Chapitre vingt-sept

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Tu peux toujours t'excuser

Bredouille, Tsubasa rentra au repaire après une longue et difficile marche. Ses habits tâchés de sang, détrempés, un poids immense pesait sur ses épaules. Elle n'entendit aucun bruit à son entrée, ce qui la fit se diriger jusqu'à la pièce où Kuroro avait exigé la tête de l'utilisateur à la chaîne. Il était toujours là, patient. Ses yeux gris se tournèrent vers la jeune femme. Elle s'avança chancelante, tête baissée.

— Où est-il ? demanda le chef d'un ton calme.

Les lèvres pincées, la blonde réprima un sanglot. Elle avait réussi à s'enfuir, lors du moment de faiblesse de son adversaire. Mais la chaîne autour de son cœur, elle, restait là. Il lui fallait choisir avec précaution chacun de ses mots.

— Où est l'utilisateur à la chaîne ? insista le brun.

Incapable de formuler une phrase ou d'affronter l'expression de Kuroro, Tsubasa voulait disparaître. S'effacer pour qu'on ne puisse plus la voir. Ses doigts, tremblants, se saisirent d'un papier dans une poche intérieure de sa veste. Il observa attentivement ses geste ainsi que ses blessures coulantes. Elle lui tendit alors la feuille.

— J'ai échoué, réussit-elle à articuler d'une faible voix.

Le chef lut. Il prit le temps d'analyser chaque ligne parcourue. Fatiguée de cacher tant de secrets, elle le laissa voir la prédiction. Partagea le fléau à une nouvelle personne.

— C'est grâce aux prédictions de la fille Nostrad que les Dix Dons ont pu déplacer les lots avant votre arrivée, précisa-t-elle. Mais elle m'a aussi lu l'avenir. Chaque paragraphe est pour une semaine du mois de septembre.

— Depuis combien de temps es-tu en possession de ces informations ?

— Avant la vente aux enchères. Je n'avais pas la moindre idée de ce que ça signifiait jusqu'à ce que je rejoigne la Brigade et boucle le premier cycle.

Calmement, il replia le papier. Il ne dit rien sur le contenu malgré l'expression d'agacement qui traversait son visage.

— Tu en as parlé à quelqu'un d'autre que moi, jusqu'ici ?

— Feitan, murmura-t-elle honteuse.

— Tes questions prennent tout leur sens, maintenant, constata le brun à demi-voix. Le numéro de ton cousin, d'Uvogin, le mien et ta peur de nous trahir. Tout se bousculait dans ta tête.

Elle ne répondit pas. Formuler des phrases devenait compliqué. L'envie de craquer s'amplifiait de minute en minute. Les larmes ravalées ne tarderaient pas à tomber.

— Et l'utilisateur à la chaîne, où est-il ?

— Je ne... Je ne sais pas, articula cette dernière.

— Donne-moi sa description, insista Kuroro.

— Je ne m'en rappelle pas.

La faiblesse dans sa voix fut entendue par son aîné. Il haussa un sourcil, toujours assis sur un rocher, la prédiction entre ses mains.

— Et le ton de sa voix ?

— Je ne me rappelle pas, répéta-t-elle.

— Ses capacités ? Il t'a blessée, renchérit-il sur le même ton serein. Avec quoi ? Quel Nen, quelle rapidité ?

— Je ne me rappelle pas.

— Ah oui ?

Un air de défi emplit le regard du chef. Malgré toutes ses tentatives, elle ne pourrait pas lâcher une quelconque information au risque de voir sa vie s'éteindre sur l'instant.

— Lorsque vous vous voyez, seul à seul, quelle est la lueur dans ses yeux quand il te fixe ? La douceur de sa main quand il te touche ? Le ton qu'il emprunte à ta proximité, à quoi ça ressemble ?

— Je ne vois pas de quoi...

— Mensonges, la coupa-t-il. Tu agis toujours de manière étrange lorsque je mentionne l'utilisateur à la chaîne. Tu sais qui il est. Dis-moi son nom.

— Je ne me rappelle pas, s'entêta la blonde.

— Si tu ne connais pas son nom, alors explique-moi pourquoi tu es sortie vivante de ton combat contre lui.

Vivante. Le mot utilisé arracha un rire nerveux à la jeune femme. Ce soir, elle ne se sentait pas plus vivante qu'hier ou qu'elle le serait demain. Peut-être même moins que la normale. Tout ce sang perdu, ces forces épuisées et cet interrogatoire qui ne pouvait mener nulle part...

— J-Je ne l'ai pas vu, souffla-t-elle. Il m'a battue et...

— Son nom, Tsubasa. Donne-moi son nom.

Poings serrés, la Berisha ne put retenir ses larmes qui s'échappèrent de ses yeux. Le prononcer arrêterait son cœur sur l'instant. Continuer de nier la mettrait en mauvaise position. Incapable de choisir, elle craqua. Face au mur, elle ne pouvait ni avouer ni mentir. Ses épaules se secouèrent sous les sanglots. Dans sa main qui possédait le symbole, un couteau apparut. Elle le tendit à Kuroro qui s'en saisit, intrigué. Il la regarda tomber à genoux. Ses doigts dégagèrent l'accès à sa gorge mais quelques cheveux y restèrent collés.

— Tue-moi. Je t'en supplie, murmura-t-elle.

La réaction démesurée de sa nouvelle recrue surprit le brun. Il marqua un temps de pause afin de comprendre ce qu'il se passait. Ses blessures gorgées de sang continuaient de couler. Il appuya alors la lame contre la veine palpitante de son cou. Immobile, précis.

— Achevez vos souffrances. Et les miennes.

Son bras se leva pour prendre de l'élan. Le coup venait. Prête à le recevoir, Tsubasa ferma ses paupières. La dernière option qui s'offrait à elle revenait à ne pas choisir. Dans tous les cas, la mort viendrait la chercher de n'importe quel côté. Autant décider avant que ça n'arrive de manière brutale. Mais au plus elle attendit, plus des doutes se formèrent. Un bruit métallique résonna. La Berisha ouvrit les yeux et vit Kuroro debout ainsi que son arme plantée sur le rocher à côté.

— Qu'est-ce que tu fais ? s'étonna-t-elle.

Son silence frustra la blonde. La rage enterrée au fond de ses entrailles ressurgit. Elle prit l'élan nécessaire puis se projeta vers le chef. Il attrapa son poignet d'un geste sec et l'attira contre lui. Choquée, Tsubasa tenta d'abord de se débattre mais ses efforts furent inutiles. Alors, sans autre possibilité, elle pleura contre l'épaule de ce dernier. Ses sanglots emplissaient la pièce.

— Je t'en supplie, tue-moi, articula-t-elle. Ne me laisse pas gâcher votre fin.

— Aucun membre de la Brigade n'aura ce genre de pensées tant que je serais à sa tête. Toi aussi, tu auras le droit à ta rédemption.

— Ma quoi ?

— Lors de la prochaine vente, nous allons rendre hommage à Uvo. Lui jouer le requiem qu'il mérite. Ce soir-là, tu pourras faire ce que tu veux. Y compris tuer celui qui te fait souffrir.

Elle ne comprenait pas. Comment, avec toutes les informations à son sujet, Kuroro continuait de la vouloir avec eux. Il en savait bien plus sur sa relation avec le Kuruta qu'il ne le laissait paraître. Au lieu de mettre fin à ses jours, il la rassurait. Confuse, la jeune femme opina silencieusement et laissa sa fatigue prendre le dessus. Elle arrêta de se débattre.

{Hunter x Hunter} Effet PapillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant