# XI. Le meilleur ami

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# XI. Le meilleur ami

J'appelle son patron ne voulant qu'il aille travailler ce soir. Il en est incapable vu l'état dans lequel il est actuellement. Il veut vraiment mourir ce crétin et s'il continue sans que je l'arrête, il risque d'y arriver rapidement. S'il vient à disparaitre, je ne sais absolument pas ce que je ferais. Il n'a pas beaucoup de personne sur qui il peut réellement compter et je veux être là pour lui le plus longtemps possible. C'est mon meilleur ami depuis qu'on a dix ans.

La première fois que l'on s'est vu, c'était à notre rentrée en sixième. Il était tout seul dans son coin et il semblait complètement perdu. Je me souviens que personne n'allait lui parler dans la classe sous prétexte qu'il était bizarre. Quand je lui ai parlé la toute première fois, j'ai rapidement remarqué qu'il ne venait pas d'ici et qu'il ne connaissait quasiment rien de la langue française. Je me suis toujours demandé pourquoi ses parents ne l'avaient pas inscrit dans une école spécialisée pour les étrangers ou alors pourquoi ils n'avaient rien fait pour l'aider dans cet apprentissage. J'ai eu beaucoup de mal à obtenir sa confiance – une confiance qui prouve que je suis son ami. Je lui ai promis de toujours veiller sur lui – ce que je continue à faire maintenant. Je lui ai tout appris de la langue française même s'il garde toujours un petit accent hongrois qui le différencie des autres. Un accent difficilement reconnaissable. On passait nos journées ensemble, sans qu'il y ait le moindre tabou entre nous. Il m'a raconté tout ce qu'il avait vécu comme s'il voulait se libérer d'un poids qui l'encombrait depuis longtemps. Il m'a d'ailleurs fait promettre de ne jamais en parler et je tiens ma promesse. Jamais je ne divulguerai ce qu'il m'a confié. Je vois très bien que cela le perturbe beaucoup en ce moment. Mais il essaie de me faire croire le contraire. Désolé mon petit András, je suis peut-être chiant mais je suis loin d'être stupide et aveugle en même temps. Je sais très bien que tu souffres et comme d'habitude, tu ne laisses rien paraitre de l'extérieur.

Si je prends autant soin de lui, c'est pour lui prouver que la vraie vie est bien meilleure que tout ce qu'il a enduré jusque-là. Il est tellement obnubilé par le sexe qu'il ne vit qu'à travers ça. Malgré tous mes efforts, il n'a pas changé d'un poil. Ces derniers temps, je sais qu'il a ramené – enfin on l'a ramené – plusieurs mecs chez lui. Et vu comment il tient debout, je doute sur sa capacité à utiliser un préservatif à chaque fois. Ils auraient très bien pu oublier d'en mettre un une fois et j'espère pour András qu'ils n'étaient pas malades. Je suis peut-être ultra protecteur avec lui parce que j'ai moi-même peur en fait... Je n'ai toujours pas sauté le pas et ce n'est pas aussi simple que ça...

J'ai eu trois petite-amies en tout. Avec la première, c'était une amourette de passage, rien de plus. Je n'avais que quatorze ans et je ne me voyais pas avec elle le restant de mes jours. Elle était beaucoup trop superficielle pour moi. Ensuite, la deuxième, j'avais seize ans et toujours aucune expérience dans ce domaine alors qu'elle oui. András venait tout juste de me décrire sa première fois et sans savoir pourquoi, je me suis mis à la place de ce salaud. J'ai eu peur. Peur de ne faire ressentir aucun plaisir à ma partenaire. Depuis cet âge-là, je bloque totalement. Pourtant, j'ai tout testé. J'ai essayé de me stimuler par moi-même, avec des objets, des soi-disant remèdes à base de plantes etc. Rien. J'avais tellement honte de moi à ce moment. Je l'ai dit à ma copine qui voulait coucher avec moi depuis longtemps et la seule chose que j'ai récolté, c'est une magnifique gifle. Tout cela accompagné d'une charmante phrase : « Putain, t'es un mec qui peut même pas bander pour sa copine ! Va te faire mettre par un gars et peut-être que ça viendra ! Moi je me casse, je vais me trouver un vrai copain ». Je ne l'ai plus jamais revu après cette phrase que je garde encore en mémoire. András ne sait absolument rien de tout ça. Je n'oserai jamais lui parler de ma vie sexuelle, c'est trop intime. Quant à Estelle, je l'aime comme pas possible. Elle n'est pas entreprenante même si elle commence à désirer de plus en plus de caresses de ma part – ce qui est normal. Je veux lui dire mais j'ai peur de subir le même rejet qu'avec moi ex... Elle m'aime et je l'aime. Il ne devrait pas il y avoir de problèmes non ?

Pour le moment, il faut que je m'occupe d'András. Je ne sais pas combien de kilos il a perdu mais je suis sûr que ce n'est pas un ou deux. Déjà qu'il n'est pas gros alors là, il ressemble à un cadavre. Si je viens aussi souvent chez lui, c'est pour être sûr qu'il mange. Il est incapable de se débrouiller tout seul – ça on l'apprend à ses dépens avec lui. Tandis qu'il dort tranquillement, j'ai le temps de faire une petite inspection du propriétaire.

Je commence par sa cuisine en ouvrant tous les placards. Vide. Son frigo ? De l'eau, un ou deux yaourts et c'est tout. Voici le nouveau régime de mon meilleur ami, pas étonnant qu'il n'aille pas bien. Si son but est de mourir de faim, il est bien parti. Mais maintenant que je suis là, je m'occupe de lui. J'attendrai qu'il ait récupéré du poids pour moins m'en faire. Un assisté, qu'est-ce que je disais. Je remarque également près de son lit quelques pochettes de préservatifs ouvertes. Point positif, il en a utilisé ; point négatif, il ne sait pas ranger. Je les ramasse et vais les jeter à la poubelle où je découvre leur moitié utilisée. Il faudra qu'il pense à vider sa poubelle un jour, c'est vraiment sale. J'ai l'impression qu'elle ne sert qu'à ça chez lui...

Maintenant, direction sa salle de bain. J'essaie la lumière en entrant et voit qu'elle déconne toujours autant. Il devrait la réparer une bonne fois pour toute. Je vais lui faire une petite liste des choses qu'il doit faire avant de partir. Sinon, c'est légèrement le bazar ici – pour rester poli. Soit ses habits trainent par terre, soit ils sont entassés dans un coin dans l'attente d'être lavés. Une corvée de plus. Je vais vers la baignoire et pour une fois, il y a quelque chose de propre. Ce n'est pas le cas de son lavabo et du miroir au-dessus. Bon, je peux au moins nettoyer ça, ce n'est pas grand-chose. Il a dû se raser ce matin mais étant trop fatigué, il a tout laissé.

J'attrape les produits ménagers dans le placard sous son lavabo – c'est moi qui ai dû amener ça ici. Il serait capable de vivre dans une porcherie si je ne venais pas de temps en temps. Enfin, je nettoie son lavabo rapidement avant de m'attaquer à son miroir qui tient en équilibre sur son mur. Ne voulant pas le briser en le nettoyant – je suis superstitieux, je le retire avec précaution et le pose sur le lavabo. Quand je relève la tête, j'hallucine en découvrant un trou dans le mur. Qu'est-ce que c'est encore ? Dedans, il y a plusieurs boites de médicaments cylindriques. A vu d'œil, il doit il y en avoir cinq. Pourquoi c'est là ça ?

J'attrape une des boites pour déchiffrer ce qu'il y a d'écrit. A quoi ils servent ces médocs ? Pourquoi je m'en a-t-il jamais parlé ? Qu'est-ce que t'as fait comme connerie András cette fois ? Je ne comprends absolument rien au charabia médical mais il est bien écrit de faire attention aux doses prescrites. Sur les cinq boites que je vois, deux sont complètement vide et une autre risque de l'être dans pas longtemps. S'il m'a caché ça, c'est qu'il doit il y avoir une bonne raison et je veux la découvrir rapidement. Je sais que cela a un rapport avec sa crise de nerf et son début de dépression. Pourquoi il a caché ça merde ?! Je suis son meilleur ami et il n'a pas assez confiance en moi ! Dès qu'il sera réveillé et en mesure de me comprendre, je lui parlerai de ça. Moi qui voulait partir pour rejoindre Estelle, je vais devoir attendre un peu. Elle ne devrait pas avoir à subir tout ça. Pour une fois qu'elle est ici, je ne passe pas beaucoup de temps avec elle car András va vraiment mal. Il me prend toute mon attention et je suis obligé de veiller sur lui, comme pour un enfant.

Je remets tout cela en place après m'être occupé de son miroir bien sûr. J'espère seulement qu'il ne m'en voudra pas d'avoir fouillé dans ses affaires. J'aimerai tellement qu'il accepte enfin de recevoir de l'aide de quelqu'un. Tandis que je pensais à cela, un cri me sort de ma réflexion. Un cri provenant de mon meilleur ami.

Je sors en vitesse de la salle de bain et le vois recroquevillé sur son lit, dans un coin de sa chambre. On peut parfaitement voir qu'il a peur. Il regarde partout comme s'il cherchait quelque chose. Quelque chose qui l'effraie. Je m'approche doucement de lui et il a un mouvement de recul. Je m'assieds sur son lit.

- Je suis désolé... C'est de ma faute... Mais ils m'ont... lâche-t-il dans un murmure avant qu'il se mette à pleurer une nouvelle fois.


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Merci à ceux qui lisent, votent et commentent ^^

La colère n'est pas rouge [boyxboy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant