# XXI. De l'autre côté du comptoir
- A toi de deviner qui je suis, lançai-je sous son regard interrogateur.
J'ai osé revenir ici alors que je sais parfaitement qu'il ne veut plus me parler. Quand j'ai vu que le bar organisait une soirée déguisée, je me suis dit que c'était le moment ou jamais de pouvoir l'approcher sans qu'il me reconnaisse. J'ai essayé de soutirer quelques informations à ma mère mais elle ne m'a absolument rien dit. C'est frustrant de savoir que notre mère connaît tout de la personne dont on rêve secrètement. Mon masque de Zorro cache mon appareil auditif. Sans cela, il m'aurait rapidement reconnu. J'ai de nouveau mon truc de vieux mais au moins, j'entends parfaitement bien. Je sais que je vais en avoir un jusqu'à la fin de mes jours. En attendant, je veux connaître András. Il est fascinant.
Je continue de boire mon cocktail sans alcool. Si mes parents me voyaient, ils seraient fous de rage. Leur petit dernier qui sort seul le soir dans un bar gay. Je sais que certains viennent seulement ici pour trouver un partenaire avec qui ils passeront la nuit. Quand on passe devant la porte des toilettes, on devine facilement ce qu'ils sont en train de faire.
- J'aimerai bien te parler pour découvrir qui tu es réellement. Tu acceptes que je te pose des questions ? me demande-t-il à ma grande surprise.
- Oui bien sûr, on peut faire connaissance, répondis-je heureux de pouvoir enfin obtenir ce que je veux depuis le début.
- Par contre, je vais m'asseoir sur le tabouret. Je suis un handicapé, dit-il en me montrant sa cheville entourée par une attelle.
- Ouch, comment tu t'es fait ça ?
- Mauvaise chute.
- Un peu maladroit, non ?
- Quand on est bourré et qu'on descend d'un toit, les chances de chutes sont importantes. Je venais de revoir un petit con à qui j'avais clairement fait comprendre que je ne voulais plus le revoir.
- Pourquoi tu ne veux plus le revoir ? continuai-je en sachant pertinemment qu'il parle de moi.
- C'est juste un petit menteur qui vit dans le monde des bisounours. Il était venu dans le bar un soir seulement pour savoir s'il était gay ou pas. Je croyais qu'il avait au moins dix-huit ans alors je l'ai amené chez moi. J'étais prêt à coucher avec lui mais il n'a que seize ans ! En soit, je m'en fous de l'âge mais si c'est quelqu'un qui se cherche encore, je préfère ne rien faire. Je ne veux pas qu'il regrette sa première fois. On ne se fait pas baiser par le premier mec qu'on trouve.
- Je suis d'accord avec toi. Il était inconscient, ça c'est sûr et certain. Mais faut le comprendre, quand on est jeune, on n'a pas spécialement conscience du danger. Ça s'est mal passé pour toi la première fois ? demandai-je.
- Très mal. J'avais seize ans et disons que le mec sur qui je suis tombé m'a seulement pris pour une pute, un trou pour sa grosse bite. J'aurais vraiment voulu éviter ça. Ce gosse doit faire attention à lui. Il est jeune et c'est un détail qui attire beaucoup la convoitise.
Je ne le pensais pas aussi... inquiet. Je ne comprends les mots qu'il a eu avec moi seulement maintenant. Il ne veut pas que je fasse la même erreur que lui. Trop mignon. Je ne savais pas qu'il avait vécu cela. En me rejetant, il voulait tout simplement me protéger. Je suis en train de me dire que je ne veux pas qu'il sache que c'est à moi qu'il parle depuis le début. Comme il ne sait pas qui je suis, il se livre beaucoup plus facilement.
Je sirote tranquillement mon cocktail tandis qu'András sert d'autres clients qui semblent bien le connaître. Ses bras sont magnifiques. Musclés comme je les aime. Je suis loin d'être musclé. Je n'avais pas pris le temps de bien le regarder la dernière fois mais il semble avoir un tatouage. On n'en voit qu'une seule partie. Trop sexy. Je n'aurais pas dû l'arrêter même si j'étais vraiment angoissé. Les relations qu'ont mes frères avec leurs petite-amies me font tellement envie. Aucun d'eux ne sait que je préfère les hommes. Je ne suis pas près de l'avouer en même temps. L'amour. Rencontrer quelqu'un avec qui tu pourras passer ta vie. Fonder une famille. J'aimerai tellement avoir des enfants même si je suis homosexuel. Ça ne me dérange pas de dire que ce seront mes enfants malgré l'adoption. Enfin. András est beau de toute façon. Maintenant je comprends pourquoi il aime le sexe ; il attire tous les mecs qui viennent ici.
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La colère n'est pas rouge [boyxboy]
RomanceLa colère cache souvent la douleur. András est souvent en colère mais souffre, sans que personne ne puisse faire quoique ce soit pour lui.