# XLI. Comme un étranger

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# XLI. Comme un étranger

Ce matin, au moment d'ouvrir les yeux, je mets plusieurs minutes à me rappeler où je suis. Dans mon pays. Je me redresse doucement, il fait déjà jour. Je pense que je vais me balader tranquillement aujourd'hui. Demain, je retournerai dans mon village et je repartirais aussitôt. Un programme plutôt chargé. Je n'ai pas envie de m'éterniser ici. Je me lève, m'étire longuement puis ouvre la fenêtre. Il a neigé cette nuit. C'est bien quelque chose qui m'a manqué depuis que je suis arrivé à Paris. Je ne voyais plus la neige alors qu'ici, les hivers, c'est presque une habitude. Je sors mon portable - je n'ai pas envie de laisser Yann sans nouvelles pendant mon escapade, il m'a quand même prêté sa voiture. Je prends rapidement une photo et lui envoie. J'ai envie qu'il comprenne que je vais mieux, que j'ai envie d'aller mieux.

Je m'habille rapidement pour aller manger un truc en ville. Ça me fera du bien de retrouver quelques plats typiques d'ici. Vêtu d'un pull, d'un manteau plus que chaud, d'une écharpe et de gants - le minimum vital ici en hier - je sors de l'hôtel direction une petite «boulangerie». J'entre et tout le monde se tourne immédiatement vers moi. Qu'est-ce que j'ai ? Je ne devrais pas avoir de problèmes ici. Personne ne doit me connaître et pourtant tous les regards sont braqués sur moi. Je voulais seulement manger un truc. Je fais mine de rien et vais commander mon péché mignon quand j'étais enfant. Kurtoskalacs. Ce nom ne vous dit peut-être rien pourtant c'est bien la seule chose que j'ai regretté en partant. La serveuse me sert et je la remercie.

Les discussions reprennent doucement. On est rapidement jugé dans ce pays. Il faut suivre le mouvement général. Autant dire qu'en étant gay, il vaut ne pas que ça se sache ici. Je dois paraître «normal». Je commence à manger tranquillement avec un jus de fruit. Je me sens à la fois bien et à la fois extrêmement mal. Je sais que je fais ça pour aller mieux, pour espérer retrouver Cal après mais d'un côté je m'inflige quelque chose que j'aurais voulu oublier. Yann semblait d'accord avec moi idée, autant lui faire confiance. Il m'aide beaucoup plus que je ne l'avoue. Je devrais le remercier pour tout... il m'a toujours épaulé et moi, je continuais à n'en faire qu'à ma tête.

Etant tranquillement dans mes pensées, je ne remarque pas le groupe de quatre mecs qui rentrent. Le poing d'un d'entre eux sur ma table me fait sursauter. Je lève la tête et les reconnais. Je ne sais pas si c'est également leur cas mais s'il vienne ici c'est qu'ils ont une bonne raison. Je me rappelle de leur gueule horrible que je voyais quand on était enfants. Je n'arrivais pas à me faire d'amis avant. J'étais avec ma soeur et ça me suffisait amplement. Quand elle est décédée, je suis devenu, l'instant de quelques mois, la «victime» à l'école. Ma soeur me protégeait parce que j'étais faible. C'est fini maintenant, je ne me laisse plus faire.

- Tiens, tiens, ça faisait longtemps toi. J'ai pas oublié ta tête par contre, dit-il dans ma langue maternelle que je n'ai pas utilisé depuis plus de dix ans.

- Je t'ai manqué ? demandé-je en le regardant pour le provoquer.

- Absolument pas. Qu'est-ce que tu viens foutre ici ? Tuer ta soeur ne t'a pas suffi ?

Ma main se serre et je me retiens de la lui foutre dans sa gueule. Il le mérite mais je ne veux pas de problème. Je dois rester calme pour l'instant. J'attendrai de retourner à Paris pour m'exprimer.

- Et petit con, continue-t-il en me poussant légèrement le bras, renversant mon jus sur moi. Tu m'écoutes ?

Je baisse la tête et ne laisse rien paraître. Calme. Respire. Ne t'énerve pas. Tu as promis. Je me relève en laissant l'argent sur la table, écarte gentiment ceux venus me faire chier et avance vers la sortie. Alors que j'allais sortir, ceux-ci me lancent :

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 09, 2018 ⏰

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La colère n'est pas rouge [boyxboy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant