Chapitre trente-quatre

2.5K 246 259
                                    

 La morale n'est rien de plus que la régularisation de l'égoïsme 

    Le moment tant attendu arriva : le soir de la vente aux enchères. Plan en tête, les trois Blood Breeds ainsi que Tsubasa s'étaient séparés deux heures avant la mise en action des événements afin de prendre leur position. La jeune femme, en tenue de soirée, attendait à l'intérieur d'une pièce, assise sur un fauteuil en cuir. Verre de vin à la main, ses yeux scrutaient avec attention les voitures ainsi que ceux ressemblant à des clients pénétrer l'enceinte du bâtiment de la vente. Vu l'heure, William devait déjà se trouver à la salle des machines. 

Deux coups sur la porte la tirèrent de ses songes. Quelqu'un ouvrit sans attendre de réponse puis referma aussitôt, comme par peur d'être vu. Le reflet confirma l'identité de cette personne en costume noir à la blonde qui se tourna, un sourire malicieux aux lèvres. 

— Tu es venu, constata cette dernière. 

Kurapika verrouilla à clef. Il la dévisagea puis soupira. Tsubasa se leva tandis qu'il s'approcha d'elle, d'un pas presque impatient. 

— Qu'est-ce que tu fais ici ? finit-il par dire. La mafia pourrait te voir. 

— J'aimerais les avoir comme seul problème, ce soir. Mais ça n'est pas le cas. 

Un silence étrange s'installa. Ils se regardèrent, sans qu'aucun mot ne s'échappe. Comme si briser le calme dissiperait l'illusion que cette entrevue durerait un peu plus. 

— Si je t'ai demandé de me rejoindre, c'est pour plusieurs raisons, avoua-t-elle. Je n'ai aucune idée de ce qui va m'arriver ou de quelle manière tout ceci va se terminer. J'ai quelque chose à te rendre. 

La Berisha se baissa afin d'attraper un paquet glissé sous son siège. Une fois le bien dans ses bras, elle se redressa et le serra contre sa poitrine. 

— Je pensais avoir tout le temps du monde. Je ne pense plus que ce soit le cas.

Intrigué, Kurapika défit la ficelle autour du papier mâché. Ses doigts presque tremblants retirèrent l'emballage pour tomber face à deux pupilles écarlates. Sans voix, il s'en saisit et Tsubasa lâcha le présent. 

— Comment... murmura-t-il. 

— La Brigade avait vendu cette paire, mais j'ai réussi à me la reprocurer. 

— Dans quel but ? 

— Pour toi.

Il déposa les récipients sur une table à proximité. Le Kuruta se sentait perdu face au comportement de la blonde. Tous deux, d'un commun accord, s'étaient décidés d'abandonner tout contact. De se laisser partir vers leur chemin respectif. 

— Merci, réussit-il à articuler. Merci infiniment. 

Il se força à rester stoïque. Ses mains agrippaient le bois de la table, ses muscles tremblaient presque. Quelque chose n'allait pas, il pouvait le sentir. 

— Dis-moi pourquoi tu sembles si calme à l'approche d'une soirée si agitée, lança-t-il sans la regarder. 

— Je ne sais pas. Peut-être parce que j'ai passé les derniers jours dans tous mes états. L'approche du destin finit par nous mener à l'acceptation. 

Un air triste sur le visage, ni lui ni elle ne souhaitaient croiser les yeux de l'autre. Les larmes, menaçantes pour les deux, furent ravalées avec violence. 

— Tu sais, reprit-elle. Je ne t'ai jamais vraiment détesté. Pas même au début. Et après de longues heures de réflexion, qu'importe la manière dont les choses se seraient déroulées, je pense que ça n'aurait rien changé. 

— Alors pourquoi me demander de venir ? 

Surprise puis hésitante, Tsubasa laissa un sourire triste s'emparer de ses lèvres. 

— Parce que je voulais te voir une dernière fois. 

Il grinça des dents. Elle était si détachée que la situation lui parut surnaturelle. Il sentit une frustration sans nom le gagner, incapable d'affronter la jeune femme en face. Le pressentiment au fond de ses entrailles lui criait de prendre la main de la blonde et de courir le plus loin possible de la vente aux enchères pour ne jamais regarder en arrière. Il frappa sur la table avec son poing. 

— Tu as déjà abandonné, constata ce dernier. Mais tu ne peux pas t'imaginer que je vais juste sortir de cette pièce la tête haute avec ce que tu viens de me dire. Après tout ce que tu m'as fais. 

— Kurapika, j'ai... 

Il rit nerveusement. Tête rejetée vers l'arrière, il canalisa toute sa force pour ne pas laisser les pleurs prendre le dessus. 

— Ce n'est pas ta faute, la coupa-t-il. Je n'ai pas voulu tomber amoureux, mais c'est arrivé. 

Bouche-bée, la Berisha sentit ses muscles se tendre. Il avait l'air de souffrir tout autant qu'elle, malgré ses efforts afin de la cacher. 

— Je ne pense pas que tu voulais me faire de mal non plus. Aucun de nos choix ne pouvaient permettre une quelconque... 

Il sentit deux bras entourer son torse et un corps se coller contre son dos. Elle l'enlaçait, sans force, sans chercher à le retenir. Il sentit une plus grande douleur écraser son cœur. Les larmes glissèrent de leur propre chef sur ses joues. Silencieusement. Et il sourit, par abandon. Rien n'arrêterait cette douleur presque aiguë. 

— Il y a une chance que je ne revienne pas, avoua-t-elle. Parce que cette chance existe, j'avais besoin de t'avoir à mes côtés juste pour quelques minutes. 

Il se tourna lentement. Tsubasa déposa son front contre le torse de ce dernier. Les doigts de Kurapika attrapèrent avec délicatesse son visage afin qu'elle le regarde. 

— Je resterais jusqu'à la fin. 

La chasseuse de prime perdit le contrôle. Elle joignit ses lèvres à celles du Kuruta. Le contact, plus qu'humidifié par leurs larmes respectives, ne s'interrompit pas. Elle enroula ses bras autour de son cou, agrippa sa nuque afin de le rapprocher. Il n'y en aurait peut-être pas d'autre. Elle goûta au poison la rongeant depuis des semaines, prête à accepter qu'importe ce qui l'attendait. 

Ils se détachèrent. Le pouce du blond caressa la lèvre inférieure de Tsubasa puis il initia à son tour l'embrassade. Ils échangèrent les rôles, afin de plaquer les hanches de cette dernière contre la table. Au lieu de la douceur précédente, une vague étrange emplit leurs gestes qui devinrent de plus en plus violents. La Berisha saisit fermement les cheveux de son partenaire afin de rejeter sa tête en arrière. Elle mordit son cou, ce qui lui valut de se retrouver allongée de tout son long sur le bois, incapable de changer rôles, complètement dominée. 

— Fais-moi oublier, murmura-t-elle. 

Il n'y aurait ni temps, ni sentiments, ou fin heureuse. Ils s'en rendirent compte au premier contact de leurs corps, au premier baiser, au premier regard envieux. La seule issue se trouvait ici, dans un endroit éloigné de la réalité. 

— Je t'aime tellement. 

— N'arrête jamais. 

{Hunter x Hunter} Effet PapillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant