vraiment voulu me retrouver pour s'assurer que je vais bien, elle l'aurait fait. Ethan l'a bien fait lui. Le gouffre qui ronge silencieusement ma poitrine s'étend encore un peu plus parce que je ne suis plus naïve. Mes parents ont tourné la page et m'ont rayé de leur vie. Il n'y a plus rien à espérer et pourtant, la fillette aux boucles brunes indomptables espère toujours un peu. Je crois qu'elle espérera toujours même si certains jours sont plus insouciants que d'autres.

Malgré nous (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant